[Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:]
3. en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire;
Aff. C-172/18, Concl. M. Szpunar
Motif 54 : "[Utilisée à l’article 97, paragraphe 5 du règlement n° 207/2009], l’expression « le fait de contrefaçon » doit être comprise comme se rapportant aux actes, visés à [l’]article 9 [du même règlement], que le requérant reproche au défendeur, tels que, en l’occurrence, des actes visés au paragraphe 2, sous b) et d), dudit article, consistant en des publicités et en des offres à la vente sous un signe identique à la marque en cause, et ces actes doivent être considérés comme ayant été « commis » sur le territoire où ils ont acquis leur caractère publicitaire et d’offre à la vente, à savoir celui où le contenu commercial a effectivement été rendu accessible aux consommateurs et aux professionnels auxquels il était destiné. Le point de savoir si ces publicités et ces offres ont eu, par la suite, pour effet de provoquer l’achat des produits du défendeur est, en revanche, sans pertinence".
Motif 58 : "L’article 97, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, en sa qualité de lex specialis pour les actions en contrefaçon de marques de l’Union européenne, doit certes recevoir une interprétation autonome par rapport à celle de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 fournie par la Cour pour les actions en contrefaçon de marques nationales (arrêt du 5 juin 2014, Coty Germany, C‑360/12, EU:C:2014:1318, point 31). Néanmoins, l’interprétation des notions de « territoire [de l’État membre où] le fait de contrefaçon a été commis » et de « lieu où le fait dommageable s’est produit », figurant à ces dispositions, doit présenter une certaine cohérence afin de réduire, conformément à l’objectif énoncé au considérant 17 du règlement n° 207/2009, au maximum les cas de litispendance résultant de l’introduction d’actions, dans différents États membres, impliquant les mêmes parties et le même territoire, formées l’une sur la base d’une marque de l’Union européenne et l’autre sur la base de marques nationales parallèles (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Merck, C‑231/16, EU:C:2017:771, points 30 à 32)".
Motif 59 : "En effet, si la règle de compétence juridictionnelle énoncée à l’article 97, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 devait être interprétée en ce sens que cette disposition ne permettait pas, contrairement à l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001, aux titulaires des marques de l’Union européenne d’introduire une action en contrefaçon devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel ils souhaitent faire constater la contrefaçon, ces titulaires seraient amenés à intenter l’action en contrefaçon de la marque de l’Union européenne et celle des marques nationales parallèles devant des tribunaux de différents États membres. Le mécanisme prévu à l’article 109 du règlement n° 207/2009 pour résoudre les cas de litispendance risquerait, en raison d’une telle approche divergente de l’article 97, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 (devenu article 125, paragraphe 5, du règlement 2017/1001) et de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 (devenu article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012), d’être fréquemment mis en œuvre, méconnaissant ainsi l’objectif consistant à réduire les cas de litispendance poursuivi par ces règlements".
Dispositif : "L’article 97, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne], doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque de l’Union européenne, qui s’estime lésé par l’usage sans son consentement, par un tiers, d’un signe identique à cette marque dans des publicités et des offres à la vente affichées par la voie électronique pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, peut introduire une action en contrefaçon contre ce tiers devant un tribunal des marques de l’Union européenne de l’État membre sur le territoire duquel se trouvent des consommateurs ou des professionnels visés par ces publicités ou ces offres à la vente, nonobstant le fait que ledit tiers a pris les décisions et les mesures en vue de cet affichage électronique dans un autre État membre".
Aff. C-172/18, Concl. M. Szpunar
Parties requérantes: AMS Neve Ltd, Barnett Waddingham Trustees, Mark Crabtree
Parties défenderesses: Heritage Audio SL, Pedro Rodríguez Arribas
Lorsqu’une entreprise, établie et ayant son siège social dans un État membre A, a pris des mesures dans ce territoire pour faire de la publicité et offrir à la vente des produits revêtus d’un signe identique à une marque de l’Union au moyen un site Internet visant à la fois des professionnels et des consommateurs d’un État membre B :
1) un tribunal des marques de l’Union de l’État membre B a-t-il compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’Union en raison de cette publicité et de cette offre de vente des produits sur ce territoire ?
2) dans la négative, quels autres critères doivent être pris en compte par ce tribunal des marques de l’Union pour déterminer s’il a compétence pour statuer sur une telle action ?
3) dans la mesure où la réponse à la deuxième question ci-dessus demande que ce tribunal des marques de l’Union détermine si l’entreprise a pris des mesures actives dans l’État membre B, quels critères doivent être pris en compte pour déterminer si cette entreprise a pris de telles mesures actives ?
Conclusions de l'AG M. Szpunar :
"L’article 97, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une entreprise, établie et ayant son siège social dans un État membre A, a pris des mesures dans ce territoire pour faire de la publicité et offrir à la vente des produits revêtus d’un signe identique à une marque de l’Union européenne au moyen d’un site Internet visant à la fois des professionnels et des consommateurs d’un État membre B, un tribunal des marques de l’Union européenne de l’État membre B a compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’Union européenne en raison de cette publicité et de cette offre de vente des produits sur ce territoire.
C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de se prononcer sur ce point lors de la vérification de la compétence des tribunaux de l’État membre concerné au titre de l’article 97, paragraphe 5, du règlement nº 207/2009".
Aff. C-27/17, Concl. M. Bobek
Motif 53 : "Dans l’hypothèse où les évènements à l’origine de l’affaire au principal [accord anticoncurrentiel et pratique de prix prédateurs] feraient partie d’une stratégie commune visant à évincer flyLAL du marché des vols à destination et au départ de l’aéroport de Vilnius et concourraient ensemble à la réalisation du dommage allégué, il appartiendrait à la juridiction de renvoi d’identifier l’évènement revêtant une importance particulière pour la mise en œuvre d’une telle stratégie dans le cadre de la chaîne d’évènements en cause au principal".
Motif 54 : "Cet examen sera mené uniquement afin d’identifier les points de rattachement avec l’État du for justifiant sa compétence en vertu de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 (arrêt du 16 juin 2016, Universal Music International Holding, C‑12/15, EU:C:2016:449, point 44), la juridiction de renvoi devant se contenter à cet égard d’un examen prima facie du litige sans examen du fond de celui‑ci dans la mesure où, ainsi qu’il a été en substance relevé par M. l’avocat général aux points 89 à 92 de ses conclusions, la détermination des éléments de la responsabilité civile délictuelle, dont le fait générateur du préjudice, relève du droit national applicable".
Dispositif 2 (et motif 57) : "L’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’une action en réparation d’un préjudice causé par des comportements anticoncurrentiels, la notion de « lieu où le fait dommageable s’est produit » peut être comprise comme étant soit le lieu de la conclusion d’un accord anticoncurrentiel contraire à l’article 101 TFUE, soit le lieu où les prix prédateurs ont été proposés et appliqués, si ces pratiques étaient constitutives d’une infraction au titre de l’article 102 TFUE".
Aff. C-27/17, Concl. M. Bobek
Partie demanderesse en première instance : AB «flyLAL-Lithunian Airlines», en liquidation
Parties défenderesses en première instance :«Air Baltic Corporation AS» et Starptautiskā lidosta «Rīga» VAS
1) Au regard des circonstances caractérisant la présente affaire, convient-il de comprendre l’expression «lieu où le fait dommageable s’est produit» utilisée à l’article 5, [point] 3, du règlement Bruxelles I comme visant le lieu de la conclusion, par les parties défenderesses, de l’accord illicite contraire à l’article 82, sous c), CE [article 102, sous c), TFUE] ou comme visant le lieu où ont été accomplis les actes exploitant l’avantage financier résultant de cet accord, en pratiquant des prix prédateurs (en procédant à des subventions croisées) afin de concurrencer la partie demanderesse sur les mêmes marchés en cause ?
Conclusions de l'AG M. Bobek :
"1) Dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, la notion de « lieu de l’évènement causal qui est à l’origine du dommage » au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 44/2001(…) doit être comprise comme signifiant, en ce qui concerne l’accord anticoncurrentiel allégué, le lieu de la conclusion de l’accord et, en ce qui concerne l’abus de position dominante allégué consistant en une pratique de prix prédateurs, le lieu où les prix prédateurs ont été proposés et appliqués".
Aff. C-47/14, Concl. P. Cruz-Villallon
Dispositif 3 (et motif 79) : "Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles une société assigne en justice son ancien gérant en raison d’un prétendu comportement illicite, l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que cette action relève de la matière délictuelle lorsque le comportement reproché ne peut pas être considéré comme un manquement aux obligations incombant au gérant en droit des sociétés, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Il appartient à celle-ci d’identifier, sur la base des circonstances factuelles de l’affaire, le point de rattachement le plus étroit avec le lieu de l’événement causal qui est à l’origine du dommage ("il convient de prendre en compte que ce lieu peut se situer à l’endroit où M. Spies von Büllesheim exerçait ses tâches de gérant") et avec le lieu de la matérialisation de celui-ci".
BJS 2016. 136, note S. Messaï-Bahri
Aff. C-352/13, Concl. N. Jääskinen
Motif 44 : "(...) le lieu de l’événement causal d’un dommage consistant en des surcoûts qu’un acheteur a dû payer en raison du fait qu’une entente a faussé les prix sur le marché peut être identifié, dans l’abstrait, comme celui de la conclusion de cette entente. En effet, une fois celle-ci conclue, les participants assurent par leurs actions ou leurs abstentions que le jeu de la concurrence est bloqué et que les prix sont faussés. Dans l’hypothèse où ce lieu serait connu, l’attribution de la compétence aux juridictions dudit lieu répondrait aux objectifs [de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès]".
Motif 45 : "Cette considération n’est cependant pas pertinente dans des circonstances telles que celles en cause au principal, où, selon les constatations de la Commission, exposées dans la décision de renvoi, il ne serait pas possible d’identifier un lieu unique où l’entente en cause aurait été conclue, cette entente ayant été constituée d’un nombre d’arrangements collusoires pris lors de différentes réunions et consultations qui se sont déroulées en divers lieux dans l’Union".
Motif 46 : "Ce qui précède est sans préjudice de l’hypothèse où la prise d’un arrangement particulier parmi ceux qui ont, dans leur ensemble, constitué l’entente illicite concernée serait à elle seule l’événement causal du dommage prétendument causé à un acheteur, auquel cas la juridiction dans le ressort de laquelle l’arrangement en cause a été pris serait alors compétente pour connaître du dommage ainsi causé audit acheteur".
Motif 47 : "Dans cette dernière hypothèse ainsi que dans celle où la juridiction de renvoi devrait conclure que l’entente en cause au principal a tout de même été définitivement conclue dans son ressort, il convient encore d’aborder le point de savoir si plusieurs participants à cette entente peuvent être attraits devant une même juridiction".
Motif 48 : "Dans un autre contexte, la Cour a certes jugé que l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 ne permet pas d’établir, au titre du lieu du fait générateur imputé à l’un des auteurs supposés d’un dommage, qui n’est pas partie au litige, une compétence juridictionnelle pour connaître d’une action dirigée contre un autre auteur supposé dudit dommage qui n’a pas agi dans le ressort de la juridiction saisie (arrêt Melzer, C‑228/11, EU:C:2013:305, point 41)".
Motif 49 : "En revanche, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, rien ne s’opposerait à ce que plusieurs coauteurs soient attraits ensemble devant une même juridiction".
Motif 50 : "Il s’ensuit que l’attribution, en vertu de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001, de la compétence pour connaître, au titre de l’événement causal et à l’égard de tous les auteurs d’une entente illicite, d’un dommage prétendument causé par celle-ci dépend de l’identification, dans le ressort de la juridiction saisie, d’un événement concret lors duquel soit cette entente a été définitivement conclue, soit un arrangement étant à lui seul l’événement causal du dommage prétendument causé à un acheteur a été pris".
JCP 2015. 665, note D. Berlin
G. van Calster, www.gavclaw.com
Aff. C-360/12, Concl. N. Jääskinen
Motif 49 : "En ce qui concerne le lieu de l’événement causal, il ressort de la décision de renvoi que plusieurs auteurs sont supposés être à l’origine du fait dommageable allégué et que First Note, qui est la défenderesse unique dans le litige au principal, a agi seulement en Belgique et, partant, en dehors du ressort de la juridiction devant laquelle elle a été attraite".
Motif 50 : "Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, dans des circonstances où un seul parmi plusieurs auteurs présumés d’un dommage allégué est attrait devant une juridiction dans le ressort de laquelle il n’a pas agi, il ne peut pas être considéré que l’événement causal s’est produit dans le ressort de cette juridiction au sens de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 (voir arrêt Melzer, EU:C:2013:305, point 40)".
Motif 51 : "Par conséquent, l’article 5, point 3, dudit règlement ne permet pas d’établir, au titre du lieu de l’événement causal, la compétence juridictionnelle pour connaître d’une action en responsabilité fondée sur la loi relative à la répression de la concurrence déloyale de l’État membre dont relève la juridiction saisie dirigée contre l’un des auteurs supposés du dommage qui n’a pas agi dans le ressort de la juridiction saisie (voir arrêt Melzer, EU:C:2013:305, point 41)".
Dispositif 2 : "L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 (...) doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’une allégation de publicité comparative illicite ou d’imitation déloyale d’un signe protégé par une marque communautaire, interdites par la loi relative à la répression de la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb) de l’État membre dont relève la juridiction saisie, cette disposition ne permet pas d’établir, au titre du lieu de l’événement causal d’un dommage résultant de la violation de cette loi, la compétence d’une juridiction dudit État membre dès lors que celui des auteurs supposés qui y est attrait n’y a pas agi lui-même. (…)".
Propr. ind. 2014. comm. 57, obs. A. Folliard-Monguiral
Europe 2014, comm. 363, obs. L. Idot
Procédures 2014, comm. 266, obs. C. Nourissat
Rev. crit. DIP 2015. 190, note C. Laurichesse
Motif 31 : "Or, ainsi que la Cour l’a déjà relevé, dans des circonstances où un seul parmi plusieurs auteurs présumés d’un dommage allégué est attrait devant une juridiction dans le ressort de laquelle il n’a pas agi, il ne peut pas être considéré que l’événement causal s’est produit dans le ressort de cette juridiction au sens de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 (voir arrêt Melzer, EU:C:2013:305, point 40)".
Motif 32 : "Partant, l’article 5, point 3, dudit règlement ne permet pas d’établir, au titre du lieu de l’événement causal, la compétence juridictionnelle à l’encontre de l’un des auteurs supposés dudit dommage, qui n’a pas agi dans le ressort de la juridiction saisie (voir arrêt Melzer, EU:C:2013:305, point 41)".
Dispositif : "L'article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens que, en cas de pluralité d’auteurs supposés d’un dommage allégué aux droits patrimoniaux d’auteur protégés dans l’État membre dont relève la juridiction saisie, cette disposition ne permet pas d’établir, au titre du lieu de l’événement causal de ce dommage, la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui des auteurs supposés qui est attrait n’a pas agi, mais elle permet d’établir la compétence de cette juridiction au titre du lieu de matérialisation du dommage allégué à condition que celui-ci risque de se matérialiser dans le ressort de la juridiction saisie. Dans cette dernière hypothèse, cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève".
