Reconnaissance (effets)

Civ. 1e, 19 juin 2024, n° 19-23298

Motifs :

"9. Il [se] déduit [de l’arrêt CJUE, 8 juin 2023, aff. C-567/21) que les juges de l'Etat requis, après avoir reconnu le jugement rendu dans un autre Etat membre, peuvent faire application, en tant que règle de procédure, de la règle de concentration des moyens en vigueur dans leur ordre juridique.

10. S'il résulte de la règle prétorienne [française] de concentration des moyens que le demandeur à une action en paiement doit présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier sa demande, de sorte qu'il est irrecevable à former ultérieurement la même demande contre les mêmes parties en invoquant un fondement juridique qu'il s'était précédemment abstenu de soulever, il n'y a pas lieu d'étendre son champ lorsque l'instance initiale se déroule devant une juridiction étrangère, son application étant de nature à porter une atteinte excessive au droit d'accès au juge en ce qu'elle n'est pas, dans ce contexte, suffisamment prévisible et accessible."

Brussels I (reg.44/2001)

Soc., 6 mars 2024, n° 19-20538

Motifs :

"Sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. 

Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

(…)

23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.

24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables. 

25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Brussels I (reg.44/2001)

Soc., 6 mars 2024, n° 19-20538

Motifs :

"Sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. 

Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

(…)

23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.

24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables. 

25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Brussels I (reg.44/2001)

CJUE, 8 juin 2023, BNP Paribas, Aff. C-567/21

Aff. C-567/21, Concl. P. Pikamäe

Motif 50 : "(…), il convient de relever qu’une telle règle de droit interne de concentration des demandes est de nature procédurale et a pour objet d’éviter que les demandes liées à une seule et même relation juridique liant des parties ne donnent lieu à une multitude d’instances, tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que dans celui des parties concernées. Or, une telle règle n’a pas vocation à régir l’autorité et l’efficacité dont une décision jouit dans l’État membre où elle a été rendue, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt. Partant, ladite règle n’a pas vocation à s’appliquer aux fins de la détermination des effets attachés à une décision dont la reconnaissance est invoquée pour s’opposer à la recevabilité d’une action opposant les mêmes parties et concernant la même relation juridique qui a été introduite dans un autre État membre postérieurement à cette décision."

Motif 52 : "En tout état de cause, la Cour a rappelé que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d’attribuer aux décisions étrangères l’autorité et l’efficacité dont elles jouissent dans l’État membre où elles ont été rendues, il en va différemment au stade de l’exécution d’une décision, aux motifs que, lors de cette dernière, il n’y a aucune raison d’accorder à cette décision des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ou des effets que ne produirait pas une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07EU:C:2009:271, point 66, ainsi que du 4 octobre 2018, Società Immobiliare Al Bosco, C‑379/17EU:C:2018:806, point 40 et jurisprudence citée)."

Motif 53 : "De même, lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle‑ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent."

Motif 54 : "Il revient à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement."

Dispositif : "L’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 36 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la reconnaissance, dans l’État membre requis, d’une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l’État membre d’origine, ait pour conséquence d’entraîner l’irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l’État membre requis au motif que la législation de l’État membre d’origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l’État membre requis susceptibles de s’appliquer une fois cette reconnaissance effectuée."

Brussels I (reg.44/2001)

CJUE, 8 juin 2023, BNP Paribas, Aff. C-567/21

Aff. C-567/21, Concl. P. Pikamäe

Motif 50 : "(…), il convient de relever qu’une telle règle de droit interne de concentration des demandes est de nature procédurale et a pour objet d’éviter que les demandes liées à une seule et même relation juridique liant des parties ne donnent lieu à une multitude d’instances, tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que dans celui des parties concernées. Or, une telle règle n’a pas vocation à régir l’autorité et l’efficacité dont une décision jouit dans l’État membre où elle a été rendue, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt. Partant, ladite règle n’a pas vocation à s’appliquer aux fins de la détermination des effets attachés à une décision dont la reconnaissance est invoquée pour s’opposer à la recevabilité d’une action opposant les mêmes parties et concernant la même relation juridique qui a été introduite dans un autre État membre postérieurement à cette décision."

Motif 52 : "En tout état de cause, la Cour a rappelé que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d’attribuer aux décisions étrangères l’autorité et l’efficacité dont elles jouissent dans l’État membre où elles ont été rendues, il en va différemment au stade de l’exécution d’une décision, aux motifs que, lors de cette dernière, il n’y a aucune raison d’accorder à cette décision des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ou des effets que ne produirait pas une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07EU:C:2009:271, point 66, ainsi que du 4 octobre 2018, Società Immobiliare Al Bosco, C‑379/17EU:C:2018:806, point 40 et jurisprudence citée)."

Motif 53 : "De même, lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle‑ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent."

Motif 54 : "Il revient à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement."

Dispositif : "L’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 36 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la reconnaissance, dans l’État membre requis, d’une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l’État membre d’origine, ait pour conséquence d’entraîner l’irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l’État membre requis au motif que la législation de l’État membre d’origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l’État membre requis susceptibles de s’appliquer une fois cette reconnaissance effectuée."

Brussels I (reg.44/2001)

Com., 17 févr. 2015, n° 13-18956

Motifs : "Vu l'article 23 [sic] du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001

Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, l'arrêt n° RG : 11/01602 retient qu'il appartient à la loi française de déterminer la condition de triple identité des parties, d'objet et de cause à laquelle est subordonnée l'autorité de chose jugée, que le jugement du tribunal de Tarnow (Pologne) du 18 décembre 2007 a statué sur les prétentions de la société Gabo en concurrence déloyale commise par la société Dupiré Invicta industrie et une autre société en violation de la clause d'exclusivité des contrats du 12 février 2001, et que, la triple identité de la loi française édictée à l'article 1351 du code civil n'étant pas réunie, c'est sans remettre en cause l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal polonais que la société Gabo a saisi le juge français de demandes en réparation de la mauvaise exécution du contrat du 12 février 2001 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions du règlement n° 44/2001 doivent être interprétées de manière autonome, en se référant au système et aux objectifs de celui-ci, et non selon les règles de procédure de la juridiction saisie, la cour d'appel a violé le texte susvisé"

Brussels I (reg.44/2001)

Com., 8 mars 2011, n° 09-13830

Motif : "Mais attendu que, saisie d'une demande de mesure conservatoire préalablement rejetée par une décision rendue dans un autre Etat membre, qu'elle était tenue de reconnaître en vertu de l'article 33, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, dit Bruxelles I, c'est à bon droit que la cour d'appel, refusant de substituer son appréciation sur le bien fondé de cette demande à celle déjà faite, a retenu qu'il ne pouvait être soutenu que la décision grecque n'aurait qu'une portée limitée au territoire grec"

Brussels I (reg.44/2001)

CJCE, 4 févr. 1988, Hoffmann, Aff. 145/86 [Conv. Bruxelles]

Aff. 145/86Concl. M. Darmon 

Dispositif 1 : "Une décision étrangère reconnue en vertu de l'article 26 de la convention du 27 septembre 1968 (…) doit déployer, en principe, dans l'Etat requis les mêmes effets que ceux qu'elle a dans l'Etat d'origine". 

Brussels I (reg.44/2001)

CJCE, 30 nov. 1976, De Wolf, Aff. 42/76 [Conv. Bruxelles, art. 31]

Aff. 42/76Concl. H. Mayras  

Motif 9 : "Attendu que, dès lors qu'un recours au fond est déclaré recevable, la juridiction saisie est tenue de statuer sur son bien-fondé, situation qui pourrait l'amener à se mettre en contradiction avec un jugement étranger antérieur [reconnu de plein droit] et, dès lors, à méconnaître l'obligation de reconnaître celui-ci".

Motif 10 : "Qu'il serait donc incompatible avec le sens des dispositions citées d’admettre un recours ayant le même objet et formé entre les mêmes parties qu’un recours déjà tranché par une juridiction d’un autre Etat contractant".

Motif 13 : "Attendu, enfin, qu'admettre le dédoublement de litiges au principal tel qu'il s'est produit en l'espèce, pourrait conduire à munir le créancier de deux titres exécutoires en raison d'une seule et même créance". 

Motif 14 : "Attendu que ces considérations ne sont pas infirmées par la circonstance qu'à l'occasion, selon la législation nationale applicable, la procédure visée aux articles 31 et suivants de la convention pourrait s'avérer plus coûteuse qu'une nouvelle procédure engagée sur le fond ".

Dispositif : "Les dispositions de la Convention (…) font obstacle à ce que la partie qui a obtenu dans un Etat contractant une décision judiciaire en sa faveur, laquelle peut être revêtue de la formule exécutoire en vertu de l’article 31 de la convention dans un autre Etat contractant, demande à une juridiction de celui-ci de condamner l’autre partie à ce quoi elle a été condamnée dans le premier Etat".

Brussels I (reg.44/2001)

Civ. 2e, 22 févr. 2012, n° 10-28379

Motif : "Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la décision certifiée en tant que titre exécutoire européen dans l'Etat d'origine est reconnue et exécutée dans les autres Etats membres sans qu'une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire et sans qu'il soit possible de contester sa reconnaissance, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à [rechercher si le débiteur avait été dûment informé dans la décision ou dans un document l'accompagnant des exigences de procédure relatives au recours, ce] qui était sans incidence sur la solution du litige, que les contestations formées par la société [débitrice] à l'encontre du jugement du tribunal italien étaient irrecevables".  

Titre exécutoire européen (règl. 805/2004)

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Sites de l’Union Européenne

 

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