En aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.
Aff. C-567/21, Concl. P. Pikamäe
Motif 50 : "(…), il convient de relever qu’une telle règle de droit interne de concentration des demandes est de nature procédurale et a pour objet d’éviter que les demandes liées à une seule et même relation juridique liant des parties ne donnent lieu à une multitude d’instances, tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que dans celui des parties concernées. Or, une telle règle n’a pas vocation à régir l’autorité et l’efficacité dont une décision jouit dans l’État membre où elle a été rendue, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt. Partant, ladite règle n’a pas vocation à s’appliquer aux fins de la détermination des effets attachés à une décision dont la reconnaissance est invoquée pour s’opposer à la recevabilité d’une action opposant les mêmes parties et concernant la même relation juridique qui a été introduite dans un autre État membre postérieurement à cette décision."
Motif 52 : "En tout état de cause, la Cour a rappelé que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d’attribuer aux décisions étrangères l’autorité et l’efficacité dont elles jouissent dans l’État membre où elles ont été rendues, il en va différemment au stade de l’exécution d’une décision, aux motifs que, lors de cette dernière, il n’y a aucune raison d’accorder à cette décision des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ou des effets que ne produirait pas une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, EU:C:2009:271, point 66, ainsi que du 4 octobre 2018, Società Immobiliare Al Bosco, C‑379/17, EU:C:2018:806, point 40 et jurisprudence citée)."
Motif 53 : "De même, lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle‑ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent."
Motif 54 : "Il revient à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement."
Dispositif : "L’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 36 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la reconnaissance, dans l’État membre requis, d’une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l’État membre d’origine, ait pour conséquence d’entraîner l’irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l’État membre requis au motif que la législation de l’État membre d’origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l’État membre requis susceptibles de s’appliquer une fois cette reconnaissance effectuée."
Aff. C-394/07, Concl. J. Kokott
Motif 46 : "Il convient de souligner que ces vérifications, dans la mesure où elles ne visent qu’à identifier une atteinte manifeste et démesurée au droit d’être entendu, ne sauraient impliquer un contrôle des appréciations de fond portées par la High Court, un tel contrôle constituant une révision au fond, laquelle est expressément interdite par les articles 29 et 34, troisième alinéa, de la convention de Bruxelles. La juridiction de renvoi doit se limiter à identifier les voies de droit qui étaient à la disposition de M. Gambazzi et à vérifier que ce dernier a bénéficié, dans le cadre de celles-ci, de la possibilité d’être entendu, dans le respect du contradictoire et le plein exercice des droits de la défense".
Europe 2009, comm. 261, obs. L. Idot
G. Cuniberti, La reconnaissance en France des jugements par défaut anglais - A propos de l'affaire Gambazzi-Stolzenberg, Rev. crit. DIP 2009. 685
Motifs :
"Sur le moyen relevé d'office
14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
(…)
23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.
24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables.
25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Motif : "Le juge statuant sur tierce opposition a considéré :
- que la décision du Landgericht de Koblenz du 8 mars 2006 est contraire au droit de l’Union ;
- que cette décision est aussi contraire au principe de base de la souveraineté des États membres, qui relève de l’ordre public international.
Ensuite, il a décidé qu’il y avait lieu d’appliquer l’article 34 du règlement (CE) n° 44/2001 (...) et il a refusé la reconnaissance et l’exécution de la décision précitée.
En révisant ainsi au fond la décision du Landgericht de Koblenz du 8 mars 2006 et en la contrôlant à la lumière du droit de l’Union et, ensuite, en refusant notamment sur la base de cette révision interdite, sa reconnaissance et son exécution, la décision attaquée a violé les dispositions légales indiquées au moyen, en cette branche".