1. Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue:
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles; ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.
2. Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.
Motif 51 : "Dans la mesure où, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I, tel qu’interprété par la Cour, la transmission des informations concernées est réalisée si ces informations sont accessibles au moyen d’un écran, le renvoi, dans le contrat écrit, à des conditions générales par la mention du lien hypertexte d’un site Internet dont l’accès permet, en principe, de prendre connaissance de ces conditions générales, pour peu que ce lien hypertexte fonctionne et puisse être actionné par une partie appliquant une diligence normale, équivaut a fortiori à une preuve de communication de ces informations".
Motif 52 : "Dans un tel cas de figure, la circonstance qu’il n’existe, sur la page du site Internet en cause, aucune case susceptible d’être cochée aux fins d’exprimer l’acceptation de ces conditions générales ou que la page contenant ces conditions ne s’ouvre pas automatiquement lors de l’accès audit site Internet n’est pas en mesure de remettre en cause une telle conclusion (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, El Majdoub, C‑322/14, EU:C:2015:334, point 39), dès lors que l’accès auxdites conditions générales est possible avant la signature du contrat et que l’acceptation de ces conditions intervient moyennant signature par la partie contractante concernée".
Motif 56 : "En tout état de cause, et même si la juridiction de renvoi n’a pas interrogé la Cour sur l’éventuelle existence d’un usage du commerce international connu des parties, il convient d’ajouter que, en dehors des deux options que l’article 23, paragraphe 1, de la convention de Lugano II prévoit à son point a), à savoir la conclusion écrite ou la conclusion verbale avec confirmation écrite, cet article 23, paragraphe 1, ajoute, à ses points b) et c), qu’une clause attributive de juridiction peut également être conclue, respectivement, sous une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou, dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée (voir, par analogie, arrêt du 8 mars 2018, Saey Home & Garden, C‑64/17, EU:C:2018:173, point 31)".
Dispositif : "L’article 23, paragraphes 1 et 2, de la [Convention de Lugano du 30 oct. 2007], doit être interprété en ce sens que : une clause attributive de juridiction est valablement conclue lorsqu’elle est contenue dans des conditions générales auxquelles le contrat conclu par écrit renvoie par la mention du lien hypertexte d’un site Internet dont l’accès permet, avant la signature dudit contrat, de prendre connaissance desdites conditions générales, de les télécharger et de les imprimer, sans que la partie à laquelle cette clause est opposée ait été formellement invitée à accepter ces conditions générales en cochant une case sur ledit site Internet".
Motif 27 : "(…) il y a lieu de relever que, lorsqu’une clause attributive de juridiction est stipulée dans des conditions générales, la Cour a dit pour droit qu’une telle clause est licite dans le cas où, dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi exprès est fait à des conditions générales comportant ladite clause (arrêt Hőszig, point 39 et jurisprudence citée)".
Motif 28 : "En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que le contrat de concession commerciale en cause au principal a été conclu verbalement, sans confirmation ultérieure par écrit, et que les conditions générales contenant la clause attributive de juridiction concernée n’ont été mentionnées que dans les factures émises par la défenderesse au principal".
Motif 29 : "Au vu de ces éléments, et eu égard à la jurisprudence rappelée au point 27 du présent arrêt, une clause attributive de juridiction, telle que celle en cause au principal, ne satisfait pas aux exigences de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1215/2012, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier".
Dispositif 1 : "L’article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, une clause attributive de juridiction, telle que celle en cause au principal, stipulée dans des conditions générales de vente mentionnées dans des factures émises par l’une des parties contractantes, ne satisfait pas aux exigences de cette disposition".
Partie requérante: Saey Home & Garden NV/SA [défenderesse en première instance]
Partie défenderesse: Lusavouga-Máquinas e Acessórios Industriais SA [requérante en première instance]
1) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions belges, conformément au principe de base énoncé à l’article 4, paragraphe 1, du règlement 1215/2012, au motif que la Belgique est le pays où la défenderesse a son siège et est effectivement domiciliée ?
2) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et sous c), du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où les obligations mutuelles de ce contrat devaient être exécutées au Portugal ?
3) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et sous c), du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où les obligations mutuelles de ce contrat devaient être exécutées en Espagne ?
4) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et sous b), premier tiret, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, se décompose en plusieurs contrats de vente et où tous les biens vendus devaient être livrés au Portugal, comme ce fut le cas de la livraison effectuée le 21 janvier 2014 ?
5) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions belges, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et sous b), premier tiret, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, se décompose en plusieurs contrats de vente et où tous les biens vendus ont été livrés par la défenderesse à la requérante en Belgique ?
6) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et sous b), premier tiret, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, se décompose en plusieurs contrats de vente et où tous les biens vendus étaient destinés à être livrés en Espagne et concernaient des opérations effectuées en Espagne ?
7) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et sous b), deuxième tiret, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, correspond à une prestation de services effectuée par la requérante au bénéfice de la défenderesse par laquelle la requérante favorise le développement de certaines opérations qui concernent indirectement la défenderesse ?
8) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et sous b), deuxième tiret, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat-cadre de concession commerciale, lequel, en ce qui concerne la relation entre la requérante et la défenderesse, correspond à une prestation de services effectuée par la requérante au bénéfice de la défenderesse par laquelle la requérante favorise le développement de certaines opérations qui concernent indirectement la défenderesse et qui se déroulent en Espagne ?
9) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises, conformément à l’article 7, paragraphe 5, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où le litige entre la requérante et la défenderesse doit être assimilé à un litige entre un mandant (lire «concédant») et un agent situé au Portugal ?
10) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles, conformément à l’article 7, paragraphe 5, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), dans la mesure où elle a pour objet un litige découlant d’un contrat de concession commerciale et où le litige entre la requérante et la défenderesse doit être assimilé à un litige entre un mandant (lire «concédant») et un agent que l’on doit considérer comme étant domicilié en Espagne dès lors que c’est dans ce pays que l’agent devra exécuter ses obligations contractuelles ?
11) La demande doit-elle être introduite devant les juridictions belges, en particulier devant un tribunal de Kortrijk (Courtrai), conformément à l’article 25, paragraphe 1, du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), étant donné qu’au point 20 des conditions générales régissant toutes les ventes réalisées entre la défenderesse et la requérante, ces parties ont conclu une convention attributive de juridiction, par écrit et pleinement valable au regard du droit belge, précisant que «any dispute of any nature whatsoever shall be the exclusive jurisdiction of the courts of Kortrijk» [toute contestation de quelque nature que ce soit sera de la compétence exclusive des tribunaux de Kortrijk] ?
12) Conformément aux règles des sections 2 à 7 du chapitre II du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), la demande doit-elle être introduite devant les juridictions portugaises dans la mesure où les principaux critères de rattachement de la relation contractuelle établie entre la requérante et la défenderesse concernent le territoire et l’ordre juridique portugais ?
13) Conformément aux règles des sections 2 à 7 du chapitre II du règlement 1215/2012 (en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement), la demande doit-elle être introduite devant les juridictions espagnoles dans la mesure où les principaux critères de rattachement de la relation contractuelle établie entre la requérante et la défenderesse concernent le territoire et l’ordre juridique espagnols ?
Motifs : "5. L'arrêt retient que la société Digital Audio [de droit suisse] a accepté l'accusé de réception de la commande, lequel renvoie expressément aux conditions générales de vente de la société Anthalys [de droit français], précise l'adresse électronique à laquelle elles sont consultables et indique que l'acceptation de cet accusé de réception vaut consentement aux conditions générales.
6. De ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Digital Audio avait accepté un contrat qui renvoyait expressément à des conditions générales qu'elle était en mesure, moyennant des diligences normales, de consulter et qu'elle pouvait sauvegarder ou imprimer avant la conclusion du contrat, la cour d'appel a exactement déduit que la clause d'attribution de compétence [au tribunal de commerce d'Auxerre] prévue aux conditions générales de vente était applicable."
