1. En matière d'assurance de responsabilité, l'assureur peut également être appelé devant le tribunal saisi de l'action de la personne lésée contre l'assuré, si la loi de ce tribunal le permet.
2. Les dispositions des articles 8, 9 et 10 sont applicables en cas d'action directe intentée par la victime contre l'assureur, lorsque l'action directe est possible.
3. Si la loi relative à cette action directe prévoit la mise en cause du preneur d'assurance ou de l'assuré, le même tribunal sera aussi compétent à leur égard.
Aff. C-340/16, Concl. M. Bobek
Motif 29 : "Les interrogations de la juridiction de renvoi quant à la qualification d’un employeur, cessionnaire légal des droits d’une victime, de « partie plus faible » sont nées de la constatation, opérée par la Cour, qu’un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée dans un accident de voiture, ne peut être ainsi qualifié, alors qu’un ayant droit de la personne directement lésée tel qu’un héritier peut l’être (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, [...], points 42 et 44)".
Motif 32 : "Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses conclusions, dans le cadre du règlement n° 44/2001, la notion de « partie plus faible » a une acception plus large en matière d’assurances qu’en matière de contrats conclus par les consommateurs ou en matière de contrats individuels de travail".
Motif 33 : "Il importe également de rappeler que la Cour a jugé que le renvoi opéré à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001 a pour objet d’ajouter à la liste des demandeurs, contenue dans l’article 9, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, les personnes ayant subi un dommage, sans que le cercle de ces personnes eût été restreint à celles l’ayant subi directement (arrêts du 13 décembre 2007, FBTO Schadeverzekeringen [...], point 26, et du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, [...], point 27)".
Motif 37 : "Il s’ensuit qu’un employeur subrogé dans les droits du salarié victime d’un accident de la circulation, dont il a maintenu la rémunération peut, en qualité de « victime », attraire l’assureur du véhicule impliqué dans cet accident devant les tribunaux de l’État membre où il est établi, lorsqu’une action directe est possible".
Motif 38 : "À ce dernier égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 18 de la directive 2009/103, il appartient aux États membres de veiller à ce que les personnes lésées à la suite d’un accident causé par un véhicule couvert par l’assurance de responsabilité civile disposent d’un droit d’action directe à l’encontre de l’entreprise d’assurances couvrant la responsabilité civile de la personne responsable".
Dispositif (et motif 39) : "L’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un employeur, établi dans un premier État membre, qui a maintenu la rémunération de son employé absent à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de celui-ci à l’égard de la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un second État membre, peut, en qualité de « victime », au sens de cette dernière disposition, attraire cette société d’assurances devant les tribunaux du premier État membre, lorsqu’une action directe est possible".
Motif 33 : "S’agissant de l’opposabilité d’une convention attributive de juridiction à la victime d’un dommage, il appert, d’une part, que, selon l’article 13, point 5, du règlement n° 44/2001, lu conjointement avec l’article 14, point 2, sous a), de celui-ci, il peut être dérogé par une telle convention aux dispositions de la section 3 dudit règlement, notamment dans le cas de contrats d’assurance couvrant toute responsabilité résultant de l’utilisation ou de l’exploitation de navires".
Motif 34 : "D’autre part, il est constant que l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001, qui rend applicable les dispositions des articles 8 à 10 de ce règlement en cas d’action directe intentée par la victime contre l’assureur, ne vise pas les articles 13 et 14 dudit règlement et, partant, les conventions de prorogation de compétence".
Motif 35 : "Il ne ressort donc pas de l’économie des dispositions de la section 3 du chapitre II du règlement n° 44/2001 qu’une convention attributive de juridiction soit opposable à la victime".
Motif 39 : "Par ailleurs, force est de constater que la situation de la tierce victime d’un dommage assuré est encore plus éloignée de la relation contractuelle assortie d’une clause attributive de juridiction que l’est celle de l’assuré bénéficiaire qui n’a pas expressément consentie à celle-ci, envisagée dans l’arrêt du 12 mai 2005, Société financière et industrielle du Peloux (C‑112/03, EU:C:2005:280)".
Motif 40 : "Il y a donc lieu de considérer qu’une clause attributive de juridiction convenue entre un assureur et un preneur d’assurance ne saurait être opposée à la victime d’un dommage assuré qui souhaite agir directement contre l’assureur devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit, ainsi qu’il a été rappelé au point 31 du présent arrêt, ou devant le tribunal du lieu où elle est domiciliée, possibilité que la Cour a reconnue dans son arrêt du 13 décembre 2007, FBTO Schadeverzekeringen (C‑463/06, EU:C:2007:792, point 31)".
Motif 41 : "En effet, l’extension aux victimes de l’effet contraignant des clauses attributives de juridiction fondées sur les dispositions combinées des articles 13 et 14 du règlement n° 44/2001 pourrait compromettre l’objectif poursuivi par la section 3 du chapitre II de celui-ci, à savoir protéger la partie économiquement et juridiquement la plus faible (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, point 40)".
Dispositif (et motif 42) : "Au vu de ce qui précède, l’article 13, point 5, du règlement n° 44/2001, considéré conjointement avec l’article 14, point 2, sous a), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’une victime disposant d’une action directe contre l’assureur de l’auteur du dommage qu’elle a subi n’est pas liée par une clause attributive de juridiction conclue entre cet assureur et cet auteur".
Motif 25 : "Il convient de noter, à titre liminaire, qu’il existe des divergences entre les différentes versions linguistiques de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001. Ainsi, la version française emploie le terme «victime», dont l’interprétation sémantique renvoie à la personne ayant subi directement le dommage. En revanche, la version allemande, qui est celle de la langue de procédure, utilise l’expression «der Geschädigte», ce qui signifie «la personne lésée». Or, ce terme peut viser non seulement la personne qui a directement subi le dommage, mais également celle qui ne l’a subi qu’indirectement".
Motif 26 : "À cet égard, il est de jurisprudence constante que la nécessité d’une interprétation uniforme du droit communautaire exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément, mais exige, au contraire, qu’il soit interprété également à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles (voir arrêts du 12 juillet 1979, Koschniske, 9/79, Rec. p. 2717, point 6; du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a., C-296/95, Rec. p. I-1605, point 36, ainsi que du 9 mars 2006, Zuid‑Hollandse Milieufederatie et Natuur en Milieu, C‑174/05, Rec. p. I‑2443, point 20), et en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont cette disposition constitue un élément (arrêt du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. p. 1999, point 14)".
Motif 27 : "En l’occurrence, il convient de constater, d’une part, que, à l’instar de la version allemande, d’autres versions linguistiques de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001 emploient l’expression «la personne lésée» (...)".
Motif 28 : "Il s’ensuit que l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001 doit être interprété comme visant la personne lésée".
Europe 2009. comm. 386, obs. L. Idot
Procédures 2009. comm. 359, obs. C. Nourissat
RTD eur. 2010. 421, obs. E. Guinchard
Dispositif (et motif 31) : "Le renvoi effectué par l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001 (...) à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de celui-ci doit être interprété en ce sens que la personne lésée peut intenter une action directement contre l’assureur devant le tribunal du lieu où elle est domiciliée dans un État membre, lorsqu’une telle action directe est possible et que l’assureur est domicilié sur le territoire d’un État membre".
