[Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:]
3. en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire;
Aff. C-242/20, Concl. H. Saugmandsgaard Øe
Motif 43 : "(…) pour déterminer si une action en restitution fondée sur un enrichissement sans cause relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 5, point 3, de ce règlement, il convient de vérifier si deux conditions sont satisfaites, à savoir, d’une part, que cette action ne se rattache pas à la matière contractuelle, au sens de l’article 5, point 1, sous a), dudit règlement, et, d’autre part, qu’elle vise à mettre en jeu la responsabilité d’un défendeur."
Motif 51 : "(…) une action en restitution fondée sur un enrichissement sans cause ne relève pas de la matière contractuelle et, ce faisant, satisfait à la première condition visée au point 43 du présent arrêt, à moins que cette action se rattache étroitement à une relation contractuelle préexistante entre les parties."
Motif 55 : "(…) une demande en restitution fondée sur un enrichissement sans cause repose sur une obligation qui ne trouve pas sa source dans un fait dommageable. En effet, cette obligation naît indépendamment du comportement du défendeur si bien qu’il n’existe pas de lien causal qui puisse être établi entre le dommage et un éventuel acte ou omission illicite commis par celui-ci."
Motif 56 : "Partant, une demande en restitution fondée sur un enrichissement sans cause ne saurait relever de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001."
Motif 58 : "Il convient encore de faire observer qu’il est possible qu’une demande en restitution fondée sur l’enrichissement sans cause ne relève ni de la matière contractuelle, au sens de l’article 5, point 1, sous a), du règlement n° 44/2001, ni de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 5, point 3, de ce règlement. Tel est, en effet, le cas lorsque cette demande n’est pas étroitement liée à une relation contractuelle préexistante entre les parties au litige concerné."
Motif 59 : "Dans une telle situation, une demande en restitution fondée sur un enrichissement sans cause relève du chef de compétence des juridictions de l’État membre du domicile du défendeur, conformément à la règle générale prévue à l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001."
Dispositif 2 (et motif 60) : "L’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’une action en restitution fondée sur un enrichissement sans cause ne relève pas du chef de compétence prévu par cette disposition."
Partie requérante: HRVATSKE Šume d.o.o., Zagreb, venant aux droits de HRVATSKE ŠUME javno poduzeće za gospodarenje šumama i šumskim zemljištima u Republici Hrvatskoj p.o., Zagreb
Partie défenderesse: BP EUROPA SE, venant aux droits de DEUTSCHE BP AG, venant elle-même aux droits de THE BURMAH OIL (Deutschland) GmbH
1) Une action en répétition de l’indu fondée sur l’enrichissement sans cause relève-t-elle du chef de compétence prévu par le règlement (CE) n° 44/2001 en matière «quasi délictuelle», compte tenu du fait que l’article 5, point 3, de ce règlement prévoit notamment qu’une «personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre: […] 3) en matière […] quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire»?
Aff. C-196/15, Concl. J. Kokott
Motif 23 : "Il y a lieu de relever que, dans une partie importante des États membres, les relations commerciales de longue date qui se sont nouées en l’absence d’un contrat écrit peuvent, en principe, être considérées comme relevant d’une relation contractuelle tacite, dont la violation est susceptible de donner lieu à une responsabilité contractuelle".
Motif 24 : "À cet égard, il convient d’observer que, si l’article 5, point 1, du règlement Bruxelles I n’exige pas la conclusion d’un contrat écrit, l’identification d’une obligation contractuelle est néanmoins indispensable à l’application de cette disposition. Il convient de préciser qu’une telle obligation peut être considérée comme étant née tacitement, notamment lorsque cela résulte des actes non équivoques exprimant la volonté des parties".
Motif 25 : "En l’occurrence, il appartient, partant, à la juridiction nationale d’examiner, tout d’abord, si, dans les circonstances particulières de l’affaire dont elle est saisie, la relation commerciale de longue date ayant existé entre les parties se caractérise par l’existence d’obligations convenues tacitement entre celles-ci, de telle sorte qu’il existait entre elles une relation pouvant être qualifiée de contractuelle".
Motif 26 : "L’existence d’une telle relation tacite ne se présume toutefois pas et doit, par conséquent, être démontrée. Par ailleurs, cette démonstration doit reposer sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer notamment l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée".
Dispositif 1 (et motif 28) : "Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 5, point 3, du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens qu’une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de ce règlement s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier. La démonstration visant à établir l’existence d’une telle relation contractuelle tacite doit reposer sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer notamment l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée".
JCP E 2016, n° 1507, note D. de Lammerville et L. Marion
Aff. C-572/14, Concl. Saugmandsgaard Øe
Motif 50 : "(…) la demande d’Austro-Mechana [société de gestion collective, seule habilitée à recevoir la compensation équitable pour copie privée en Autriche] vise à mettre en jeu la responsabilité d’un défendeur, puisque cette demande est fondée sur une violation, par Amazon, des dispositions de l’UrhG [la loi autrichienne sur le droit d'auteur] lui imposant cette obligation et que cette violation constitue un acte illégal causant un dommage à Austro-Mechana".
Motif 51 : "Par conséquent, une telle demande relève de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001".
Motif 52 : "Il en résulte que, si le fait dommageable en cause au principal s’est produit ou risque de se produire en Autriche, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, les juridictions de cet État membre seraient compétentes pour connaître de la demande d’Austro-Mechana".
Dispositif (et motif 53) : "L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens qu’une demande tendant à obtenir le paiement d’une rémunération due en vertu d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, mettant en œuvre le système de « compensation équitable » prévu à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, relève de la « matière délictuelle ou quasi délictuelle », au sens de l’article 5, point 3, de ce règlement.
Aff. C-47/14, Concl. P. Cruz-Villallon
Motif 70 : "Par conséquent, dans la mesure où le droit national permet de fonder une demande de la société contre son ancien gérant sur un prétendu comportement illicite, une telle demande est susceptible de relever de la «matière délictuelle ou quasi-délictuelle» au sens de la règle de compétence visée à l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 seulement si elle ne se rattache pas à la relation juridique de nature contractuelle entre la société et le gérant".
Motif 71 : "Si, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles du gérant, il conviendra de conclure que la juridiction compétente pour se prononcer sur ce comportement est celle désignée à l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001. Dans le cas inverse, la règle de compétence énoncée à l’article 5, point 3, de ce règlement s’applique (voir, par analogie, arrêt Brogsitter, C‑548/12, [...] points 24 à 27)".
BJS 2016. 136, note S. Messaï-Bahri
Aff. C-375/13, Concl. M. Szpunar
Dispositif 3 (et motif 57) : "L’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une action visant à mettre en cause la responsabilité de l’émetteur d’un certificat du fait du prospectus afférent à celui-ci ainsi que de la violation d’autres obligations d’information incombant à cet émetteur, pour autant que cette responsabilité ne relève pas de la matière contractuelle au sens de l’article 5, point 1, dudit règlement".
Procédures 2015, comm. 79, note C. Nourissat
Europe 2015, comm. 133, obs. L. Idot
Gaz. Pal. 15 mars 2015, p. 37, note J. Morel-Maroger
Rev. Banque 2015. 72, obs. R. Milchior
RLDA avr. 2015. 49, obs. M. Combet
D. 2015. 770, note L. d'Avout
Banque et Droit mai-juin 2015. 60, obs. A. Tenenbaum
D. 2015. Pan. 1056, obs. F. Jault-Seseke
Motif 23 : "(…) la seule circonstance que l’une des parties contractantes intente une action en responsabilité civile contre l’autre ne suffit pas pour considérer que cette action relève de la "matière contractuelle" au sens de l’article 5, point 1, sous a), du règlement n° 44/2001".
Motif 24 : "Il n’en va ainsi que si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles, telles qu’elles peuvent être déterminées compte tenu de l’objet du contrat".
Motif 25 : "Tel sera a priori le cas si l’interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché au premier par le second".
Motif 26 : "Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de déterminer si les actions intentées par le requérant au principal ont pour objet une demande de réparation dont la cause peut être raisonnablement regardée comme une violation des droits et des obligations du contrat qui lie les parties au principal, ce qui en rendrait indispensable la prise en compte pour trancher le recours".
Motif 27 : "Si tel est le cas, ces actions se rattachent à la "matière contractuelle", au sens de l’article 5, point 1, sous a), du règlement n° 44/2001 [à moins qu’il ne s’agisse d’une vente de marchandises ou d’une fourniture de services]. À défaut, elles doivent être considérées comme relevant de la "matière délictuelle ou quasi délictuelle", au sens de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001".
Dispositif (et motif 29) : "Des actions en responsabilité civile telles que celles en cause au principal, de nature délictuelle en droit national [qui les rattache à la concurrence déloyale], doivent, néanmoins, être considérées comme relevant de la "matière contractuelle", au sens de l’article 5, point 1, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001 (…), si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles, telles qu’elles peuvent être déterminées compte tenu de l’objet du contrat".
Dalloz actualité, 25 mars 2014, obs. M. Kebir
Procédures 2014, comm. 141, obs. C. Nourissat
Europe 2014, comm. 241, obs. L. Idot
RTD Com. 2014. 446, obs. A. Marmisse d'Abbadie d'Arrast
RDC 2014. 691, note M. Laazouzi
Rev. crit. DIP 2014. 863, note B. Haftel
D. 2014. Pan. 1059, obs. F. Jault-Seseke
RLDA juil. 2014. 58, obs. C. Reydellet
Propr. ind. 2015. Chron. 2, obs. N. Bouche
Aff. C-133/11, Concl. N. Jääskinen
Motif 43 : "une action en constatation négative implique une inversion des rôles habituellement connus en matière délictuelle, puisque le demandeur est le débiteur potentiel d’une créance fondée sur un acte délictuel, tandis que le défendeur est la prétendue victime de cet acte".
Motif 44 : "Cependant, cette inversion des rôles n’est pas de nature à exclure une action en constatation négative du champ d’application de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001".
Motif 45 : "les objectifs de prévisibilité du for et de la sécurité juridique (...) n’ont trait ni à l’attribution des rôles respectifs de demandeur et de défendeur ni à la protection de l’un des deux".
Motif 47 : "En conséquence, (...) l’application dudit article 5, point 3, n’est pas soumise à la condition que la prétendue victime ait introduit l’action".
Motif 51 : "Dans ces conditions, la spécificité de l’action en constatation négative (...) n’a pas d’incidence sur l’examen qu’une juridiction nationale doit effectuer pour vérifier sa compétence judiciaire en matière délictuelle ou quasi délictuelle, dès lors qu’il s’agit uniquement d’établir l’existence d’un point de rattachement avec l’État du for".
Dispositif (et motif 55) : "L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil (...) doit être interprété en ce sens qu’une action en constatation négative visant à faire établir l’absence de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle relève du champ d’application de cette disposition".
Rev. crit. DIP 2013. 501, note H. Muir Watt
Europe 2012, comm. 519, obs. L. Idot
Procédures 2013, comm. 13, obs. C. Nourissat
RTD civ. 2013. 166, obs. P. Thery
Prop. ind. 2013, comm. 11, obs. N. Bouche
Aff. C-18/02, Concl. F. G. Jacobs
Motif 23 : "D'une part, il résulte d'une jurisprudence constante que la convention de Bruxelles n'a pas pour objet d'unifier les règles de procédure des États contractants, mais de répartir les compétences judiciaires pour la solution des litiges en matière civile et commerciale dans les relations entre les États contractants et de faciliter l'exécution des décisions judiciaires".
Motif 24 : "Partant, le royaume de Danemark est en mesure d'instituer un système selon lequel les compétences pour apprécier respectivement la légalité d'une action collective et les actions en indemnisation des préjudices qui peuvent en découler n'appartiennent pas aux mêmes juridictions nationales".
Motif 27 : "D'autre part, la Cour a déjà jugé que ne saurait être retenue une interprétation de l'article 5, point 3, de la convention de Bruxelles selon laquelle l'application de ladite disposition serait subordonnée à la survenance effective d'un dommage et que la constatation que le juge du lieu où le fait dommageable s'est produit est normalement le plus apte à statuer, notamment pour des motifs de proximité du litige et de facilité d'administration des preuves, est valable de la même manière que la contestation soit relative à la réparation d'un préjudice déjà intervenu ou qu'elle concerne une action visant à empêcher la réalisation du préjudice (arrêt du 1er octobre 2002, Henkel, C-167/00, Rec. p. I-8111, points 46 et 48)".
Motif 32 : "(…) selon la jurisprudence de la Cour, une responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ne peut entrer en ligne de compte qu'à condition qu'un lien causal puisse être établi entre le dommage et le fait dans lequel ce dommage trouve son origine (arrêt du 30 novembre 1976, Bier, dit «Mines de potasse d'Alsace», 21/76, Rec. p. 1735, point 16). Force est de constater que, dans une situation telle que celle en cause au principal, un lien de causalité pourrait être établi entre les dommages prétendument subis par DFDS et le préavis d'action collective déposé par SEKO".
Motif 33 : "Quant à l'argument de SEKO selon lequel, pour que les tribunaux danois soient compétents, il faudrait que l'action collective ait été mise en oeuvre et ait causé un dommage ayant engendré une perte financière et il serait nécessaire qu'une demande d'indemnisation ait été présentée, il suffit de rappeler que, ainsi que la Cour l'a jugé au point 27 du présent arrêt, l'article 5, point 3, de la convention de Bruxelles peut être appliqué à une action préventive destinée à empêcher la réalisation d'un fait dommageable futur".
Motif 36 : "En vertu d'une jurisprudence constante, le renforcement de la protection juridique des personnes établies dans la Communauté, en permettant à la fois au demandeur d'identifier facilement la juridiction qu'il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait, constitue l'un des objectifs de la convention de Bruxelles".
Motif 37 : "Cet objectif ne serait pas atteint si, après l'introduction d'une action relevant de l'article 5, point 3, de la convention de Bruxelles devant la juridiction compétente d'un État contractant, la suspension par le défendeur du comportement délictuel qui a été à l'origine d'une telle action pouvait avoir comme conséquence de priver la juridiction saisie de sa compétence et de l'attribuer à une juridiction d'un autre État contractant".
Dispositif 1) a) (et motif 28) : "L'article 5, point 3, de la convention du 27 septembre 1968 (...) doit être interprété en ce sens que relève de la notion de "matière délictuelle ou quasi délictuelle" une action juridictionnelle relative à la légalité d'une action collective dont la compétence exclusive appartient, conformément au droit de l'État contractant concerné, à une juridiction autre que celle qui est compétente pour juger les demandes d'indemnisation du préjudice causé par cette action collective".
Dispositif 1 b) (et motif 34) : "Pour l'application de l'article 5, point 3, de ladite convention à une situation telle que celle du litige au principal, il suffit que l'action collective soit une condition nécessaire d'actions de solidarité susceptibles d'engendrer des dommages".
Dispositif 1) c) (et motif 38) : "L'application de l'article 5, point 3, de la même convention n'est pas affectée par le fait que la mise en oeuvre de l'action collective a été suspendue par la partie ayant déposé le préavis dans l'attente de la décision se prononçant sur la légalité de cette action".
Rev. crit. DIP 2004. 800, note E. Pataut
Dr. soc. 2005. 295, note P. Chaumette
Europe 2004, n° 117, obs. L. Idot
DMF 2005. 25, note Ph. Delebecque, P. Bonassies
Aff. C-167/00, Concl. F. G. Jacobs
Motif 41 : "une [action juridictionnelle préventive, introduite par une association de protection des consommateurs en vue de faire interdire l'utilisation par un commerçant de clauses jugées abusives dans des contrats avec des particuliers] répond à tous les critères énoncés par la Cour (...), en ce que, d'une part, elle ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles et, d'autre part, elle a pour objet d'engager la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de la partie défenderesse, en l'occurrence au titre de l'obligation extracontractuelle incombant au commerçant de s'abstenir, dans ses relations avec les consommateurs, de certains comportements que le législateur réprouve".
Motif 46 : "La règle de compétence spéciale énoncée à l'article 5, point 3, de la convention de Bruxelles est fondée sur l'existence d'un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit, qui justifie une attribution de compétence à cette dernière pour des raisons de bonne administration de la justice et d'organisation utile du procès (…). En effet, le juge du lieu où le fait dommageable s'est produit est normalement le plus apte à statuer, notamment pour des motifs de proximité du litige et de facilité d'administration des preuves. Or, ces considérations valent de la même manière, que la contestation soit relative à la réparation d'un prejudice déjà intervenu ou qu'elle concerne une action visant à empêcher la réalisation du préjudice".
Motif 48 : "Ne saurait dès lors être retenue une interprétation de l'article 5, point 3, de la convention de Bruxelles selon laquelle l'application de ladite disposition serait subordonnée à la survenance effective du dommage. II serait d'ailleurs contradictoire d'exiger qu'une action en cessation d'un comportement considéré comme illicite, telle que celle intentée dans l'affaire au principal, dont l'objectif principal consiste précisément à éviter le préjudice, ne puisse être introduite qu'après la réalisation de ce dernier".
Dispositif (et motif 50) : "Les règles de compétence énoncées par la convention du 27 septembre 1968 (…), doivent être interprétées en ce sens qu'une action juridictionnelle préventive, introduite par une association de protection des consommateurs en vue de faire interdire l'utilisation par un commerçant de clauses jugées abusives dans des contrats avec des particuliers, est de nature délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5, point 3, de ladite convention".
Rev. crit. DIP 2003. 682, note P. Rémy-Corlay
JDI 2004. 901, note F. Leclerc
D. 2002. 3200, note H. K. Gaba
Europe 2002, comm. 433, obs. L. Idot
Aff. C-334/00, Concl. L. Geelhoed
Motif 21 : "Ainsi que la Cour l'a jugé, la notion de "matière délictuelle ou quasi délictuelle" au sens de l'article 5, point 3, de la convention de Bruxelles comprend toute demande qui vise à mettre en cause la responsabilité d'un défendeur et qui ne se rattache pas à la "matière contractuelle" au sens de l'article 5, point 1, de cette convention".
Motif 25 : "L'obligation de réparer le préjudice résultant prétendument d'une rupture injustifiée des négociations ne pourrait découler que de la violation de règles de droit, notamment de celle qui impose aux parties d'agir de bonne foi à l'occasion des négociations visant à la formation d'un contrat".
Motif 26 : "Dans ces conditions, force est de constater que la responsabilité résultant le cas échéant de l'absence de conclusion du contrat visé par la demande au principal ne peut pas être de nature contractuelle".
Dispositif (et motif 27) : "Dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, caractérisée par l'absence d'engagements librement assumés par une partie envers une autre à l'occasion des négociations visant à la formation d'un contrat et par l'éventuelle violation de règles de droit, notamment celle qui impose aux parties d'agir de bonne foi dans le cadre de ces négociations, l'action par laquelle la responsabilité précontractuelle du défendeur est invoquée relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l'article 5, point 3, de la convention du 27 septembre 1968 (…)".
Rev. crit. DIP 2003. 668, note P. Rémy-Corlay
JDI 2003. 668, obs. A. Huet
Defrénois 2003. 254, obs. R. Libchaber
Aff. C-261/90, Concl. C. Gulmann
Motif 19 : "L'objet d'une [action paulienne] n'est pas de faire condamner le débiteur à réparer les dommages qu'il a causés à son créancier par son acte frauduleux, mais de faire disparaître, à l'égard du créancier, les effets de l'acte de disposition passé par son débiteur. Elle est dirigée non seulement contre le débiteur, mais aussi contre le bénéficiaire de l'acte, tiers par rapport à l'obligation qui lie le créancier à son débiteur, y compris, si l'acte est passé à titre gratuit, lorsque celui-ci n'a commis aucune faute".
Motif 20 : "Dans ces conditions, une action du type de l'action "paulienne" du droit français ne peut être regardée comme une demande tendant à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur au sens où l'entend l'article 5, paragraphe 3, de la convention et ne relève donc pas du champ d'application de cet article".
Dispositif (et motif 36) : "Une action prévue par le droit national, telle l'action "paulienne" du droit français, par laquelle un créancier tend à obtenir la révocation, à son égard, d'un acte translatif de droits réels immobiliers accompli par son débiteur d'une façon qu'il estime être en fraude de ses droits ne relève pas du champ d'application des articles 5, paragraphe 3, 16, paragraphe 5, et 24 de la convention du 27 septembre 1968 (...)".
Rev. crit. DIP 1992. 714, note B. Ancel
JDI 1993. 461, obs. A. Huet
JCP N 1992. 394, note E. Kerckhove
Aff. 189/87, Concl. M. Darmon
Motif 16 : "Il y a lieu de considérer la notion de matière délictuelle ou quasi délictuelle comme une notion autonome qu'il faut interpréter, pour l'application de la convention, en se référant principalement au système et aux objectifs de celle-ci afin d'en assurer la pleine efficacité".
Motif 19 : "(...) les "compétences spéciales" énumérées aux articles 5 et 6 de la convention constituent des dérogations au principe de la competence des juridictions de l'État du domicile du défendeur, qui sont d'interprétation stricte. Il convient donc d'admettre qu'un tribunal compétent, au titre de l'article 5, paragraphe 3, pour connaître de l'élément d'une demande reposant sur un fondement délictuel n'est pas compétent pour connaître des autres éléments de la meme demande qui reposent sur des fondements non délictuels".
Dispositif 2) a) : "La notion de matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la convention doit être considérée comme une notion autonome comprenant toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur, et qui ne se rattache pas à la "matière contractuelle" au sens de l'article 5, paragraphe 1".
Dispositif 2) b) (et motif 21) : "Un tribunal compétent au titre de l'article 5, paragraphe 3, pour connaître de l'élément d'une demande reposant sur un fondement délictuel n'est pas compétent pour connaître des autres éléments de la même demande reposant sur des fondements non délictuels".
JDI 1989. 457, obs. A. Huet
Rev. crit. DIP 1989. 112, note H. Gaudemet-Tallon
D. 1989. Somm. 253, obs. B. Audit
Journ. Tribunaux 1989. 215, note M. Ekelmans
CDE 1990. 667, obs. H. Tagaras
Motifs : "Vu les articles 1er et 3 § 1 du règlement du Conseil n° 1346/ 2000 (…), ensemble les articles 1er et 5 § 3 du règlement du Conseil n° 44/ 2001 (…) ;
(…)
Attendu, (…), d'une part, que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJUE, 2 mai 2006, Eurofood, aff. C-341/ 04), que si une partie intéressée, considérant que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans un État membre autre que celui dans lequel a été ouverte la procédure d'insolvabilité principale, entend contester la compétence assumée par la juridiction qui a ouvert cette procédure, il lui appartient d'utiliser, devant les juridictions de l'État membre où celle-ci a été ouverte, les recours prévus par le droit national de cet État membre à l'encontre de la décision d'ouverture et a dit pour droit que l'article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1346/ 2000 (…) doit être interprété en ce sens que la procédure d'insolvabilité principale ouverte par une juridiction d'un État membre doit être reconnue par les juridictions des autres États membres, sans que celles-ci puissent contrôler la compétence de la juridiction de l'État d'ouverture ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 4 déc. 2014, H., aff. C-295/ 13) que la circonstance que le texte fondant l'action puisse être invoqué en dehors de toute procédure d'insolvabilité n'exclut pas l'application du règlement Insolvabilité, dès lors que l'action est effectivement introduite dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité ; qu'il en résulte que l'action en responsabilité extracontractuelle du salarié, engagée à l'encontre de la société NNUK et des « joint administrators » et fondée sur la faute extracontractuelle qui aurait été commise du fait de l'ouverture de la procédure principale d'insolvabilité à l'encontre de la société NNSA relève du champ d'application du règlement n° 1346/ 2000 précité ;
Qu'en statuant comme elle a fait [en retenant la compétence d'une juridiction française], alors qu'elle avait constaté que la procédure principale d'insolvabilité à l'encontre des filiales de la société NNUK, dont la société NNSA, avait été ouverte par arrêt de la High Court of Justice of England and Wales du 14 janvier 2009 en application de l'article 3 § 1 du Règlement n° 1346/ 2000, ce dont il résultait que cette décision devait être reconnue en France en application de l'article 16 § 1 de ce même règlement et que l'action en responsabilité litigieuse était de la compétence de cette juridiction, la cour d'appel a violé les textes susvisé".
Motifs : "Mme Liselotte X... a assigné devant le juge français Mme Sandra X..., Mme Lilian X... et Mme Christiane Y..., en tant qu'ayants droit de Walter X..., en réparation du préjudice résultant de la violation de l'engagement contractée à son égard par leur auteur de lui remettre les droits qui avaient été restitués à ce dernier sur un immeuble situé à Prague (République tchèque) à la suite d'une action en revendication qu'elle ne pouvait elle-même intenter pour avoir perdu la nationalité tchèque; (...)
1°/ que toute action ayant pour objet une obligation de transférer la propriété d'un immeuble est une action « en matière de droits réels immobiliers » au sens de l'article 22§1 du Règlement 44/ 2001 (...)
2°/ qu'en tout état de cause, qu'en formulant sa demande dans le seul but de contourner la compétence exclusive des juridictions tchèques, Mme Z... a commis une fraude qui était de nature à écarter la compétence de la juridiction française saisie; (...)
Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé que les consorts Y...- X... avaient été assignés en indemnisation de préjudice pour violation de l'obligation de restituer l'intégralité d'un immeuble et refus d'accepter l'offre de vente émanant de la ville de Prague, la cour d'appel en a justement déduit qu'il s'agissait d'une action personnelle et non d'une action réelle immobilière ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir relevé que les consorts Y...- X... n'avaient fait aucune référence à la loi tchèque, la cour d'appel a, par une décision motivée, souverainement estimé que le moyen tiré d'une prétendue fraude à la loi, motif pris d'une modification artificieuse de la qualification de l'action afin d'échapper à la compétence des juridictions tchèques était inopérant".
Motifs : "Attendu que pour accueillir le contredit et renvoyer la société Pred [distributeur établi en France] à mieux se pourvoir, l’arrêt, après avoir rappelé la règle d’attribution de compétence contenue dans l’article 5 de la Convention de Lugano et fondée sur la nature contractuelle ou délictuelle et quasi délictuelle de l’action, retient que relève de la matière contractuelle la demande qui trouve son fondement dans le non-respect d’un engagement librement assumé d’une partie envers une autre, puis précise que les parties étaient engagées depuis plusieurs années dans une relation de distribution exclusive en France par la société Pred de biens produits par la société Geistlich, ce dont il conclut que l’action indemnitaire engagée par le distributeur pour rupture des relations commerciales établies ressortit à la matière contractuelle ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé [l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce, ensemble l’article 5, paragraphe 3, de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988]".
