1. L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l’autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié.
2. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.
3. Le présent article ne porte pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément à la présente section.
Aff. C-774/22, Concl. N. Emiliou
Motif 28 : "Si l’élément d’extranéité est manifestement présent dans l’hypothèse où au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie, le caractère international peut toutefois également résulter, ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, d’autres facteurs liés, notamment, au fond du litige."
Motif 34 : "Ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, si le rattachement entre la demande en justice et le pays étranger peut être plus au moins fort en fonction du litige en cause, l’appréciation de la question de savoir si un litige comporte un élément d’extranéité devrait demeurer suffisamment aisée pour la juridiction saisie. En l’occurrence, une affaire impliquant une demande d’un voyageur au sujet de problèmes rencontrés dans le cadre d’un voyage à l’étranger, organisé et vendu par un organisateur de voyages, doit, indépendamment de la nature précise de ces problèmes, être considérée comme présentant un caractère international aux fins du règlement n° 1215/2012, la destination du voyage étant un élément facile à vérifier et rendant le régime de compétence judiciaire applicable prévisible pour les parties."
Motif 35 : "En outre, l’interprétation de la notion d’« extranéité » telle qu’elle ressort du point 30 du présent arrêt ne saurait être remise en cause par la référence faite, à titre surabondant, par la jurisprudence antérieure de la Cour à la notion de « litige transfrontalier » qui est définie à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1896/2006, comme un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2020, Parking et Interplastics, C‑267/19 et C‑323/19, EU:C:2020:351, point 34, ainsi que du 3 juin 2021, Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria, C‑280/20, EU:C:2021:443, point 33 et jurisprudence citée)."
Motif 36 : "Ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, alors même que le règlement n° 1215/2012 et le règlement n° 1896/2006 relèvent tous les deux du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, il n’en découle pas pour autant que les dispositions du règlement n° 1215/2012 devraient être interprétées à la lumière de celles du règlement n° 1896/2006, étant donné que l’objet et le champ d’application de ces deux instruments ne sont pas équivalents."
Motif 37 : "En effet, si le règlement n° 1215/2012 vise à unifier les règles de compétence en matière civile et commerciale et que ces règles doivent, en principe, recevoir application et prévaloir sur les règles nationales de compétence (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Markt24, C‑804/19, EU:C:2021:134, points 30 et 32)), le règlement n° 1896/2006 instaure un instrument uniforme et alternatif de recouvrement de créances, sans toutefois remplacer ou harmoniser les mécanismes de recouvrement de créances prévus par le droit national (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 79, et du 13 juin 2013, Goldbet Sportwetten, C‑144/12, EU:C:2013:393, point 28)."
Motif 41 : "S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si l’article 18 du règlement n° 1215/2012 détermine la compétence tant internationale que territoriale de la juridiction concernée, il ressort du libellé même du paragraphe 1 de cet article que les règles de compétence juridictionnelles retenues par cette disposition, lorsque l’action est intentée par un consommateur, visent, d’une part, « les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée [l’autre] partie » et, d’autre part, « la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié »."
Motif 42 : "Si la première des deux règles ainsi énoncées se borne à conférer une compétence internationale au système juridictionnel de l’État désigné, pris dans son ensemble, la seconde règle confère directement une compétence territoriale à la juridiction du lieu du domicile du consommateur."
Motif 46 : "Ainsi que souligné par M. l’avocat général aux points 59 et 61 de ses conclusions, cette règle protège le consommateur en facilitant l’accès à la justice et montre la préoccupation du législateur de l’Union que le consommateur puisse être découragé d’agir en justice si la juridiction compétente, bien qu’elle soit située dans l’État membre dans lequel il vit, n’est pas celle de son domicile."
Dispositif : "L’article 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : il détermine la compétence tant internationale que territoriale de la juridiction de l’État membre dans le ressort de laquelle est domicilié le consommateur, lorsqu’une telle juridiction est saisie, par ce consommateur, d’un litige l’opposant à un organisateur de voyages à la suite de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait, et que ces deux cocontractants sont l’un et l’autre domiciliés dans cet État membre, mais que la destination du voyage se situe à l’étranger."
