Aff. C-172/18, Concl. M. Szpunar
Motif 54 : "[Utilisée à l’article 97, paragraphe 5 du règlement n° 207/2009], l’expression « le fait de contrefaçon » doit être comprise comme se rapportant aux actes, visés à [l’]article 9 [du même règlement], que le requérant reproche au défendeur, tels que, en l’occurrence, des actes visés au paragraphe 2, sous b) et d), dudit article, consistant en des publicités et en des offres à la vente sous un signe identique à la marque en cause, et ces actes doivent être considérés comme ayant été « commis » sur le territoire où ils ont acquis leur caractère publicitaire et d’offre à la vente, à savoir celui où le contenu commercial a effectivement été rendu accessible aux consommateurs et aux professionnels auxquels il était destiné. Le point de savoir si ces publicités et ces offres ont eu, par la suite, pour effet de provoquer l’achat des produits du défendeur est, en revanche, sans pertinence".
Motif 58 : "L’article 97, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, en sa qualité de lex specialis pour les actions en contrefaçon de marques de l’Union européenne, doit certes recevoir une interprétation autonome par rapport à celle de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 fournie par la Cour pour les actions en contrefaçon de marques nationales (arrêt du 5 juin 2014, Coty Germany, C‑360/12, EU:C:2014:1318, point 31). Néanmoins, l’interprétation des notions de « territoire [de l’État membre où] le fait de contrefaçon a été commis » et de « lieu où le fait dommageable s’est produit », figurant à ces dispositions, doit présenter une certaine cohérence afin de réduire, conformément à l’objectif énoncé au considérant 17 du règlement n° 207/2009, au maximum les cas de litispendance résultant de l’introduction d’actions, dans différents États membres, impliquant les mêmes parties et le même territoire, formées l’une sur la base d’une marque de l’Union européenne et l’autre sur la base de marques nationales parallèles (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Merck, C‑231/16, EU:C:2017:771, points 30 à 32)".
Motif 59 : "En effet, si la règle de compétence juridictionnelle énoncée à l’article 97, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 devait être interprétée en ce sens que cette disposition ne permettait pas, contrairement à l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001, aux titulaires des marques de l’Union européenne d’introduire une action en contrefaçon devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel ils souhaitent faire constater la contrefaçon, ces titulaires seraient amenés à intenter l’action en contrefaçon de la marque de l’Union européenne et celle des marques nationales parallèles devant des tribunaux de différents États membres. Le mécanisme prévu à l’article 109 du règlement n° 207/2009 pour résoudre les cas de litispendance risquerait, en raison d’une telle approche divergente de l’article 97, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 (devenu article 125, paragraphe 5, du règlement 2017/1001) et de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 (devenu article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012), d’être fréquemment mis en œuvre, méconnaissant ainsi l’objectif consistant à réduire les cas de litispendance poursuivi par ces règlements".
Dispositif : "L’article 97, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne], doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque de l’Union européenne, qui s’estime lésé par l’usage sans son consentement, par un tiers, d’un signe identique à cette marque dans des publicités et des offres à la vente affichées par la voie électronique pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, peut introduire une action en contrefaçon contre ce tiers devant un tribunal des marques de l’Union européenne de l’État membre sur le territoire duquel se trouvent des consommateurs ou des professionnels visés par ces publicités ou ces offres à la vente, nonobstant le fait que ledit tiers a pris les décisions et les mesures en vue de cet affichage électronique dans un autre État membre".
Aff. C-172/18, Concl. M. Szpunar
Parties requérantes: AMS Neve Ltd, Barnett Waddingham Trustees, Mark Crabtree
Parties défenderesses: Heritage Audio SL, Pedro Rodríguez Arribas
Lorsqu’une entreprise, établie et ayant son siège social dans un État membre A, a pris des mesures dans ce territoire pour faire de la publicité et offrir à la vente des produits revêtus d’un signe identique à une marque de l’Union au moyen un site Internet visant à la fois des professionnels et des consommateurs d’un État membre B :
1) un tribunal des marques de l’Union de l’État membre B a-t-il compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’Union en raison de cette publicité et de cette offre de vente des produits sur ce territoire ?
2) dans la négative, quels autres critères doivent être pris en compte par ce tribunal des marques de l’Union pour déterminer s’il a compétence pour statuer sur une telle action ?
3) dans la mesure où la réponse à la deuxième question ci-dessus demande que ce tribunal des marques de l’Union détermine si l’entreprise a pris des mesures actives dans l’État membre B, quels critères doivent être pris en compte pour déterminer si cette entreprise a pris de telles mesures actives ?
Conclusions de l'AG M. Szpunar :
"L’article 97, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une entreprise, établie et ayant son siège social dans un État membre A, a pris des mesures dans ce territoire pour faire de la publicité et offrir à la vente des produits revêtus d’un signe identique à une marque de l’Union européenne au moyen d’un site Internet visant à la fois des professionnels et des consommateurs d’un État membre B, un tribunal des marques de l’Union européenne de l’État membre B a compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’Union européenne en raison de cette publicité et de cette offre de vente des produits sur ce territoire.
C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de se prononcer sur ce point lors de la vérification de la compétence des tribunaux de l’État membre concerné au titre de l’article 97, paragraphe 5, du règlement nº 207/2009".