CCC 2012, comm. 44, note N. Mathey
Motif : "Attendu que la cour d'appel a relevé que l'action introduite par la société Espace conseil à l'encontre des sociétés Italiana per Condotte d'Acqua Spa et Ferfina Spa avait pour fondement les dispositions de l'article 1382 du code civil du fait de l'immixtion supposée de ces sociétés dans la gestion de la société Ferfina France, de sorte qu'elle était de nature délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5-3 du règlement communautaire ; que par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié".
Rev. crit. DIP 2012. 639, note L. Usunier
D. 2012. 2335, obs. S. Bollée
BJS 2012. 70, note M. Menjucq
JDI 2012. 11, note S. Clavel
RJ com. 2012, n°3, p. 34, obs. M.-E. Ancel
Motif : "Vu l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, ensemble l'article 5, 3, du règlement du Conseil n° 44/2001, (…) ;
Attendu que le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur ;
Attendu que, pour accueillir le contredit et renvoyer la société Safic-Alcan à mieux se pourvoir, l'arrêt, après avoir indiqué que la demande d'indemnisation formée par cette société vise à obtenir la réparation du dommage qui aurait été causé par la rupture brutale de relations commerciales établies, en déduit que cette demande relève d'un fondement contractuel au sens de l'article 5, 1, a, du règlement n° 44/2001 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Motif : "Le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur".
D. 2009. 295, obs. E. Chevrier
CCC 2010, n° 179, note N. Mathey
Motif : "Attendu que pour déclarer la juridiction française compétente pour statuer sur l'ensemble des demandes de la société Boulanger contre la société Rudolph X..., l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'attitude de cette dernière société peut être constitutive de concurrence déloyale et faire l'objet d'une action en responsabilité délictuelle de la compétence du tribunal de commerce, au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention de Lugano, le fait dommageable s'étant produit et le préjudice réalisé dans son ressort, et par motifs propres, que la compétence des juridictions françaises est également justifiée en ce que, dans l'assignation, l'action en responsabilité délictuelle est primordiale ; qu'en statuant ainsi, alors que les demandes avaient l'une un fondement contractuel et l'autre un fondement délictuel et que la juridiction compétente pour statuer sur le fondement de l'article 5,3, de la Convention de Lugano ne l'est pas pour connaître des demandes faites sur un fondement contractuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Rev. crit. DIP 2004. 652, obs. B. Ancel
Motif : "Attendu que, pour accueillir l'exception d'incompétence soulevée par la société MB Marine, les arrêts retiennent que le sous-acquéreur dispose contre le fabricant et le vendeur intermédiaire d'une action directe de nature contractuelle fondée sur le contrat de vente conclu entre ce fabricant et le vendeur intermédiaire et que la clause attributive de juridiction figurant dans les contrats conclus entre la société Nanni X... d'un côté, et les sociétés Breda Marine, désormais dénommée MB Marine, et Marine Drive Units, désignant le tribunal de Milan, est opposable à la SBCN ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 27 septembre 1988 (Kalfelis), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la notion de matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur, et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5, paragraphe 1er, et que, dans un arrêt du 17 juin 1992 (Handte), la même Cour a dit pour droit que l'article 5, paragraphe 1er, de la Convention doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d'une chose au fabricant, qui n'est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l'impropriété de celle-ci à l'usage auquel elle est destinée, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Rev. crit. DIP 1995. 721, note A. Sinay-Cytermann
JDI 1995. 143, obs. A. Huet