Motifs : "Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit français V... CIP s'est approvisionnée entre 1998 et 2015 auprès de la société de droit allemand Werner Sauer pour commercialiser en France les produits d'une filiale belge de cette dernière, la société Chemoplast ; qu'assignée pour rupture brutale des relations commerciales devant le tribunal de commerce de Lille par la société V... Y..., la société Werner Sauer a soulevé une exception d'incompétence au profit du tribunal de Cologne (Allemagne) sur le fondement de la clause de prorogation de for contenue dans ses conditions générales de vente ;
Attendu que, pour déclarer le juge français compétent, l'arrêt retient que, la société Werner Sauer ne versant aux débats aucune facture au dos de laquelle figureraient ses conditions générales de vente et ses factures ne s'y référant que par une simple mention selon laquelle ces conditions générales sont disponibles sur demande, la connaissance de l'existence d'une clause attributive de juridiction par la société V... Y... n'est pas démontrée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société V... Y... avait entretenu avec la société Werner Sauer des relations commerciales pendant plus de quinze ans, en s'acquittant de factures contenant une référence claire à des conditions générales de vente mises expressément à sa disposition, ce dont il se déduisait qu'elle les avait tacitement acceptées, et, avec elles, la clause attributive de juridiction y figurant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé ["l'article 25, §3, c)" du règlement Bruxelles I bis]".
Motifs : "Mais attendu qu'après avoir constaté que l'ordre d'achat renvoie aux conditions générales de la société TWA [acheteuse] figurant au verso, qui prévalent sur toutes conditions générales de vente émises par le fournisseur, l'arrêt relève que les discussions entre les parties, pendant plusieurs semaines, ont abouti à certaines modifications de l'accord sur le tonnage des marchandises et le prix, sans remettre en cause les autres éléments de l'offre d'achat et, notamment, les conditions générales d'achat de la société TWA, dont la société Unisteel avait eu connaissance et qu'elle n'avait pas contestées ; qu'il ajoute que, dès lors, peu importe que l'avenant au contrat émanant de la société TWA se soit référé à la confirmation de commande du 22 août 2011 pour modifier les délais de paiement et non à l'offre d'achat du 28 juin précédent ; qu'il retient que la société Unisteel ne peut prétendre, en présence d'un conflit manifeste entre les conditions générales des deux parties, que la société TWA aurait donné son consentement à la clause attributive de compétence mentionnée sur les factures éditées par ses soins du seul fait qu'elle en aurait assuré le paiement en connaissance de cause et que l'évocation des relations antérieures est inopérante, dès lors que le processus de commande a toujours été identique ; que, par ces motifs, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement apprécié la commune intention des parties d'attribuer compétence aux juridictions françaises ; que le moyen, dont la quatrième branche [invoquant une absence de base légale au regard de l'article 19 de la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises] est irrecevable comme nouvelle et mélangée de fait, ne peut être accueilli".
Motifs : "40. Le seul fait que ce tableau [figurant dans la clause et répartissant les compétences selon le domicile des cocontractants de la société anglaise] soit en anglais et non en français ne lui ôte pas son caractère clair et précis, et ne permet pas d’invalider le consentement des parties, ce d’autant que l’anglais et le français étaient utilisés indifféremment par les parties dans leurs relations d’affaires et que le contrat a été signé pour partie en français (le formulaire de commande) et pour partie en anglais (le renvoi au contrat d’abonnement), sans réserves. De plus, la société Lamirault ne peut valablement se prévaloir d’une prétendue méconnaissance de la langue anglaise qui est la langue de leurs relations d’affaires.
41. Au regard de ces éléments, il apparaît que la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat d’abonnement, par référence du formulaire de commande dûment accepté, remplit les conditions posées par l’article 25 du règlement, les parties en ayant eu connaissance et y ayant consenti".