Aff. C-337/17, Concl. M. Bobek
Motif 42 : "S’il ressort, en l’occurrence, de la décision de renvoi préjudiciel que Feniks [le créancier] a payé les sous-traitants auxquels Coliseum [son débiteur] a eu recours pour la réalisation des travaux de construction en vertu d’une disposition de droit national instituant la responsabilité solidaire de l’investisseur avec l’exécutant des travaux, il n’en demeure pas moins que tant le droit de gage dont dispose Feniks sur le patrimoine de son débiteur que l’action en inopposabilité de la vente [d'un immeuble situé en Espagne] conclue par ce dernier avec un tiers trouvent leur source dans les obligations librement consenties par Coliseum à l’égard de Feniks par la conclusion du contrat relatif auxdits travaux de construction".
Motif 43 : "En effet, par cette action, le créancier vise à faire constater que la cession, par le débiteur, d’actifs à un tiers a eu lieu au détriment des droits du créancier issus de la force obligatoire du contrat et qui correspondent aux obligations librement consenties par son débiteur. La cause de cette action se situe ainsi, essentiellement, dans la méconnaissance des obligations que le débiteur a consenties à l’égard du créancier".
Motif 46 : "Il est, par conséquent, loisible au titulaire de droits de créance issus d’un contrat, qui a l’intention d’introduire une action paulienne, de le faire devant la juridiction du « lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande », ce for étant celui qui est autorisé par l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012. En l’occurrence, l’action du créancier visant à préserver ses intérêts dans l’exécution des obligations issues du contrat de travaux de construction, il s’ensuit que le « lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande » est, conformément à l’article 7, point 1, sous b), de ce règlement, celui où, en vertu de ce contrat, ces travaux ont été fournis, à savoir en Pologne".
Motif 47 : "Une telle conclusion répond à l’objectif de prévisibilité des règles de compétence, d’autant plus qu’un professionnel ayant conclu un contrat d’achat immobilier peut, lorsqu’un créancier de son cocontractant réclame que ce contrat entrave indûment l’exécution des obligations de ce cocontractant vis-à-vis de ce créancier, raisonnablement s’attendre à être attrait devant une juridiction du lieu d’exécution desdits obligations".
Motif 48 : "La conclusion établie au point précédent n’est nullement infirmée par la circonstance, découlant en l’occurrence de l’article 531, paragraphe 1, du code civil, que l’action est introduite contre le tiers et non contre le débiteur. Il importe de rappeler, à cet égard, que la règle de compétence spéciale en matière contractuelle, prévue à l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012 repose sur la cause de l’action et non pas sur l’identité des parties (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2018, flightright e.a., C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16, EU:C:2018:160, point 61 et jurisprudence citée)".
Dispositif (et motif 49) : "Dans une situation telle que celle en cause au principal, une action paulienne, par laquelle le titulaire d’un droit de créance issu d’un contrat demande de faire déclarer inopposable à son égard l’acte, prétendument préjudiciable à ses droits, par lequel son débiteur a cédé un bien à un tiers, relève de la règle de compétence internationale prévue à l’article 7, point 1, sous a), du règlement (UE) n° 1215/2012 (…)".
Aff. C-337/17, Concl. M. Bobek
Partie requérante: Feniks sp. z o.o. (dont le siège social est établi à Szczecin)
Partie défenderesse: Azteca Products & Services SL (dont le siège social est établi à Alcora)
1) Le litige résultant d’une action en inopposabilité, dirigée contre un acheteur dont le siège social est établi dans un État membre, relative à un contrat de vente portant sur un immeuble situé sur le territoire d’un autre État membre, en raison du préjudice causé aux créanciers du vendeur, ce contrat ayant été conclu et exécuté dans sa totalité sur le territoire de cet autre État membre, constitue-t-il un litige «en matière contractuelle», au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) ?
2) Convient-il de répondre à la question qui précède en appliquant le principe de l’acte éclairé, en faisant référence à l’arrêt du 17 juin 1992, Handte (C-26/91, EU:C:1992:268), bien que cet arrêt concerne la responsabilité du fabricant pour des défauts de la chose, fabricant qui n’était pas en mesure de prévoir à qui la chose serait cédée par la suite et, à ce titre, de prévoir qui pourrait former une action contre lui, alors que l’action en inopposabilité formée contre un acheteur et portant sur un contrat de vente relatif à un immeuble en raison du préjudice causé aux créanciers du vendeur nécessite (afin d’être accueillie) que l’acheteur ait eu connaissance du fait que l’acte juridique (le contrat de vente) était préjudiciable aux créanciers et que, par conséquent, l’acheteur doit tenir compte du fait qu’un créancier personnel du vendeur peut former une telle action ?
Conclusions de l'AG M. Bobek :
"L’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1215/2012 (…) doit être interprété en ce sens que la notion de « matière contractuelle » au sens de cette disposition ne couvre pas une action en inopposabilité, telle que celle en cause au principal, dirigée contre un acheteur dont le siège social est établi dans un État membre et relative à un contrat de vente portant sur un immeuble situé sur le territoire d’un autre État membre en raison du préjudice causé aux créanciers du vendeur".