1. Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue:
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.
Aff. C-595/17, Concl. N. Wahl
Dispositif 1) : "L’article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens que l’application, à l’égard d’une action en dommages et intérêts intentée par un distributeur à l’encontre de son fournisseur sur le fondement de l’article 102 TFUE, d’une clause attributive de juridiction contenue dans le contrat liant les parties n’est pas exclue au seul motif que cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence".
Dispositif 2) : "L’article 23 du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que l’application d’une clause attributive de juridiction dans le cadre d’une action en dommages et intérêts intentée par un distributeur à l’encontre de son fournisseur sur le fondement de l’article 102 TFUE ne dépend pas du constat préalable d’une infraction au droit de la concurrence par une autorité nationale ou européenne".
Aff. C-565/17, Concl. N. Wahl
Parties requérantes: Apple Sales International, Apple Inc., Apple retail France EURL
Partie défenderesse: MJA, en qualité de mandataire liquidateur de eBizcuss.com (eBizcuss)
V. l'arrêt de la Cour de cassation à l'origine de cette question préjudicielle : Civ. 1e, 11 oct. 2017, n° 16-25259
1. L’article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu’il permet au juge national saisi d’une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l’encontre de son fournisseur sur le fondement de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de faire application d’une clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat liant les parties?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu’il permet au juge national, saisi d’une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l’encontre de son fournisseur sur le fondement de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de faire application d’une clause attributive de juridiction contenue dans le contrat liant les parties, y compris dans le cas où ladite clause ne se référerait pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence?
3. L’article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu’il permet au juge national, saisi d’une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l’encontre de son fournisseur sur le fondement de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’écarter une clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat liant les parties dans le cas où aucune infraction au droit de la concurrence n’a été constatée par une autorité nationale ou européenne?
Conclusions de l'avocat général N. Wahl :
"1) L’article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens qu’il n’existe pas d’obstacle de principe à l’application d’une clause attributive de juridiction dans le cadre d’une action en réparation autonome, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, introduite par un distributeur à l’encontre de son fournisseur en raison d’une infraction alléguée à l’article 102 TFUE.
2) L’article 23 du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il impose au juge national, saisi d’une action en dommages-intérêts fondée sur l’article 102 TFUE, de faire application d’une clause attributive de juridiction stipulée dans un contrat, dès lors que le litige en cause trouve son origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été conclue. Il appartient donc au juge national saisi de déterminer dans chaque cas si le différend en cause est de nature à relever d’une telle clause, même rédigée en termes généraux, dans le cadre de différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence.
3) L’article 23 du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que l’absence de constat préalable d’une infraction au droit de la concurrence sur le fondement de l’article 102 TFUE ne permet pas à lui seul de faire application ou, au contraire, d’écarter une clause attributive de juridiction dans une action en dommages-intérêts sur le fondement des règles de concurrence".
Aff. C-222/15, Concl. M. Szpunar
Motif 43 : "En ce qui concerne la précision du contenu d’une clause attributive de juridiction, s’agissant de la détermination d’un tribunal ou de tribunaux d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître entre les parties, la Cour a déjà jugé, s’agissant de l’article 17 de la convention de Bruxelles, que les termes de cette disposition ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils exigent qu’une telle clause soit formulée de sorte qu’il soit possible d’identifier la juridiction compétente par son seul libellé. Il est en effet suffisant que la clause identifie les éléments objectifs sur lesquels les parties se sont mises d’accord pour choisir le tribunal ou les tribunaux auxquels elles entendent soumettre leurs différends nés ou à naître. Ces éléments, qui doivent être suffisamment précis pour permettre au juge saisi de déterminer s’il est compétent, peuvent être concrétisés, le cas échéant, par les circonstances propres à la situation de l’espèce (arrêt du 9 novembre 2000, Coreck, C-387/98, EU:C:2000:606, point 15)".
Motif 48 : "Par ailleurs, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 44 de ses conclusions, il importe de relever qu’une clause attributive de juridiction visant « les juridictions » d’une ville d’un État membre renvoie implicitement mais nécessairement, pour la détermination exacte de la juridiction devant laquelle une action doit être engagée, au système de règles de compétence en vigueur dans ledit État membre".
Dispositif (et motif 49) : "Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 23, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens qu’une clause attributive de juridiction, telle que celle en cause au principal, qui, d’une part, est stipulée dans les conditions générales de fourniture du donneur d’ordre, mentionnées dans les instruments constatant les contrats entre ces parties et transmises lors de leur conclusion, et qui, d’autre part, désigne comme juridictions compétentes celles d’une ville d’un État membre, satisfait aux exigences de cette disposition relatives au consentement des parties et à la précision du contenu de ladite clause".
Aff. C-352/13, Concl. N. Jääskinen
Motif 59 : "S’agissant des clauses visées par la troisième question et relevant bien du champ d’application dudit règlement, il convient de rappeler que, dans le cadre de la [Convention de Bruxelles], la Cour a précisé que, en concluant un accord d’élection de for conformément à l’article 17 de cette convention, les parties ont la faculté de déroger non seulement à la compétence générale prévue à l’article 2 de celle-ci, mais aussi aux compétences spéciales prévues aux articles 5 et 6 de la même convention (voir arrêt Estasis Saloti di Colzani, 24/76, [...], point 7)".
Motif 62 : "Cette conclusion ne saurait être remise en cause au regard de l’exigence de mise en œuvre efficace de l’interdiction des ententes. En effet, d’une part, la Cour a déjà jugé que les règles de droit matériel applicables au fond d’un litige ne sauraient avoir d’influence sur la validité d’une clause attributive de juridiction conforme à l’article 17 de la convention mentionnée au point 59 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt Castelletti, C-159/97, [...] point 51). Conformément à la jurisprudence rappelée au point 60 du présent arrêt, cette interprétation est également pertinente pour l’article 23 du règlement n° 44/2001".
Motif 63 : "D’autre part, il y a lieu de considérer que la juridiction saisie ne saurait, sous peine de remettre en cause la finalité du règlement n° 44/2001, refuser de prendre en compte une clause attributive de juridiction conforme aux exigences de l’article 23 de ce règlement au seul motif qu’elle estime que la juridiction désignée par cette clause n’assurerait pas le plein effet du principe de mise en œuvre efficace de l’interdiction des ententes en ne permettant pas à la victime d’une entente d’obtenir la réparation intégrale du préjudice qu’elle a subi. Il importe, au contraire, de considérer que le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, fournit aux justiciables une garantie suffisante à cet égard (voir, par analogie, arrêt Renault, C-38/98, [...] point 23)".
Motif 65 : "(...) ce serait uniquement dans le cas où, conformément au droit national applicable au fond, tel que déterminé en application des règles de droit international privé de la juridiction saisie, le tiers aurait succédé au contractant initial dans tous ses droits et obligations qu’une clause attributive de juridiction à laquelle ce tiers n’a pas consenti pourrait néanmoins jouer à l’encontre de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt Coreck, C-387/98, [...] points 24, 25 et 30)".
Motif 69 : "Au vu de [l'objectif de prévisibilité des clauses attributives de compétence], la juridiction de renvoi devra notamment considérer qu’une clause qui se réfère de manière abstraite aux différends surgissant dans les rapports contractuels ne couvre pas un différend relatif à la responsabilité délictuelle qu’un cocontractant a prétendument encouru du fait de son comportement conforme à une entente illicite".
Motif 70 : "En effet, un tel litige n’étant pas raisonnablement prévisible pour l’entreprise victime au moment où elle a consenti à ladite clause, l’entente illicite impliquant son cocontractant lui étant inconnue à cette date, il ne saurait être considéré comme ayant son origine dans les rapports contractuels. Une telle clause ne porterait donc pas valablement dérogation à la compétence de la juridiction de renvoi".
JCP 2015. 665, note D. Berlin
G. van Calster, www.gavclaw.com
Aff. C-587/98, Concl. S. Alber
Motif 14 : "(…) si l'article 17 de la convention a pour objectif de protéger la volonté des intéressés, il doit être interprété de façon à respecter cette volonté dès lors qu'elle est établie. L'article 17 se fonde en effet sur la reconnaissance de l'autonomie de la volonté des parties en matière d'attribution de compétence aux juridictions appelées à connaître de litiges relevant du champ d'application de la convention, autres que ceux qui sont expressément exceptés en vertu de son quatrième alinéa (arrêt du 9 novembre 1978, Meeth, 23/78, Rec. p. 2133, point 5)".
Motif 15 : "Il s'ensuit que les termes "sont convenues", qui figurent à l'article 17, premier alinéa, première phrase, de la convention, ne sauraient être interprétés en ce sens qu'ils exigent qu'une clause attributive de juridiction soit formulée de telle façon qu'il soit possible d'identifier la juridiction compétente par son seul libellé. Il suffit que la clause identifie les éléments objectifs sur lesquels les parties se sont mises d'accord pour choisir le tribunal ou les tribunaux auxquels elles entendent soumettre leurs différends nés ou à naître. Ces éléments, qui doivent être suffisamment précis pour permettre au juge saisi de déterminer s'il est compétent, peuvent être concrétisés, le cas échéant, par les circonstances propres à la situation de l'espèce".
Rev. crit. DIP 2001.359, note F. Bernard-Fertier
RTD com. 2001. 306, obs. P. Delebecque
JDI 2001. 701, note J.-M. Bischoff
Motif 49 : "(…) Le choix du tribunal désigné ne saurait être apprécié qu'au regard de considérations qui se rattachent aux exigences établies par l'article 17".
Motif 50 : "C'est pour ces motifs que la Cour a déjà jugé à plusieurs reprises que l'article 17 de la convention fait abstraction de tout élément objectif de connexité entre le rapport litigieux et le tribunal désigné (arrêts du 17 janvier 1980, Zelger, 56/79, Rec. p. 89, point 4 ; MSG, précité, point 34, et Benincasa, précité, point 28)".
Motif 51 : "Pour les mêmes raisons, dans une situation comme celle de l'espèce au principal, il y a lieu d'exclure un contrôle supplémentaire du bien-fondé de la clause et de l'objectif poursuivi par la partie qui l'a insérée, et il ne saurait être reconnu une incidence, au regard de la validité de ladite clause, des règles matérielles de responsabilité applicables devant le tribunal choisi".
Dispositif 5 (et motif 52) : "Le choix du tribunal désigné dans une clause attributive de juridiction ne peut être apprécié qu'au regard de considérations qui se rattachent aux exigences établies par l'article 17 de la convention du 27 septembre 1968. Des considérations relatives aux liens entre le tribunal désigné et le rapport litigieux, au bien-fondé de la clause et aux règles matérielles de responsabilité applicables devant le tribunal choisi sont étrangères à ces exigences".
Rev. crit. DIP 1999. 559, note H. Gaudemet-Tallon
JDI 2000. 528, obs. A. Huet
DMF 2000. 11, obs. P. Delebecque
Aff. C-214/89, Concl. G. Tesauro
Dispositif 1 : "Une clause attributive de juridiction désignant le tribunal d'un État contractant pour connaître des différends qui opposent une société anonyme à ses actionnaires, insérée dans les statuts de cette société et adoptée conformément aux dispositions du droit national applicable et aux statuts eux-mêmes, constitue une convention attributive de juridiction au sens de l'article 17 de la convention de Bruxelles".
Dispositif 3 : "La condition du caractère suffisamment déterminé du rapport de droit dont peuvent naître les différends, au sens de l'article 17, est remplie si la clause attributive de juridiction figurant dans les statuts d'une société peut être interprétée en ce sens qu'elle se réfère aux différends qui opposent la société à ses actionnaires en tant que tels".
