1. Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties.
[...]
4. Les conventions attributives de juridiction ainsi que les stipulations similaires d’actes constitutifs de trust sont sans effet si elles sont contraires aux dispositions des articles 15, 19 ou 23 ou si les juridictions à la compétence desquelles elles dérogent sont exclusivement compétentes en vertu de l’article 24.
Aff. C-345/22 à 347/22, Concl. A.M. Collins
Motif 48 : "(…), s’il ressort de l’article 25, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis que la validité au fond d’une clause attributive de juridiction est appréciée au regard du droit de l’État membre dont une ou plusieurs juridictions ont été désignées par cette clause, il n’en demeure pas moins que l’opposabilité d’une telle clause à un tiers au contrat, tel qu’un tiers porteur du connaissement, relève non pas de la validité au fond de cette clause, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 54 à 56 de ses conclusions, mais de ses effets, dont l’appréciation succède nécessairement à celle de sa validité au fond, cette dernière devant être opérée en considération des rapports entre les parties initiales au contrat."
Motif 53 : "(…), d’une part, en ce que l’article 25, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis ne comporte plus de condition selon laquelle au moins l’une des parties doit être domiciliée dans un État membre, force est de constater que la suppression de cette exigence renforce l’autonomie de la volonté des parties quant au choix de la ou des juridictions compétentes, sans que cette suppression ait une quelconque influence sur la définition des effets d’une clause attributive de juridiction à l’égard d’un tiers au contrat. D’autre part, dans la mesure où cette disposition désigne désormais le droit national applicable pour apprécier la validité au fond d’une telle clause, il y a lieu de considérer, eu égard à ce qui ressort du point 48 du présent arrêt, que cette nouvelle règle de conflit de lois ne régit en revanche pas l’opposabilité de la clause concernée à un tel tiers."
Motif 54 : "Par conséquent, si, en l’occurrence, la juridiction de renvoi venait à constater qu’Oversea et Fortitude, en qualité de tiers porteurs de connaissements, sont respectivement subrogées dans l’intégralité des droits et des obligations d’Aquafrost et de Tunacor Fisheries, en tant que chargeurs et donc de parties initiales aux contrats de transport en cause dans les affaires au principal, cette juridiction devrait en déduire, conformément à l’article 25, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour, que les clauses attributives de juridiction en cause dans ces affaires [désignant une juridiction anglaise] sont opposables à ces tiers. En revanche, cette disposition n’est pas pertinente dans le cadre de l’examen du point de savoir si lesdits tiers sont subrogés dans l’intégralité des droits et des obligations de ces chargeurs, cette subrogation étant régie par le droit national applicable au fond, tel que déterminé en application des règles de droit international privé de l’État membre dont relève la juridiction de renvoi."
Dispositif 1 (et motif 55) : "L’article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : l’opposabilité d’une clause attributive de juridiction au tiers porteur du connaissement dans lequel cette clause est insérée n’est pas régie par le droit de l’État membre dont une ou plusieurs juridictions sont désignées par cette clause. Ladite clause est opposable à ce tiers si, en acquérant ce connaissement, il est subrogé dans l’intégralité des droits et des obligations de l’une des parties initiales au contrat, ce qu’il convient d’apprécier conformément au droit national applicable au fond, tel que déterminé en application des règles de droit international privé de l’État membre dont relève la juridiction saisie du litige."
Motif 59 : "(…) l’article 251 de la LNM [loi espagnole 14/2014 relative à la navigation maritime], lu en combinaison avec l’article 468 de cette loi, prévoit, en substance, que l’acquéreur du connaissement acquiert tous les droits et les actions du cédant à l’égard des marchandises, à l’exception des clauses attributives de juridiction, qui nécessitent le consentement de l’acquéreur, ces clauses étant nulles et réputées non écrites si elles n’ont pas été négociées individuellement et séparément."
Motif 60 : "Partant, il convient de constater, à l’instar de la Commission dans ses observations écrites et de M. l’avocat général au point 61 de ses conclusions, qu’une telle réglementation nationale a pour effet de contourner l’article 25, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour, et qu’elle est donc contraire à cette dernière disposition."
