1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité (ci-après dénommée "procédure d'insolvabilité principale"). Le centre des intérêts principaux correspond au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par des tiers.
Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire. Cette présomption ne s'applique que si le siège statutaire n'a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.
Pour une personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être le lieu d'activité principal de l'intéressé. Cette présomption ne s'applique que si le lieu d'activité principal de la personne physique n'a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.
Pour toute autre personne physique, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être la résidence habituelle de l'intéressé. Cette présomption ne s'applique que si la résidence habituelle n'a pas été transférée dans un autre État membre au cours des six mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.
2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.
3. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité a été ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure d'insolvabilité secondaire.
4. La procédure d'insolvabilité territoriale visée au paragraphe 2 ne peut être ouverte avant l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale en application du paragraphe 1 que si:
a) une procédure d'insolvabilité ne peut pas être ouverte en application du paragraphe 1 en raison des conditions établies par le droit de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur; ou
b) l'ouverture de la procédure d'insolvabilité territoriale est demandée par:
i) un créancier dont la créance est née de l'exploitation d'un établissement situé sur le territoire de l'État membre dans lequel l'ouverture de la procédure territoriale est demandée, ou est liée à celle-ci; ou
ii) une autorité publique qui, en vertu du droit de l'État membre sur le territoire duquel l'établissement est situé, a le droit de demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.
Lorsqu'une procédure d'insolvabilité principale est ouverte, la procédure d'insolvabilité territoriale devient une procédure d'insolvabilité secondaire.
Aff. C-253/19, concl. M. Szpunar
Motif 23 : "Troisièmement, il découle des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2015/848 que les considérations qui précèdent valent indistinctement pour tout débiteur, qu’il s’agisse de sociétés, de personnes morales ou de personnes physiques. Ce critère général de rattachement pour déterminer la compétence internationale aux fins de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ainsi que l’approche fondée sur des critères objectifs et vérifiables par les tiers qu’il convient d’adopter pour l’appliquer valent donc a fortiori pour les personnes physiques n’exerçant pas de profession libérale ou toute autre activité d’indépendant".
Motif 24 : "Cela étant, il y a lieu de préciser, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 45 et 49 de ses conclusions, que les critères pertinents pour déterminer le centre des intérêts principaux d’une personne physique n’exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant sont ceux qui se rapportent à sa situation patrimoniale et économique, ce qui correspond au lieu où cette personne gère ses intérêts économiques et où la majorité de ses revenus sont perçus et dépensés, ou bien au lieu où se situe la majeure partie de ses actifs".
Motif 26 : "Toutefois, l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement 2015/848 prévoit que cette présomption [de la résidence habituelle] ne vaut que jusqu’à preuve du contraire, et le considérant 30 de ce règlement précise qu’il devrait être possible de renverser ladite présomption, par exemple si la majeure partie des actifs du débiteur est située en dehors de l’État membre de sa résidence habituelle, ou s’il peut être établi que le principal motif de son déménagement était d’ouvrir une procédure d’insolvabilité auprès de la nouvelle juridiction et si l’ouverture de cette procédure risque de nuire sérieusement aux intérêts des créanciers dont les relations avec le débiteur ont débuté avant le déménagement".
Motif 27 : "Il reste, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 55 de ses conclusions, que le seul fait que des circonstances mentionnées à ce considérant sont réunies ne sauraient suffire à renverser la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement 2015/848".
Motif 30 : "À cet égard, si la cause de la situation d’insolvabilité n’est pas, en tant que telle, un élément pertinent pour déterminer le centre des intérêts principaux d’une personne physique n’exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant, il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de prendre en considération l’ensemble des éléments objectifs et vérifiables par les tiers qui se rapportent à sa situation patrimoniale et économique. Dans un cas tel que celui en cause au principal, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 du présent arrêt, cette situation est localisée au lieu où les requérants au principal gèrent habituellement leurs intérêts économiques et où la majorité de leurs revenus sont perçus ou dépensés, ou bien au lieu où se situe la majeure partie de leurs actifs".
Dispositif (et motif 31) : "L’article 3, paragraphe 1, premier et quatrième alinéas, du règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que la présomption qu’il prévoit pour déterminer la compétence internationale aux fins de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, selon laquelle le centre des intérêts principaux d’une personne physique n’exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant est sa résidence habituelle, n’est pas renversée du seul fait que l’unique bien immobilier de cette personne est situé en dehors de l’État membre de résidence habituelle".
Aff. C-337/17, Concl. M. Bobek
Motif 32 : "(…), en l’occurrence, l’action introduite par Feniks ne semble nullement s’insérer dans le cadre d’une procédure de liquidation des biens ou de règlement judiciaire. Par ailleurs, lors de l’audience devant la Cour, il a été répondu à une question posée par celle-ci qu’aucune procédure d’insolvabilité n’a été ouverte contre Coliseum, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier".
Motif 33 : "Dans la mesure où l’action au principal, fondée sur les articles 527 et suivants du code civil, vise à préserver les intérêts propres du créancier et non à accroître l’actif de Coliseum, elle relève de la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012".