Procédures 2014, comm. 171, obs. C. Nourissat
Europe 2014, comm. 286, obs. L. Idot
Motif 33 : "(…) l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que, en cas de mise en cause de la responsabilité d’un fabricant du fait d’un produit défectueux, le lieu de l’événement causal à l’origine du dommage est le lieu de fabrication du produit en cause".
Europe 2014, comm. 142, obs. L. Idot
RTD com 2014. 447, obs. A. Marmisse-d'Abadie d'Arrast
Aff. C-228/11, Concl. N. Jääskinen
Motif 30 : "Dans des circonstances telles que celles décrites dans la décision de renvoi, où un seul parmi plusieurs auteurs présumés d’un dommage allégué est attrait devant une juridiction dans le ressort de laquelle il n’a pas agi, le point de rattachement fondé sur l’agissement du défendeur fait par principe défaut".
Motif 31 : "Dans ces conditions, la juridiction saisie devrait, afin de pouvoir se reconnaître compétente au titre de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001, établir pourquoi l’événement causal devrait néanmoins être considéré comme ayant eu lieu dans son ressort. Or, cela exigerait, déjà au stade de l’examen de la compétence, une appréciation analogue à celle devant être effectuée pour examiner le fond du litige".
Motif 32 : "En effet, se poserait notamment la question de savoir sous quelles conditions, en cas de pluralités d’auteurs, pourrait être admise l’imputation des agissements de l’un d’eux aux autres afin de pouvoir attraire ces derniers devant la juridiction dans le ressort de laquelle ces agissements ont eu lieu. Or, en l’absence d’un concept commun aux ordres juridiques nationaux et de l’Union européenne permettant une telle imputation, la juridiction saisie s’inspirerait vraisemblablement de son droit national".
Motif 35 : "Une solution consistant à faire dépendre l’identification du point de rattachement de critères d’appréciation issus du droit matériel national irait à l’encontre de l’objectif de sécurité juridique, dès lors que, en fonction du droit applicable, l’agissement d’une personne qui a eu lieu dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie pourrait être qualifié ou non d’événement causal aux fins de l’attribution de compétence en vertu de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001. En effet, cette solution ne permettrait pas au défendeur de prévoir raisonnablement la juridiction devant laquelle il pourrait être attrait".
Dispositif : "L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil (...) doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas d’établir, au titre du lieu du fait générateur imputé à l’un des auteurs supposés d’un dommage, qui n’est pas partie au litige, une compétence juridictionnelle à l’encontre d’un autre auteur supposé dudit dommage qui n’a pas agi dans le ressort de la juridiction saisie".
Rev. crit. DIP 2013. 933, note J. Chacornac
Europe 2013, n° 329, obs. L. Idot
Procédures 2013, n° 213, obs C. Nourissat
RDAI/IBLJ 2013. 491, obs. V. Richard
Aff. C-523/10, Concl. P. Cruz Villalon
Motif 34 : "En cas d’atteinte alléguée à une marque nationale enregistrée dans un État membre en raison de l’affichage, sur le site Internet d’un moteur de recherche, d’une publicité grâce à l’utilisation d’un mot clé identique à ladite marque, il convient de considérer comme événement causal non l’affichage de la publicité elle-même, mais le déclenchement, par l’annonceur, du processus technique d’affichage, selon des paramètres prédéfinis, de l’annonce que celui-ci a créée pour sa propre communication commerciale".
Motif 35 : "En effet, ainsi que la Cour l’a relevé dans le cadre de l’interprétation de la directive rapprochant les législations des États membres sur les marques, c’est l’annonceur sélectionnant le mot clé identique à la marque qui en fait un usage dans la vie des affaires et non le prestataire du service de référencement (...). Le fait générateur d’une atteinte éventuelle au droit des marques réside donc dans le comportement de l’annonceur ayant recours au service de référencement pour sa propre communication commerciale".
Motif 36 : "Certes, le déclenchement du processus technique d’affichage par l’annonceur s’effectue, en fin de compte, sur un serveur appartenant à l’exploitant du moteur de recherche utilisé par l’annonceur. Néanmoins, compte tenu de l’objectif de prévisibilité auquel doivent tendre les règles de compétence, le lieu d’établissement dudit serveur ne saurait, en raison de sa localisation incertaine, être considéré comme étant celui de l’événement causal pour les besoins de l’application de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001".
Motif 37 : "En revanche, dès lors qu’il s’agit d’un lieu certain et identifiable, tant pour le demandeur que pour le défendeur, et qu’il est, de ce fait, de nature à faciliter l’administration de la preuve et l’organisation du procès, il y a lieu de décider que le lieu d’établissement de l’annonceur est celui où le déclenchement du processus d’affichage est décidé".
Motif 38 : "Il découle de ce qui précède qu’un litige relatif à l’atteinte alléguée à une marque enregistrée dans un État membre du fait de l’utilisation, par un annonceur, d’un mot clé identique à ladite marque sur le site Internet d’un moteur de recherche opérant sous un nom de domaine national de premier niveau d’un autre État membre peut également être porté devant les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’annonceur".
Dispositif (et motif 39) : "L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 (...) doit être interprété en ce sens qu’un litige relatif à l’atteinte à une marque enregistrée dans un État membre du fait de l’utilisation, par un annonceur, d’un mot clé identique à ladite marque sur le site Internet d’un moteur de recherche opérant sous un domaine national de premier niveau d’un autre État membre peut être porté soit devant les juridictions de l’État membre dans lequel la marque est enregistrée, soit devant celles de l’État membre du lieu d’établissement de l’annonceur".
Europe 2012, comm. 6, p. 263, obs. L. Idot
RLDI 2013, n° 90, p. 33, obs. C. Coslin, P. Blondet
D. 2012. 1926, note T. Azzi
D. 2012. 2338, obs. L. d'Avout
D. 2013. 1503, obs. F. Jault-Seseke
RTD com. 2012. 554, obs. F. Pollaud-Dulian
RJ com. 2012. 30, obs. M.-E. Ancel
CCE 2013, chron. 1, obs. M.-E. Ancel
Aff. C-68/93, Concl. P. Léger
Motif 24 : "Dans l'hypothèse d'une diffamation au moyen d'un article de presse diffusé sur le territoire de plusieurs États contractants, le lieu de l'événement causal, au sens de cette jurisprudence, ne peut être que le lieu d'établissement de l'éditeur de la publication litigieuse, en tant qu'il constitue le lieu d'origine du fait dommageable, à partir duquel la diffamation a été exprimée et mise en circulation".
Motif 25 : "Le tribunal du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication diffamatoire doit dès lors avoir compétence pour connaître de l'action en réparation de l'intégralité du préjudice causé par l'acte illicite".
Dispositif 1 : "L'expression "lieu où le fait dommageable s'est produit", utilisée à l'article 5, point 3, de la convention du 27 septembre 1968 (…), doit, en cas de diffamation au moyen d'un article de presse diffusé dans plusieurs États contractants, être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l'éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l'État contractant du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l'intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'État de la juridiction saisie".
Rev. crit. DIP 1996. 487, note P. Lagarde
JDI 1996. 543, note A. Huet
D. 1996. Jursipr. 61, obs. G. Parléani
RTD eur. 1996. 621, note M. Gardeñes Santiago
Europe 1995. Chron. 7, obs. L. Idot
Aff. 21/76, Concl. F. Capotorti
Motif 17 : "Compte tenu du rapport étroit entre les éléments constitutifs de toute responsabilité, il n'apparaît pas indiqué d'opter pour l'un des deux points de rattachement mentionnés à l'exclusion de l'autre, chacun d'entre eux pouvant, selon les circonstances, fournir une indication particulièrement utile du point de vue de la preuve et de l'organisation du procès".
Motif 18 : "Un choix exclusif apparaît d'autant moins désirable que, par sa formule compréhensive, l'article 5, 3°, de la convention englobe une grande diversité de types de responsabilité".