Dispositif 4 : "L'interprétation de la clause attributive de juridiction invoquée devant le juge national, afin de déterminer les différends qui relèvent de son champ d'application, incombe à ce dernier".
JDI 1993. 474, obs. J.-M. Bischoff
Rev. crit. DIP 1992. 528, note H. Gaudemet-Tallon
RTD civ. 1992. 755, obs. J. Mestre
Aff. 22/85, Concl. M. Darmon
Motif 14 : "L'article 17 de la convention consacrant le principe de l'autonomie de la volonté, il y a lieu d’interpréter son alinéa 3 de manière à respecter la volonté commune des parties lors de la conclusion du contrat. Il faut dès lors que la volonté commune d’avantager l’une des parties ressorte clairement, soit des termes de la clause, soit de l’ensemble des indices relevés dans le contrat ou des circonstances qui ont entouré la conclusion de celui-ci".
Motif 15 : "Doivent être considérées comme des clauses dont les termes font ressortir qu’elles ont été stipulées à l’avantage exclusif d’une des parties les clauses qui indiquent expressément la partie en faveur de laquelle elles l’ont été et celles qui, tout en précisant devant quels tribunaux chacune des parties doit attraire l’autre, donnent à l’une d’elles un plus grand choix de juridictions".
Rev. crit. DIP 1987. 136, note H. Gaudemet-Tallon
JDI 1987. 474, obs. A. Huet
Gaz. Pal. 1986.I.578, obs. J. Mauro
Aff. 784/79, Concl. G. Reischl
Motif 5 : "La forme écrite exigée par l’article 17 a pour fonction d’assurer que le consentement des parties, qui par une prorogation de compétence dérogent aux règles générales de détermination de la compétence consacrées par les articles 2, 5 et 6 de la convention, soit manifesté d’une manière claire et précise et soit effectivement établi".
JDI 1980. 934, obs. A. Huet
Rev. crit. DIP 1981. 339, note P. Lagarde
Aff. 56/79, Concl. F. Capotorti
Motif 4 : "L’article 17 inséré dans la section 6 de la convention intitulée "prorogation de compétence", qui prévoit la compétence exclusive du tribunal désigné par les parties selon les formes prescrites, écarte ainsi les règles de compétence tant générales - prévues à l'article 2 de la convention - que spéciales - prévues à l'article 5 - et fait abstraction de tout élément objectif de connexité entre le rapport litigieux et le tribunal désigné".
JDI 1980. 435, obs. A. Huet
Rev. crit. DIP 1980. 385, note E. Mezger
Aff. 23/78, Concl. F. Capotorti
Dispositif 1 : “L'article 17, alinéa 1, de la convention du 27 septembre 1968 (…) ne saurait être interprété comme excluant une clause contractuelle selon laquelle chacune des deux parties à un contrat de vente, qui ont leur domicile dans des Etats différents, ne peut être attraite que devant les tribunaux de son Etat”.
JDI 1979. 663, obs. A. Huet
Rev. crit. DIP 1981. 127 (1e esp.), note H. Gaudemet-Tallon
Aff. 24/76, Concl. F. Capotorti
Motif 7 : "Les conditions d'application de cette disposition doivent être interprétées à la lumière de l'effet de la prorogation de compétence, qui est d'exclure tant la compétence déterminée par le principe général consacré par l'article 2 que les compétences spéciales des articles 5 et 6 de la Convention. (...) Compte tenu des conséquences qu’une telle option peut avoir pour la position des parties dans le procès, les conditions auxquelles l’article 17 subordonne la validité des clauses attributives de juridiction sont d’interprétation stricte ; (...) en subordonnant celle-ci à l’existence d’une "convention" entre parties, l’article 17 impose au juge saisi l’obligation d’examiner, en premier lieu, si la clause qui lui attribue compétence a fait effectivement l’objet d’un consentement entre parties, qui doit se manifester d’une manière claire et précise ; (...) les formes exigées par l’article 17 ont pour fonction d’assurer que le consentement entre parties soit effectivement établi".
JDI 1977. 734, obs. J.-M. Bischoff
Rev. crit. DIP 1977. 576, note E. Mezger
D. 1977. IR 349, obs. B. Audit
Motifs : " [...]
2°/ [...] une clause attributive de compétence est nécessairement limitée aux différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé ; qu'en conséquence, la clause attributive de juridiction stipulée à l'occasion d'un contrat de vente et figurant au sein de conditions générales relatives au « transport et au paiement de marchandises » ne s'étend pas à la rupture du contrat-cadre de distribution liant les parties, a fortiori lorsque celui-ci constitue un contrat de fourniture de service [...] ;
3°/ [elle ne saurait non plus s'étendre] aux litiges de nature délictuelle susceptibles de survenir entre elles ; qu'en estimant, en l'espèce, que « la clause attributive de compétence contenue dans les conditions générales de vente est rédigée dans des termes suffisamment larges pour inclure tous les litiges découlant du rapport contractuel » pour en déduire que cette clause s'appliquait à la demande en dommages-intérêts formée par la société Charles Faraud au titre des actes de concurrence déloyale et des pratiques illicites [la cour d'appel a violé l'article 23 § 1] ;
Mais attendu, [...] ensuite, qu'ayant relevé que la clause attributive de juridiction était rédigée en des termes suffisamment larges pour inclure tous les litiges résultant du rapport contractuel, la cour d'appel a pu en déduire que la clause s'appliquait aux différends trouvant leur cause dans le rapport de droit à l'occasion duquel elle avait été convenue ainsi qu'aux demandes indemnitaires formées au titre de la concurrence déloyale et des pratiques illicites".
Motifs : "Vu l'article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 7 octobre 2015, pourvoi n° H 14-16.898), que la société eBizcuss.com (eBizcuss) s'est vue reconnaître la qualité de revendeur agréé pour les produits de la marque Apple par contrat conclu le 10 octobre 2002 avec la société Apple Sales International, contenant une clause attributive de compétence au profit des juridictions irlandaises ; qu'invoquant des pratiques anticoncurrentielles et des actes de concurrence déloyale qui auraient été commis à partir de l'année 2009 par les sociétés Apple Sales International, Apple Inc. et Apple retail France (Apple), la société eBizcuss, désormais représentée par la société MJA, en qualité de mandataire liquidateur, les a assignées en réparation de son préjudice devant un tribunal de commerce sur le fondement des articles 1382, devenu 1240 du code civil, L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que l'arrêt ayant accueilli l'exception d'incompétence soulevée par la société Apple Sales International a été cassé, au visa de l'article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
Attendu que, pour accueillir le contredit de compétence et renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris, l'arrêt retient que la clause attributive de compétence invoquée par les sociétés Apple ne stipule pas expressément qu'elle trouve à s'appliquer en matière d'abus de position dominante ou de concurrence déloyale ;
Attendu cependant que, saisie par voie préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE 24 octobre 2018, C-595/17) a dit pour droit que l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens que l'application, à l'égard d'une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'une clause attributive de juridiction contenue dans le contrat liant les parties n'est pas exclue au seul motif que cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence ;
Et attendu que, par arrêt du 20 octobre 2011 (C-396/09 Interedil), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le droit de l'Union s'oppose à ce qu'une juridiction nationale soit liée par une règle de procédure nationale, en vertu de laquelle les appréciations portées par une juridiction supérieure nationale s'imposent à elle, lorsqu'il apparaît que les appréciations portées par la juridiction supérieure ne sont pas conformes au droit de l'Union, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne ;
D'où il suit que, bien que la cour d'appel de renvoi se soit conformée à la doctrine de l'arrêt qui l'avait saisie, l'annulation est encourue ;
Vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
Attendu que la société eBizcuss a assigné les sociétés Apple devant le tribunal de commerce de Paris en soutenant que, dès l'ouverture de son premier Apple Store en France, en novembre 2009, Apple avait décidé le développement de son propre réseau de distribution et réservé, à cette fin, un traitement discriminatoire aux distributeurs indépendants qui, comme elle, en sont les principaux concurrents, en refusant ou en retardant la fourniture de nouveaux modèles au moment de leur mise sur le marché, puis en retardant les livraisons, la plaçant ainsi en situation de pénurie par rapport à son propre réseau de distribution, lui-même abondamment achalandé, en lui refusant la possibilité de procéder à la pré-vente de certains produits, par ailleurs offerte aux clients se rendant sur le site Internet Apple Store ou dans les magasins Apple Store, et en imposant à eBizcuss des tarifs grossistes supérieurs aux prix de vente au détail pratiqués sur le site Internet Apple Store ou dans les magasins Apple Store ; que ces pratiques anticoncurrentielles alléguées, qui se seraient matérialisées dans les relations contractuelles nouées entre les sociétés eBizcuss et Apple Sales International, au moyen des conditions contractuelles convenues avec elle, ne sont donc pas étrangères au rapport contractuel à l'occasion duquel la clause attributive de juridiction a été conclue ; que cette clause doit, donc, recevoir application ;
D'où il suit que, le comportement anticoncurrentiel allégué à l'encontre des sociétés Apple étant en lien avec le contrat contenant la clause attributive de juridiction, la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige en constatant l'incompétence des juridictions françaises ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : ANNULE".
Motifs : "Attendu que, pour accueillir l'exception d'incompétence, après avoir rappelé que la clause attributive de compétence stipule que « chaque fois que les lois françaises le permettent, les contestations au sujet des présentes sont soumises au tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg. Toutefois, la banque se réserve la faculté de déroger à cette attribution de juridiction si elle le considère comme opportun », l'arrêt retient que la circonstance qu'une seule des parties, en l'occurrence la banque, se soit réservé la faculté de déroger à l'attribution de juridiction prévue par le contrat ne saurait conférer à la clause attributive de juridiction un caractère potestatif excluant sa prise en compte, dès lors que la banque, si elle renonçait à l'application de cette clause, ne pouvait que se référer aux dispositions de l'article 5.1 du règlement n° 44-2001 qui s'imposent lorsqu'une partie écarte la juridiction choisie par les parties, ce qui répond à l'objectif de prévisibilité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la clause litigieuse ne contenait aucun renvoi à une règle de compétence en vigueur dans un Etat membre ni aucun élément objectif suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie, de sorte qu'elle ne répondait pas à l'objectif de prévisibilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (…)".
Motifs : "[...] après avoir exactement énoncé que si, aux termes de l'article 23 de la Convention de Lugano, les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État lié par la Convention, peuvent convenir d'un tribunal ou de tribunaux pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion de leurs rapports de droit, la validité d'une telle clause attributive de juridiction est subordonnée à une exigence de précision afin de satisfaire à l'objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par ce texte, l'arrêt relève que la clause attributive de juridiction opposée par le Crédit Suisse, laquelle impose à son cocontractant d'agir devant les juridictions zurichoises tandis que lui-même peut agir contre celui-ci devant tout autre tribunal compétent, ne contient aucun élément objectif d'identification de ces autres juridictions, dès lors qu'elle ne renvoie à aucune règle déterminée de droit interne ou international susceptible de fonder cette compétence alternative ; qu'il retient que rien ne démontre que les parties se sont mises d'accord de façon claire et précise pour choisir le ou les tribunaux auxquels elles entendaient soumettre leurs différends ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, que le Crédit Suisse ne pouvait se prévaloir de cette clause attributive de juridiction pour décliner la compétence de la juridiction française"
Dispositif : "(…) renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :
1. L'article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet au juge national saisi d'une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de faire application d'une clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat liant les parties ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, l'article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet au juge national, saisi d'une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de faire application d'une clause attributive de juridiction contenue dans le contrat liant les parties, y compris dans le cas où ladite clause ne se référerait pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence ?
3. L'article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet au juge national, saisi d'une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'écarter une clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat liant les parties dans le cas où aucune infraction au droit de la concurrence n'a été constatée par une autorité nationale ou européenne ?
Sursoit à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ; (…)".
Motifs : "Vu l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
Attendu que selon ce texte, si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents et cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties;
[...]
Attendu que pour déclarer fondé le contredit et dire nulle et de nul effet la clause attributive de compétence du contrat de concession, l'arrêt retient que la clause litigieuse, aux termes de laquelle la société Diemme aura le droit d'agir devant d'autres cours compétentes, conformément aux règles de procédure légale, ne lie que la société française, seule tenue de saisir les tribunaux italiens, et qu'elle revêt en conséquence un caractère potestatif à l'égard de la société italienne, peu important le caractère déterminable de l'option de compétence que celle-ci s'était réservée, de sorte qu'elle est contraire à l'objectif et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du règlement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté la volonté des parties de convenir d'une prorogation de compétence dans les termes du contrat, peu important que cette clause attributive ne s'impose qu'à l'une des parties, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé".
Motifs : "Mais attendu qu’ayant relevé que la clause d’élection de for imposait à la société eBizcuss d’agir devant les juridictions irlandaises tandis qu’était réservée à son cocontractant, de manière optionnelle, la faculté de saisir une autre juridiction, la cour d’appel en a exactement déduit que cette clause, qui permettait d’identifier les juridictions éventuellement amenées à se saisir d’un litige opposant les parties à l’occasion de l’exécution ou de l’interprétation du contrat, répondait à l’impératif de prévisibilité auquel doivent satisfaire les clauses d’élection de for ; que le moyen n’est pas fondé sur ce point".
JCP 2015, 1322, note L. Idot
RTD civ. 2015, p. 844, obs. L. Usunier
Procédures 2015, comm. 358, obs. C. Nourissat
JCP E 2016, 1087, note M.-E. Ancel et L. Marion
Gaz. Pal. 2015, n° 318, p. 19, note C. Dupoirier et V. Bouvard
JCP 2015, n° 1123, obs. F. Mailhé
Motifs : "Qu'en [relevant que "le déséquilibre dénoncé, consubstantiel à une clause attributive de juridiction convenue entre deux contractants de pays différents, ne suffit pas à la rendre irrégulière au regard de la Convention de Lugano"], sans rechercher si le déséquilibre dénoncé, en ce que la clause litigieuse réservait à la banque le droit d'agir contre l'emprunteur devant « tout autre tribunal compétent » et ne précisait pas sur quels éléments objectifs cette compétence alternative était fondée, n'était pas contraire à l'objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par [l'article 23 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007], la cour d'appel a privé sa décision de base légale".
Motif : "Ayant relevé que la clause [selon laquelle "Les litiges éventuels entre le client et la banque seront soumis à la juridiction exclusive des tribunaux de Luxembourg. La banque se réserve toutefois le droit d'agir au domicile du client ou devant tout autre tribunal compétent à défaut de l'élection de juridiction qui précède"], aux termes de laquelle la banque se réservait le droit d'agir au domicile de Mme X... ou devant "tout autre tribunal compétent", ne liait, en réalité, que Mme X... qui était seule tenue de saisir les tribunaux luxembourgeois, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle revêtait un caractère potestatif à l'égard de la banque, de sorte qu'elle était contraire à l'objet et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du Règlement Bruxelles I (…)"
Adde : M.-E. Ancel, L. Marion, L. Wynaendts, Réflexions sur les clauses de juridiction asymétriques, Banque et Droit, mars-avril 2013. 3