Motif 34 : "il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi se réfère, tant dans les motifs de la demande de décision préjudicielle que dans les questions posées elles-mêmes, alternativement au lieu de résidence et au lieu de domicile du défendeur au principal".
Motif 35 : "Or, il convient d’observer que le règlement n° 1215/2012 fait référence à la seule notion de « domicile » du défendeur, lequel constitue le critère général de rattachement permettant d’établir la compétence internationale d’une juridiction conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement".
Motif 42 : "Dans la mesure où l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 permet d’appliquer à la place des règles de compétence uniformes, établies dans ce règlement, les règles du droit de chaque État membre, la prémisse qui fonde l’application de cette disposition, à savoir l’absence du domicile du défendeur sur le territoire d’un État membre, doit être interprétée de manière stricte".
Motif 43 : "Une telle interprétation stricte est d’autant plus justifiée si le défendeur a la qualité de consommateur et bénéficie ainsi, conformément à l’article 18 du règlement n° 1215/2012, d’une protection renforcée par l’instauration d’une règle de compétence spéciale en faveur des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve son domicile. En effet, il ne saurait être exclu qu’un tel consommateur puisse encourir le risque de perdre cette protection en cas d’application des règles de compétence du droit national".
Motif 46 : "La juridiction de renvoi se demande si la jurisprudence citée aux points 44 et 45 du présent arrêt [Hypotecni banka] trouve également à s’appliquer dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle une action est intentée contre un consommateur qui n’est pas ressortissant d’un État membre, mais ressortissant d’un État tiers et dont le dernier domicile connu se trouve sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie, sans qu’il puisse être établi avec certitude que ce consommateur a quitté ce territoire vers un autre État membre ou qu’il a quitté le territoire de l’Union".
Motif 47 : "À cet égard, il convient d’observer que, ainsi qu’il est rappelé au point 35 du présent arrêt, le règlement n° 1215/2012 repose sur le critère du domicile du défendeur et non sur celui de la nationalité de celui-ci. En effet, l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement dispose que, quelle que soit leur nationalité, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites devant les juridictions de cet État".
Motif 48 : "Par conséquent, la règle de compétence fondée sur le dernier domicile connu du consommateur défendeur sur le territoire d’un État membre, visée au point 45 du présent arrêt [par référence à l'arrêt Hypotecni banka], s’applique indépendamment de la nationalité de ce consommateur [que ce dernier soit ou non national d'un Etat membre].
Motif 49 et dispositif : "Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que, lorsque le dernier domicile connu d’un défendeur, ressortissant d’un État tiers et ayant la qualité de consommateur, se trouve sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie et que celle-ci ne parvient pas à identifier le domicile actuel de ce défendeur ni ne dispose d’indices probants lui permettant de conclure que celui-ci est effectivement domicilié sur le territoire d’un autre État membre ou en dehors du territoire de l’Union européenne, la compétence pour connaître de ce litige est déterminée non pas par la loi de l’État membre dont relève cette juridiction, mais par l’article 18, paragraphe 2, de ce règlement, qui donne compétence pour connaître d’un tel litige à la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le dernier domicile connu dudit défendeur".
Motif 49 : "[L]es articles 17 à 19 font expressément référence au « contrat conclu par [...] le consommateur », au « cocontractant du consommateur », à « l’autre partie au contrat » conclu par le consommateur, ou encore aux conventions de for passées « entre le consommateur et son cocontractant » (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia, C‑215/18, EU:C:2020:235, point 59)."
Motif 50 : "Ces références militent en faveur d’une interprétation selon laquelle, pour l’application desdits articles 17 à 19, un recours introduit par un consommateur ne peut être dirigé que contre le cocontractant de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia, C‑215/18, EU:C:2020:235, point 60)."
Motif 51 : "Ainsi, la Cour a jugé que les règles de compétence établies, en matière de contrats conclus par les consommateurs, à l’article 18, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis s’appliquent, conformément au libellé de cette disposition, seulement à l’action intentée par le consommateur contre l’autre partie au contrat, ce qui implique nécessairement la conclusion d’un contrat par le consommateur avec le professionnel mis en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia, C‑215/18, EU:C:2020:235, point 61 et jurisprudence citée)."
Motif 52 : "Une interprétation selon laquelle les règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs, établies aux articles 17 à 19 du règlement Bruxelles I bis, s’appliqueraient également dans une situation dans laquelle un contrat entre le consommateur et le professionnel fait défaut ne serait pas conforme à l’objectif, exposé au considérant 15 de ce règlement, consistant à assurer un haut degré de prévisibilité quant à l’attribution de compétence (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia, C‑215/18, EU:C:2020:235, point 62)."
Motif 53 : "En effet, la possibilité, pour le consommateur, d’attraire le professionnel devant la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le domicile de ce consommateur est contrebalancée par l’exigence de la conclusion d’un contrat entre eux, dont découle cette prévisibilité pour le défendeur (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia, C‑215/18, EU:C:2020:235, point 63)."
Motif 54 : "En outre, même si la Cour a déjà jugé que la notion d’« autre partie au contrat », prévue à l’article 18, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis, doit être interprétée en ce sens qu’elle désigne également le cocontractant de l’opérateur avec lequel le consommateur a conclu ce contrat et qui a son siège sur le territoire de l’État membre du domicile de ce consommateur (arrêt du 14 novembre 2013, Maletic, C‑478/12, EU:C:2013:735, point 32), cette interprétation reposait toutefois sur des circonstances spécifiques, dans lesquelles le consommateur était d’emblée contractuellement lié, de manière indissociable, à deux cocontractants (arrêt du 26 mars 2020, Primera Air Scandinavia, C‑215/18, EU:C:2020:235, point 64 et jurisprudence citée)."
Motif 56 : "S’agissant de la question de la juridiction de renvoi relative à l’incidence du fait que l’« autre partie au contrat » appartient à un groupe de sociétés sur l’existence d’une compétence judiciaire au titre des dispositions du règlement Bruxelles I bis relatives à la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs, il convient de relever que, à l’exception de l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement, qui prévoit un critère de rattachement alternatif lorsque le cocontractant du consommateur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, les articles 17 à 19 dudit règlement ne contiennent aucun élément permettant de considérer qu’il existe un critère de rattachement fondé sur l’appartenance à un groupe de sociétés."
Motif 57 : "En outre, une interprétation de ces articles 17 à 19 permettant de tenir compte de l’appartenance du cocontractant d’un consommateur à un groupe de sociétés en autorisant ce consommateur à intenter une action devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée chaque société appartenant à ce groupe irait manifestement à l’encontre des objectifs de prévisibilité des règles de compétence prévues par le règlement Bruxelles I bis et serait, dès lors, incompatible avec le principe de sécurité juridique."
Dispositif 1) : "L’article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : l’expression « autre partie au contrat », figurant à cette disposition, doit être comprise comme visant uniquement la personne, physique ou morale, partie au contrat en cause et non d’autres personnes, étrangères à ce contrat, même si elles sont liées à cette personne."
(…)
Dispositif 2) : "L’article 63, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que : la détermination, conformément à cette disposition, du domicile de l’« autre partie au contrat », au sens de l’article 18, paragraphe 1, de ce règlement, ne constitue pas une limitation du choix pouvant être exercé par le consommateur au titre de cet article 18, paragraphe 1. À cet égard, les précisions fournies à cet article 63, paragraphe 2, concernant la notion de « siège statutaire » constituent des définitions autonomes."
Dispositif : "La notion de « domicile du consommateur » visée à l’article 18, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprétée comme désignant le domicile du consommateur à la date de l’introduction du recours juridictionnel".
Partie requérante: mBank S.A.
Partie défenderesse: PA
1) Par «domicile du consommateur» au sens de l’article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) no 1215/2012 (…), dans sa version en vigueur depuis le 10 janvier 2015, entend-on le domicile du consommateur à la date de l’introduction du recours ou à la date de la naissance du rapport d’obligation entre le consommateur et l’autre partie au contrat (donc, par exemple, à la date de la conclusion du contrat), c’est-à-dire y a-t-il un contrat conclu par un consommateur au sens de l’article 17, paragraphe 1, sous c), dudit règlement également lorsque le consommateur a déjà, à la date de l’introduction du recours, un domicile sur le territoire d’un État membre autre que celui dans lequel l’autre partie au contrat exerce une activité professionnelle ?