Motif 19 : "La signification de l'expression "lieu où le fait dommageable s'est produit", dans l'article 5, 3°, doit donc être déterminée de manière à reconnaître au demandeur une option à l'effet d'introduire son action soit au lieu où le dommage a été matérialisé, soit au lieu de l'événement causal".
Motif 20 : "Cette conclusion est corroborée par la considération que, d'une part, l'option pour le seul lieu de l'événement causal aurait pour effet d'amener, dans un nombre appréciable de cas, une confusion entre les chefs de competence prévus par les articles 2 et 5, 3°, de la convention, de manière que cette dernière disposition perdrait pour autant son effet utile".
Motif 21 : "D'autre part, l'option pour le seul lieu où le dommage a été materialisé aurait pour effet d'exclure, dans les cas où le lieu de l'événement causal ne coincide pas avec le domicile de la personne responsable, une connexion utile avec la compétence d'une juridiction particulièrement proche de la cause du dommage".
Dispositif (et motifs 24 et 25) : "Dans le cas où le lieu où se situe le fait susceptible d'entraîner une responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle et le lieu où ce fait a entraîné un dommage ne sont pas identiques, l'expression "lieu où le fait dommageable s'est produit", dans l'article 5, 3°, de la convention du 27 septembre 1968 (...), doit être entendue en ce sens qu'elle vise à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l'événement causal.
Il en résulte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal soit du lieu où le dommage est survenu, soit du lieu de l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage".
Rev. crit. DIP 1977. 563, note P. Bourel
JDI 1977. 728, obs. A. Huet
D. 1977. Jur. 613, note G. A. L. Droz
Motifs : "Mais attendu qu'aux termes de l'article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 [...], une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ; que l'arrêt relève que la responsabilité de la société allemande TRLP est recherchée en raison de manquements tant dans la conduite de la procédure de certification que dans la mise en oeuvre des opérations de surveillance et de celles visant à la délivrance d'une nouvelle certification, prévues par la directive 93/42, notamment à l'occasion de la surveillance de la qualité effectuée dans les locaux de la société PIP, situés en France ; qu'il s'en déduit que le fait générateur du dommage était localisé dans cet Etat membre ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués [les sociétés demanderesses à la cassation, de certification, critiquaient le raisonnement de la cour d'appel, limité à la localisation française de la fabrication des implants mammaires certifiés alors que les décisions de certification avaient été prises en Allemagne, et justifié par la nécessité, de bonne administration de la justice, de rassembler l'ensemble du contentieux à l'encontre du fabricant comme des certificateurs] dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ".
Motifs : " [...] après avoir relevé, sans dénaturation, que le dommage initial était constitué par la remise de la lettre de change [après détournement et falsification] sur le compte ouvert dans les livres de la banque en Allemagne et par son paiement et que le débit de l'effet litigieux sur le compte de la société MDA, en France, n'en était que la conséquence, la cour d'appel en a exactement déduit que la survenance du dommage initial et la réalisation de l'événement causal à l'origine de celui-ci étaient localisés en Allemagne, ce qui excluait la compétence de la juridiction française".
Motif : "(…) après avoir rappelé la nature de la faute [négligences ayant permis une escroquerie] reprochée à la banque [établie à Londres] et la structure du préjudice allégué par les investisseurs, l'arrêt relève, d'une part, que le lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage est celui du prétendu manquement de la banque à ses obligations professionnelles et, d'autre part, que le lieu où le dommage est survenu, au sens de l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles, est celui où l'appropriation indue par le dépositaire des fonds s'est produite, que ce soit par retraits, par prélèvements ou par virements, c'est-à-dire à Londres, lieu où étaient matériellement tenus les comptes de [le dépositaire] ; (…) ayant ainsi fait ressortir que le dommage allégué, susceptible de découler immédiatement et directement de l'éventuelle faute de la banque, était situé au lieu où les fonds avaient été perdus et non placés, la cour d'appel en a exactement déduit, par une décision motivée, que la juridiction de Papeete [dans le ressort de laquelle les demandeurs étaient domiciliés] n'était pas compétente".
RCA 2015, Comm. 50, note N. Ciron
Motif : "Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence territoriale, l'arrêt, après avoir relevé que le litige soumis au tribunal de commerce de Paris porte pour l'essentiel sur la perte par les investisseurs de leurs avoirs dans la SICAV luxembourgeoise, retient que, dans la mesure où une partie des demandeurs ont souscrit après l'autorisation de commercialisation en France de la SICAV qui a été accordée par l'Autorité des marchés financiers le 25 mars 2005, est établie l'existence d'un fait causal ayant eu lieu en France et ainsi celle d'un fait dommageable s'étant produit dans ce pays ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la localisation en France d'un événement causal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
Dalloz actualité, 24 juin 2014, obs. F. Mélin
BJB 2014. 400, obs. A. Tenenbaum
Motif : "L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les actes reprochés à la société UBS Luxembourg ont nécessairement été commis au Luxembourg et que le lieu où s'est produit le dommage, qui ne peut s'entendre que de la perte de ses actifs par la société Luxalpha Sicav, se situe au Luxembourg ; qu'il retient également que le lieu où s'est matérialisé le préjudice financier de Mme X... n'est pas la France mais le Luxembourg où la société Luxalpha Sicav a subi en premier la perte de la valeur de ses titres ; qu'il retient encore que si la demande de souscription a eu lieu en France au sein de la Société générale, la souscription elle-même a eu lieu au Luxembourg, lors de l'acceptation de la souscription par la société Luxalpha Sicav ; qu'il retient enfin que le lieu où s'est produit le fait dommageable ne saurait se confondre avec le lieu du domicile où est localisé le patrimoine de la demanderesse ; qu'ayant ainsi fait ressortir le rattachement au Luxembourg du fait dommageable, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, c'est à juste titre que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante évoquée à la cinquième branche, a, sans dénaturer les termes du litige, accueilli l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société UBS Luxembourg".
BJB 2014. 145, note A. Tenenbaum
Rev. crit. DIP 2014. 432, note S. Corneloup
Gaz. Pal. 16 mars 2014, p. 29, note J. Morel-Maroger
Motif : "(…) après avoir rappelé que le Règlement (CE) n°44/2001 (…) édicte, en son article 5, 3°, qu'en matière délictuelle ou quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit, l'arrêt [attaqué] retient que la faute invoquée [contre une banque d'Amsterdam, dépositaire des fonds issus d'une augmentation de capital] est le versement de fonds revendiqués par la société Batla [bénéficiaire de l'augmentation de capital] à la société Efi [son intermédiaire financier, qui a fait prélever ses honoraires sur les fonds crédités à Amsterdam] et que dès lors le fait dommageable consistant dans le versement des honoraires de la société Efi sur les fonds déposés à la banque à Amsterdam, ne s'est pas produit à Aix-en-Provence ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le lieu où les sommes virées pour un montant inférieur à celui attendu par la société Batla avaient été inscrites dans ses comptes bancaires et sociaux ne constituait que le lieu où ont été enregistrées les conséquences financières d'un fait ayant déjà causé un préjudice effectivement survenu aux Pays-Bas, la cour d'appel en a exactement déduit que la juridiction aixoise n'était pas compétente sur le fondement du texte susvisé".
BJS 2010. 840, obs. F. Mélin
Motif : "Attendu qu'ayant constaté que la société Schüco invoquait à l'encontre de la société Aluplast le débauchage de certains membres de son personnel tenus par des clauses de non-concurrence, et du fait de ce débauchage, des actes de démarchage déloyal et de détournement de clientèle, la cour d'appel a pu en déduire que l'événement causal à l'origine du dommage était intervenu au siège de cette société en France en application de l'article 5-3 du règlement (CE) n° 44/2001 (Bruxelles I)".
JCP E 2011, n° 1135, obs. A. Ballot-Léna