Motif 61 : "En effet, selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, l’article 251 de la LNM, lu en combinaison avec l’article 468 de cette loi, impose aux juridictions nationales concernées de vérifier l’existence du consentement d’un tiers à une clause attributive de juridiction insérée dans le connaissement qu’il acquiert, quand bien même il est subrogé dans l’intégralité des droits et des obligations du chargeur qui a conclu le contrat qui a été consigné dans ce connaissement."
Motif 62 : "De surcroît, il y a lieu de relever que cette réglementation nationale méconnaît la jurisprudence issue de l’arrêt du 9 novembre 2000, Coreck (C‑387/98, EU:C:2000:606, point 25), en ce qu’elle a pour effet d’accorder davantage de droits au tiers porteur du connaissement que n’en détenait le chargeur auquel il a succédé, ce tiers pouvant choisir de ne pas être lié par la prorogation de compétence conclue entre les parties initiales au contrat."
Motif 67 : "Par conséquent, il incombera à la juridiction de renvoi de vérifier si l’article 251 de la LNM, lu en combinaison avec l’article 468 de cette loi, peut être interprété en ce sens que la règle qu’il prévoit, selon laquelle l’acquéreur du connaissement acquiert tous les droits et les actions du cédant à l’égard des marchandises, à l’exception des clauses attributives de juridiction et des clauses d’arbitrage si celles-ci n’ont pas été négociées individuellement et séparément par cet acquéreur, ne trouve à s’appliquer à une situation que si cette dernière ne relève pas du champ d’application de l’article 25, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis. Si cette juridiction venait à constater que tel n’est pas le cas, elle devrait laisser inappliquée cette règle nationale dans les litiges au principal, dans la mesure où elle est contraire à cette disposition du droit de l’Union directement applicable."
Dispositif 2 (et motif 68) : "L’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un tiers à un contrat de transport de marchandises conclu entre un transporteur et un chargeur, lequel tiers acquiert le connaissement consignant ce contrat et devient ainsi tiers porteur de ce connaissement, est subrogé dans l’intégralité des droits et des obligations de ce chargeur, à l’exception de ceux découlant d’une clause attributive de juridiction insérée dans ledit connaissement, cette clause étant uniquement opposable à ce tiers s’il l’a négociée individuellement et séparément."
Aff. C-345/22, Concl. A. M. Collins
Partie requérante : Maersk A/S
Partie défenderesse : Allianz Seguros y Reaseguros SA
1) La règle visée à l’article 25 du règlement n° 1215/2012, qui prévoit que la nullité de la convention attributive de juridiction doit être appréciée conformément au droit de l’État membre auquel les parties ont attribué la compétence, s’applique-t-elle également – dans une situation telle que celle du litige au principal – à la question de la validité de l’extension de la clause à un tiers n’étant pas partie au contrat dans lequel la clause est insérée ?
2) En cas de transfert du connaissement à un tiers destinataire des marchandises qui n’est pas intervenu dans le contrat entre le chargeur et le transporteur maritime, une règle telle que celle figurant à l’article 251 de la Ley de Navegación Marítima (loi sur la navigation maritime), qui exige, pour que la clause attributive de juridiction soit opposable à ce tiers, qu’elle ait été négociée avec celui-ci « individuellement et séparément », est-elle conforme à l’article 25 du règlement n° 1215/2012 et à la jurisprudence de la Cour interprétant cette disposition ?
3) Est-il possible, conformément au droit de l’Union, que la législation des États membres prévoie des conditions supplémentaires de validité pour que les clauses attributives de juridiction insérées dans des connaissements produisent effet à l’égard de tiers ?
4) Une règle telle que celle figurant à l’article 251 de la loi espagnole sur la navigation maritime – qui prévoit que la subrogation du tiers porteur n’a lieu que de manière partielle, à l’exclusion des clauses de prorogation de compétence – suppose-t-elle l’introduction d’une condition supplémentaire de validité de telles clauses, contraire à l’article 25 du règlement n° 1215/2012?
Conclusions de l'AG A. M. Collins :
"65. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par l’Audiencia Provincial de Pontevedra (cour provinciale de Pontevedra, Espagne) :
1) L’article 25, paragraphe 1, du règlement [Bruxelles I bis] doit être interprété en ce sens que : une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur et insérée dans un connaissement est opposable au tiers porteur du connaissement si, en acquérant ce connaissement, il a succédé au chargeur dans ses droits et obligations. Il appartient à la juridiction saisie du litige de répondre à cette question conformément au droit national applicable au fond, tel que déterminé en application des règles de droit international privé de cette juridiction. La règle contenue dans cette disposition, prévoyant que la validité au fond d’une clause attributive de juridiction doit être appréciée selon le droit de l’État membre de la ou des juridictions désignées dans cette clause, ne régit pas le point de savoir si une clause attributive de juridiction insérée dans un connaissement est opposable au tiers porteur de ce connaissement.
2) L’article 25, paragraphe 1, du règlement 1215/2012 doit être interprété en ce sens que : cette disposition s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle un tiers au contrat de transport maritime de marchandises conclu entre un transporteur et un chargeur, qui acquiert le connaissement consignant ce contrat, est subrogé dans tous les droits et obligations du chargeur, à l’exception de la clause attributive de juridiction insérée dans ce connaissement, qui ne lui est opposable que s’il l’a négociée individuellement et séparément".
Motif 40 : "(…) l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 ne précise pas si une clause attributive de juridiction peut être cédée, au‑delà du cercle des parties à un contrat, à un tiers, partie à un contrat ultérieur et successeur, en tout ou partie, aux droits et aux obligations de l’une des parties au contrat initial (arrêts du 7 février 2013, Refcomp, C‑543/10, EU:C:2013:62, point 25, et du 20 avril 2016, Profit Investment SIM, C‑366/13, EU:C:2016:282, point 23).
(…)
Motif 47 : "Ce n’est que dans le cas où, conformément au droit national applicable au fond, le tiers aurait succédé au contractant initial dans tous ses droits et obligations qu’une clause attributive de juridiction à laquelle ce tiers n’a pas consenti pourrait néanmoins le lier (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C‑352/13, EU:C:2015:335, point 65 et jurisprudence citée)."
(…)
Dispositif (et motif 63) : "L’article 25 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, pour contester la compétence d’une juridiction pour connaître d’un recours indemnitaire formé sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, et dirigé contre une compagnie aérienne, une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat de transport conclu entre un passager et cette compagnie aérienne ne peut être opposée par cette dernière à une société de recouvrement à laquelle le passager a cédé sa créance, à moins que, selon la législation de l’État dont les juridictions sont désignées dans cette clause, cette société de recouvrement n’ait succédé au contractant initial dans tous ses droits et obligations, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Le cas échéant, une telle clause, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat conclu entre un consommateur, à savoir le passager aérien, et un professionnel, à savoir ladite compagnie aérienne, et qui confère une compétence exclusive à la juridiction dans le ressort de laquelle le siège de celle-ci est situé, doit être regardée comme abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs."
Motifs : "Mais attendu qu'après avoir rappelé que la clause attributive de juridiction désignait expressément le tribunal belge dans le ressort duquel la société Celio avait son siège social pour connaître de "toute contestation relative à l'interprétation et/ou l'exécution des présentes conventions", c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de cette clause, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu qu'intégrée dans des conditions générales d'achat couvrant l'ensemble des éléments essentiels de la relation commerciale, à chacune de ses étapes, y compris au moment de sa cessation, elle devait recevoir application dans le litige opposant les parties sur les conditions dans lesquelles leurs relations avaient été rompues (…)".
Motifs : "Attendu que la société Maison Perrin fait grief à l'arrêt de déclarer les juridictions françaises incompétentes, alors, selon le moyen : 1°/ qu'en l'état d'une clause attributive de juridiction en faveur des juridictions d'un Etat membre pour statuer tant au fond qu'en matière de mesures provisoires ou conservatoires, le juge des référés d'un autre Etat membre, auquel il est demandé la mise en oeuvre de mesures provisoires ou conservatoires sur son territoire, demeure compétent sur le fondement de l'article 35 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; [...]
Mais attendu qu'après avoir relevé que la clause attributive de juridiction concernait également toutes les mesures provisoires et conservatoires, la cour d'appel en a exactement déduit, en l'absence de toute contestation sur la validité de la clause attributive de compétence, que les parties n'avaient pas entendu réserver la compétence prévue à l'article 35 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que le moyen, dont la seconde branche se trouve sans objet en raison du rejet de la première, n'est pas fondé".
Motifs : "[Qu'en rejetant l'exception d'incompétence soulevée par le vendeur domicilié en Allemagne], alors que, par une clause attributive de compétence, les parties au contrat de vente avaient désigné la juridiction du siège du vendeur pour connaître de leurs différends à naître et que cette clause, conforme aux dispositions de l'article 25 du règlement, avait créé une compétence exclusive au profit de la juridiction désignée et primait la compétence spéciale de l'article 8, § 1, du même texte concernant la pluralité de défendeurs [l'établissement de crédit finançant l'achat étant également assigné] et l'existence d'un lien de connexité avec une autre instance invoquée par l'acheteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (…)".
Motifs: "33. Il résulte [des éléments de fait] qu'il s'agit de deux conventions intimement liées, l'une [la garantie consentie par la société mère émiratie] conditionnant la seconde [la convention signée entre la filiale gabonaise et la société belge] et vice versa, les deux constituant « le Contrat », comme stipulé en préambule du CSA [“Carrier Services Agreement”, contrat de fourniture de services opérateur]. Ainsi, il n'y aurait pas de « parent company guarantee – appendix 1 » signée par la société [mère] si le contrat principal (le CSA) signé entre les sociétés [belge et gabonaise] n’existait pas, et le CSA n'aurait pas été signé si la lettre de garantie n'avait pas été accordée par la société mère, de sorte que leur existence et exécution ne se justifient que par l’économie de l’opération globale dans laquelle elles s’intègrent. Ces deux actes peuvent ainsi être qualifiés d'ensemble contractuel indivisible, auquel la société [mère] est partie.
34. De plus, la lettre de garantie prend le soin de préciser qu'elle est soumise au droit belge, mais ne précise rien quant à la juridiction compétente en cas de litige. Or, le CSA contient une clause claire et suffisamment large pour couvrir tous les litiges facilement déterminables relatifs au « Contrat » et qui précise le droit applicable d'une part, et le choix de la juridiction française d'autre part : « article 13 – Disputes. The Agreement and the relationship of the Parties in connection with the subject matter of the Agreement shall be governed by and determined in conformity with French law. Any dispute shall be brought before Paris courts. » (traduit en français par les parties : « Le Contrat et les relations entre les Parties concernant l’objet de ce dernier seront régis et définis conformément au droit français. Tout litige sera porté devant les tribunaux de Paris. »).
35. Il en résulte clairement que les parties ont entendu englober les deux contrats dans une opération unique, ce qui a pour effet de rendre opposable la clause attributive de juridiction contenue dans le Contrat (« the Agreement ») à toutes les parties, y compris à la société [mère] qui en avait accepté expressément les « termes et conditions » et en avait dès lors connaissance. La clause attributive de juridiction portant sur « tout litige » et faisant référence au « Contrat » (the Agreement) défini au §1 du CSA et visé dans la lettre de garantie, la clause attributive de juridiction est dès lors opposable à la société mère."
Motifs : "44. (…) la CJUE rappelle de manière constante qu’une clause attributive de juridiction prime sur la compétence générale de l’article 4, sur les compétences spéciales de l’article 7 et sur les compétences dérivées de l’article 8 à l’égard des parties à la clause (arrêts CJCE, 14 décembre 1976, Segoura, 25/76, pt. 6 et Salotti, 24/76, pt. 7 et récemment l’arrêt CJUE, 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C352/13, pts. 59 et suiv. et arrêt CJUE, 28 juin 2017, Leventis, affaire C-436/16, points 39 et suivants).
45. En particulier, l’article 25 prime sur l’article 8.1 du règlement concernant la pluralité de défendeurs et la pluralité des demandes.
46. L’article 8.1 est d’interprétation stricte et le risque de décisions contradictoires est réglé par différents mécanismes prévus par le règlement, notamment en cas de connexité ou de litispendance, nonobstant toute indivisibilité du litige, alléguée par la société Lamirault".
Motif 63 : "Le champ matériel d'une clause attributive de juridiction qu'il incombe au juge national devant lequel elle est invoquée de déterminer (cf. CJUE arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C - 352/13 point 67, mais aussi CJCE du 10 mars 1992. - Powell Duffryn plc contre Wolfgang Petereit. - Affaire C-214/89 et CJCE du 3 juillet 1997. - Francesco Benincasa contre Dentalkit Srl. - Affaire C-269/95), s'apprécie en fonction du lien qui existe entre le comportement dénoncé et le contrat contenant la clause attributive de juridiction".
Motif 73 : "[De l'examen des pièces, il] résulte une volonté manifeste des parties de cantonner l'objet du Protocole [contenant la convention attributive et relatif aux activités du Groupe Famar] de sorte que le litige lié au non respect des engagements qui auraient été pris, hors ce Protocole, par les banques grecques, ne saurait entrer dans le champ matériel de la clause attributive de juridiction qui y est insérée et être inclus et caractériser un litige « relatif au Protocole » ou même matérialisé dans le Protocole".
Motif 74 : "Il convient dès lors de considérer que les litiges portant sur ces deux points litigieux [relatifs à d'autres activités que celles du Groupe Famar] ne peuvent entrer dans le périmètre de la clause attributive de compétence de sorte que le tribunal de commerce de Paris, nonobstant les liens capitalistiques entre le groupe X et le Groupe Famar, ou encore la seule référence qui a pu être faite dans ce Protocole à la dette “Holdco” [du groupe X], et quand bien même celle-ci fût grevée d'un nantissement des titres de Famar SA, ne pouvait se déclarer compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes sur le fondement de la clause attributive de juridiction".
Motif 93 : "Une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat ne peut, en principe, produire ses effets que dans les rapports entre les parties qui ont donné leur accord à la conclusion de ce contrat. Pour qu'une telle clause puisse être opposable à un tiers, il est nécessaire que celui-ci ait donné son consentement à cet effet".
Motif 98 : "Il ressort [des éléments de la cause] que la société Pillarstone Europe, bien que mentionnée dans le Protocole, n'y apparaît que comme « conseil » des banques grecques [signataires], et qu'elle n'est ni partie à ce Protocole ni signataire de celui-ci, même en cette qualité de conseil".
Motif 99 : "Il s'ensuit que l'implication de la société Pillarstone Europe dans les négociations en sa qualité de conseil des banques grecques n'est pas de nature à lui rendre opposable la clause attributive de juridiction convenue dans le Protocole de conciliation, étant observé par ailleurs que celle-ci ne vient pas non plus aux droits de la société Famar SA [également signataire] dont elle n'est pas l'actionnaire".
Motif 103 : "L’article 8-1° du Règlement Bruxelles I Bis ne peut non plus conduire à désigner le tribunal de commerce de Paris puisque ce texte prévoit uniquement la possibilité d'attraire un litige, en cas de pluralité de défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un des défendeurs et qu'en l'espèce les défendeurs sont domiciliés soit en Grèce, soit au Luxembourg, soit au Royaume-Uni, aucun n’étant domicilié dans le ressort du tribunal de commerce de Paris".
Motif 104 : "Il convient en outre de considérer que cet article n'a pas vocation à être combiné avec l'article 25 dudit Règlement et ainsi permettre par un cumul des règles de compétence, le regroupement d’un litige mettant en cause une pluralité de défendeurs devant le tribunal désigné par une clause attributive de juridiction qui ne lie que certains d'entre eux".