Europe 2008, comm. 73, obs. L. Idot
Procédures 2008, comm. 41, obs. C. Nourissat
Rev. crit. DIP 2009. 366, note E. Pataut
RGDA 2008. 523, note V. Heuzé
Motifs : "Vu les articles 13 [sic: 11] du règlement (CE) n° 44/2001 (...), applicable en la cause, et 1er du règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 864/2007 du 11 juillet 2007 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 octobre 2009, la société Lingenheld environnement (la société Lingenheld) a conclu avec la société allemande Thermovolt, assurée auprès de la société allemande R+V Allgemeine Versicherung AG (la société R+V), un contrat pour la livraison et l'installation en France de panneaux photovoltaïques ; qu'invoquant des retards dans l'exécution des prestations et la pose défectueuse de certains panneaux, la société Lingenheld a assigné en paiement de dommages-intérêts la société R+V devant le tribunal de grande instance de Strasbourg ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société R+V, l'arrêt énonce, d'abord, qu'il résulte de l'article 13 [sic: 11] du règlement (CE) n° 44/2001 (...) que les règles de compétences prévues aux articles 10 à 12 [sic: 8 à 10] du même règlement, qui offrent à l'assuré un choix entre plusieurs options de compétence, notamment la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile, sont applicables à l'action directe intentée par le tiers victime contre l'assureur dès lors qu'une telle action est possible ; qu'il retient, ensuite, que l'admissibilité de l'action directe dépend de la loi désignée par la règle de conflit du for, énoncée à l'article 18 du règlement (CE) n° 864/2007 (...), lequel désigne la loi du lieu où le délit a été commis, et que le dommage prétendument causé par la mauvaise exécution des contrats étant localisé sur le chantier situé en France où les panneaux en cause ont été livrés et installés, la loi française est applicable ; qu'il en déduit que l'article L. 124-3, alinéa 1, du code des assurances ouvrant droit à la victime une action directe à l'encontre de l'assureur de son cocontractant, les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du litige ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 18 du Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit Rome II, n'est applicable qu'aux actions directes exercées contre les assureurs de personnes devant réparation en raison d'une obligation non contractuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (...)".
Motifs : "Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que l'assurance sur corps n'est pas une assurance de responsabilité, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que si l'article 11, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 n'était pas applicable au litige, le point 2 du même article pouvait être mis en oeuvre; [...]
Mais [...] Vu l'article 11, point 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, applicable en la cause ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, l'assureur peut être attrait devant le tribunal du lieu où la victime a son domicile en cas d'action directe intentée par elle contre l'assureur, lorsque l'action directe est possible ;
Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que la société Armement bigouden « peut invoquer le bénéfice de l'action directe prévue à l'article L. 173-8 du code des assurances » ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, quelle était la loi applicable à l'action directe et si celle-ci était possible au sens du texte précité, selon ce droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
Motifs: "Vu les articles 9, 10 et 11 du Règlement CE n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000, ensemble l'article 3 du code civil;
(...)
Qu'en (déclarant que le principe de l'applicabilité de l'action directe du cocontractant de l'assuré contre l'assureur se trouve régi par la loi du lieu où le fait dommageable s'est produit), en matière de responsabilité contractuelle, alors que la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation contractuelle ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
JCP 2015, n° 991, obs. F. Mailhé
JCP 2015, n° 1163, note V. Heuzé
Dalloz actualité, 21 sept. 2015, obs. F. Mélin
Motif : "(...) attendu, d'abord, qu'aux termes des articles 9 et 10, alinéa 1, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, s'il s'agit d'assurance de responsabilité, l'assureur peut être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ; qu'il peut également être appelé devant le tribunal saisi de l'action de la personne lésée contre l'assuré si la loi de ce tribunal le permet ; qu'ayant relevé que le fait dommageable ainsi que le dommage subi par la société GTM s'étaient produits en France de sorte que la loi française était applicable à son recours contre les sociétés X... France et X... KG Allemagne, c'est à bon droit que la cour d'appel, sur le fondement des textes susvisés, a décidé que la société SV Sparkassen Versicherung, assureur de la société X... KG Allemagne, pouvait être attraite devant la juridiction française qui était compétente pour statuer sur la demande".
Motif : "(...) qu'en retenant qu'en application de l'article 10, 1, de la Convention de Bruxelles (...), la société Milano Assicurazioni pouvait être attraite devant le tribunal saisi de l'action de la personne lésée contre l'assuré dès lors qu'elle relevait que cet assureur ne démontrait d'aucune manière la volonté de la société Mercurio Autovetture de le soustraire artificiellement à son juge naturel, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision".