Les dispositions du présent règlement ne portent pas atteinte à l'application des dispositions de la loi du for qui régissent impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable à l'obligation non contractuelle.
Motif 27 : Alors que la notion de « dispositions impératives dérogatoires » employée à cette disposition n’est pas définie dans le contexte dudit règlement, il convient de noter que l’article 9, paragraphe 1, du règlement Rome I définit la loi de police comme une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un État pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat selon ce règlement.
Motif 28 : L’exigence de cohérence dans l’application des règlements Rome I et Rome II (arrêt du 21 janvier 2016, ERGO Insurance et Gjensidige Baltic, C‑359/14 et C‑475/14, EU:C:2016:40, point 43) militant en faveur d’une harmonisation dans toute la mesure du possible de l’interprétation des notions fonctionnellement identiques employées par ces deux règlements, il y a lieu de considérer que, indépendamment du fait que certaines versions linguistiques du règlement Rome II emploient une terminologie différente par rapport au règlement Rome I, les « dispositions impératives dérogatoires », au sens de l’article 16 du règlement Rome II, répondent, à la définition des « lois de police », au sens de l’article 9 du règlement Rome I, si bien que l’interprétation, par la Cour, de cette dernière notion vaut également pour celle de « dispositions impératives dérogatoires », au sens de l’article 16 du règlement Rome II.
Motifs 29 : À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a souligné, dans le contexte de la convention de Rome, que l’exception relative à l’existence d’une « loi de police », au sens de la législation de l’État membre concerné, doit être interprétée de manière stricte (arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C‑184/12, EU:C:2013:663, point 49).
Motif 30 : Selon la jurisprudence de la Cour, il revient, dans ce contexte, au juge national, dans le cadre de son appréciation quant au caractère de « loi de police » de la loi nationale qu’il entend substituer à celle expressément choisie par les parties au contrat, de tenir compte non seulement des termes précis de cette loi, mais aussi de l’économie générale de celle-ci et de l’ensemble des circonstances dans lesquelles ladite loi a été adoptée pour pouvoir en déduire qu’elle revêt un caractère impératif, dans la mesure où il apparaît que le législateur national a adopté celle-ci en vue de protéger un intérêt jugé essentiel par l’État membre concerné (arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C‑184/12, EU:C:2013:663, point 50).
Motif 31 : Par analogie, il y a lieu de considérer que, s’agissant de l’identification éventuelle d’une « disposition impérative dérogatoire », au sens de l’article 16 du règlement Rome II, la juridiction de renvoi doit constater, sur la base d’une analyse circonstanciée des termes, de l’économie générale, des objectifs ainsi que du contexte de l’adoption de cette disposition, qu’elle revêt une importance telle dans l’ordre juridique national qu’elle justifie de s’écarter de la loi applicable, désignée en application de l’article 4 de ce règlement.
Motif 32 : Il ressort de la décision de renvoi que l’article 11, paragraphe 1, sous b), du décret-loi no 291/2007 dispose que, en ce qui concerne les accidents survenus sur le territoire des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, l’obligation de réparation établie dans la loi applicable à l’accident est remplacée par la loi portugaise dès lors qu’elle prévoit une meilleure couverture. En application de l’article 498, paragraphe 1, du code civil, le délai de prescription de l’action en réparation des préjudices résultant d’un sinistre est de trois ans, alors que le délai prévu par le droit espagnol, que la juridiction de renvoi estime applicable en l’occurrence, en vertu de l’article 4 du règlement Rome II, est d’un an.
Motif 33 : S’il ne revient pas à la Cour d’apprécier les dispositions visées au point précédent à la lumière des critères énoncés au point 31 du présent arrêt, il importe de souligner que, en dépit de la diversité des règles nationales de prescription, l’article 15, sous h), du règlement Rome II soumet expressément celles-ci à la règle générale de détermination de la loi applicable et qu’aucun autre texte du droit de l’Union n’établit des exigences spécifiques en matière de prescription d’une action telle que celle en cause au principal.
Dispositif (et, partiellement, motif 35) : 1) L’article 16 du règlement (CE) no 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que le délai de prescription de l’action en réparation des préjudices résultant d’un sinistre est de trois ans, ne peut pas être considérée comme une disposition impérative dérogatoire, au sens de cet article, à moins que la juridiction saisie ne constate, sur la base d’une analyse circonstanciée des termes, de l’économie générale, des objectifs ainsi que du contexte de l’adoption de cette disposition, qu’elle revêt une importance telle dans l’ordre juridique national qu’elle justifie de s’écarter de la loi applicable, désignée en application de l’article 4 de ce règlement.
2) L’article 27 du règlement no 864/2007 doit être interprété en ce sens que l’article 28 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, tel que transposé dans le droit national, ne constitue pas une disposition de droit de l’Union qui règle les conflits de lois en matière d’obligations non contractuelles, au sens de cet article 27.
Motifs : "11. Après avoir relevé que le régime spécifique commun aux délits civils prévus par l'article L. 442-6 du code de commerce se caractérise par l'intervention, prévue au III de cet article, du ministre chargé de l'économie pour la défense de l'ordre public, et souligné que les instruments juridiques dont celui-ci dispose, notamment pour demander le prononcé de sanctions civiles, illustrent l'importance que les pouvoirs publics accordent à ces dispositions, la cour d'appel a exactement retenu que l'article L. 442-6, I, 2° et II, d) du code de commerce prévoit des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial pour la préservation d'une certaine égalité des armes et loyauté entre partenaires économiques et qui s'avèrent donc indispensables pour l'organisation économique et sociale de la France, ce dont elle a déduit, à bon droit, qu'elles constituent des lois de police dont l'application, conformément tant à l'article 9 du règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles qu'à l'article 16 du règlement (CE) n° 864/2007 (…), s'impose au juge saisi, sans qu'il soit besoin de rechercher la règle de conflit de lois conduisant à la détermination de la loi applicable.
12. Ayant ensuite relevé que les hôtels signataires des contrats en cause et victimes des pratiques alléguées étaient situés sur le territoire français, la cour d'appel a caractérisé un lien de rattachement de l'action du ministre au regard de l'objectif de préservation de l'organisation économique poursuivi par les lois de police en cause".
Motifs : " Attendu [...] 2°/ que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce constitue une loi de police qui s'applique à toute relation commerciale nouée et poursuivie en France par des opérateurs économiques français ; qu'en ne se fondant, pour écarter l'application au litige de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, que sur l'absence d'un lien de rattachement avec la France des relations contractuelles ayant existé entre les sociétés CenCar et Rotosiam, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'existence d'une relation commerciale, même informelle, nouée et poursuivie en France par le groupe S... et la société Carrefour, opérateurs économiques français, qui était expressément invoquée par les parties en demande, ne suffisait pas à justifier l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, loi de police française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l'article 16 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles; [...]
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que les documents contractuels existants concernent exclusivement les sociétés CenCar et Rotosiam et que les sociétés Carrefour et CenCar sont deux personnes morales distinctes, la seconde fût-elle une filiale à 100 % de la première, ce dont elle a exactement déduit que la rupture brutale alléguée concernait la relation commerciale ayant existé entre les sociétés Rotosiam et CenCar de sorte que la société Carrefour devait être mise hors de cause, la cour d'appel a, par ces seuls motifs rendant inopérants l'ensemble des griefs du moyen, justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli".