Motif 47 : "(…), la Cour est interrogée sur la question de savoir si, dans une situation telle que celle décrite aux points 45 et 46 du présent arrêt, une personne physique peut se voir refuser la qualité de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, en raison de facteurs tels que les risques liés à la conclusion de contrat tels que les CFD, la valeur des transactions, les connaissances ou l’expertise éventuelles dont dispose cette personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif sur le marché FOREX".
Motif 48 : "À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la Cour a déjà jugé que le champ d’application des dispositions de la section 4 du chapitre II du règlement n° 1215/2012 régissant la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs s’étend à tous les types de contrats, excepté celui précisé à l’article 17, paragraphe 3, de ce règlement, à savoir le contrat de transport autre que celui qui, pour un prix forfaitaire, combine voyage et hébergement (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Pillar Securitisation, C‑694/17, EU:C:2019:345, point 42)".
Motif 49 : "Il en découle que des instruments financiers tels que les CFD ["contrats financiers pour différences "] relèvent du champ d’application des articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012".
Motif 50 : "En deuxième lieu, la Cour a précisé également que le champ d’application des dispositions de la même section 4 du chapitre II du règlement n° 1215/2012 n’est pas limité à des montants particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Pillar Securitisation, C‑694/17, EU:C:2019:345, point 42)".
Motif 51 : "En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, si les articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012 devaient être interprétés en ce sens qu’ils ne sont pas applicables aux investissements financiers importants, l’investisseur ne serait pas en mesure, dès lors que ce règlement ne fixe pas de seuil au-delà duquel le montant d’une transaction est considéré comme étant important, de savoir s’il bénéficiera de la protection octroyée par ces dispositions, ce qui serait contraire à la volonté du législateur de l’Union, exprimée au considérant 15 dudit règlement, selon lequel les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité".
Motif 52 : "Or, le règlement n° 1215/2012 poursuit un objectif de sécurité juridique qui consiste à renforcer la protection juridique des personnes établies dans l’Union européenne, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (arrêt du 4 octobre 2018, Feniks, C‑337/17, EU:C:2018:805, point 34 et jurisprudence citée)".
Motif 53 : "Il en découle, en tant que corollaire de ce qui précède et notamment du point 51 du présent arrêt, que la circonstance, relevée dans la décision de renvoi, que la conclusion des CFD soit susceptible de comporter, pour un investisseur, des risques importants en termes de pertes financières est, en tant que telle, sans pertinence pour la qualification de celui-ci en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement".
Motif 54 : "En troisième lieu, s’agissant du point de savoir si les connaissances et l’expertise d’une personne dans le domaine dont relève le contrat qu’elle a conclu, telles que celles dont dispose Mme Petruchová à l’égard des CFD dans l’affaire au principal, sont susceptibles de la priver de la qualité de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, il y a lieu de relever que, pour qu’une personne puisse se voir reconnaître cette qualité, il suffit qu’elle conclue un contrat pour un usage étranger à son activité professionnelle. À cet égard, ladite disposition n’impose pas de conditions supplémentaires".
Motif 57 : "En quatrième lieu, il convient de préciser que le comportement actif, sur le marché FOREX, d’une personne qui place ses ordres par l’intermédiaire d’une société de courtage et demeure, de ce fait, responsable du rendement de ses investissements est, en tant que tel, sans incidence sur la qualification de ladite personne en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012".
Motif 59 : "Par conséquent, s’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, dans le cadre de ses relations contractuelles avec FIBO, Mme Petruchová a effectivement agi en dehors et indépendamment de toute activité d’ordre professionnel, et d’en tirer les conséquences pour ce qui concerne la qualité de « consommateur » de celle-ci, il convient de préciser que, aux fins de cette qualification, des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats tels que les CFD, l’importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l’expertise éventuelles de Mme Petruchová dans le domaine des instruments financiers ou encore son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence".
Motif 60 : "Cela étant précisé, il y a encore lieu d’examiner, aux fins de la qualification d’une personne en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, d’une part, la pertinence de l’exclusion des instruments financiers du champ d’application de l’article 6 du règlement Rome I et, d’autre part, la pertinence de la qualité de « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, de cette personne".
Motif 63 : "S’il ressort, certes, du considérant 7 du règlement Rome I que le champ d’application matériel et les dispositions de ce règlement devraient être cohérents par rapport au règlement n° 44/2001, auquel a succédé le règlement n° 1215/2012, il n’en découle toutefois pas que les dispositions du règlement n° 1215/2012 devraient être interprétées à la lumière de celles du règlement Rome I. En aucun cas la cohérence voulue par le législateur de l’Union ne saurait conduire à donner aux dispositions du règlement n° 1215/2012 une interprétation étrangère au système et aux objectifs de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Kainz, C‑45/13, EU:C:2014:7, point 20)".
Motif 65 : "À cet égard, dans la mesure où, ainsi qu’il a été constaté aux points 48 et 49 du présent arrêt, des instruments financiers tels que des CFD relèvent du champ d’application des articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012, le fait de refuser au consommateur une protection procédurale au seul motif qu’une telle protection ne lui est pas fournie en matière de conflit de lois serait contraire aux objectifs de ce règlement".
Motif 66 : "Il s’ensuit que l’exclusion des instruments financiers du champ d’application de l’article 6 du règlement Rome I est sans incidence sur la qualification d’une personne de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012".
Motif 67 : "Deuxièmement, s’agissant de la pertinence, aux fins de cette qualification, du fait que cette personne soit un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, il convient de rappeler que cette disposition définit le « client de détail » comme étant « un client qui n’est pas professionnel ». En vertu du point 11 de cet article 4, paragraphe 1, un client professionnel est « tout client respectant les critères prévus à l’annexe II » de ladite directive".
Motif 76 : "En conséquence, bien qu’il ne puisse pas être exclu qu’un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, puisse être qualifié de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, s’il est une personne physique agissant en dehors de toute activité commerciale, ces deux notions, compte tenu des différences quant à leur portée et aux objectifs poursuivis par les dispositions les prévoyant, ne se recouvrent pas parfaitement".
Motif 77 : "Il s’ensuit que la qualité de « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, d’une personne est, en tant que telle, en principe sans incidence aux fins de la qualification de celle-ci en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012".
Dispositif (et motif 78) : "L’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu’une personne physique qui, en vertu d’un contrat tel qu’un contrat financier pour différences conclu avec une société de courtage, effectue des opérations sur le marché international des changes FOREX (Foreign Exchange) par l’intermédiaire de cette société doit être qualifiée de « consommateur », au sens de cette disposition, si la conclusion de ce contrat ne relève pas de l’activité professionnelle de cette personne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Aux fins de cette qualification, d’une part, des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats tels que les contrats financiers pour différences, l’importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l’expertise éventuelles de ladite personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence et, d’autre part, le fait que les instruments financiers ne relèvent pas de l’article 6 du règlement (CE) n° 593/2008 (…) (Rome I), ou que cette personne soit un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, est, en tant que tel, en principe sans incidence".