LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 61, point c),
vu la proposition de la Commission,
vu l'avis du Comité économique et social européen1,
statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité2
considérant ce qui suit:
(1) La Communauté s'est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel la libre circulation des personnes est assurée. Pour la mise en place progressive de cet espace, la Communauté doit adopter, entre autres, des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontalière et qui sont nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur.
(2) Selon l'article 65, point c), du traité, ces mesures doivent viser à éliminer les obstacles au bon déroulement des procédures civiles, au besoin en favorisant la compatibilité des règles de procédure civile applicables dans les États membres.
(3) Le Conseil européen réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 a invité le Conseil et la Commission à élaborer de nouvelles dispositions législatives concernant les éléments qui contribuent à faciliter la coopération judiciaire et à améliorer l'accès au droit et, dans ce contexte, a expressément fait mention des injonctions de payer.
(4) Le 30 novembre 2000, le Conseil a adopté, en commun avec la Commission, un programme de mesures sur la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale3. Dans certains domaines, notamment celui des créances incontestées, ce programme prévoit la possibilité d'instaurer dans la Communauté une procédure spécifique, uniforme ou harmonisée, en vue d'obtenir une décision judiciaire. Il y a été donné suite avec le programme de La Haye, adopté par le Conseil européen le 5 novembre 2004, qui préconise que les travaux sur la procédure européenne d'injonction de payer soient poursuivis avec détermination.
(5) Le 20 décembre 2002, la Commission a adopté un Livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance. La publication de ce Livre vert a marqué le lancement d'une consultation sur les objectifs et caractéristiques que devrait avoir une procédure européenne uniforme ou harmonisée de recouvrement des créances incontestées.
(6) Le recouvrement rapide et efficace des créances qui ne font l'objet d'aucune contestation juridique revêt une importance primordiale pour les opérateurs économiques de l'Union européenne, car les retards de paiement sont une des principales causes d'insolvabilité, qui menace la pérennité des entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, et qui provoque de nombreuses pertes d'emplois.
(7) Tous les États membres cherchent à résoudre le problème des multiples recouvrements de créances incontestées, la plupart en élaborant une procédure simplifiée d'injonction de payer, mais le contenu de la législation interne et l'efficacité des procédures nationales varient considérablement d'un État membre à l'autre. De surcroît, les procédures actuelles sont souvent soit irrecevables, soit impraticables dans des litiges transfrontaliers.
(8) Les entraves à l'accès à une justice efficace qui en résultent dans les litiges transfrontaliers, ainsi que les distorsions de concurrence au sein du marché intérieur causées par l'inégale efficacité des outils procéduraux mis à la disposition des créanciers dans les différents États membres, rendent nécessaire la mise en place d'une législation communautaire garantissant des conditions identiques aux créanciers et débiteurs dans l'ensemble de l'Union européenne.
(9) Le présent règlement a pour objet de simplifier, d'accélérer et de réduire les coûts de procédure dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d'injonction de payer, et d'assurer la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l'ensemble des États membres en établissant des normes minimales dont le respect rend inutile toute procédure intermédiaire dans l'État membre d'exécution préalablement à la reconnaissance et à l'exécution.
(10) La procédure instituée par le présent règlement devrait constituer un instrument complémentaire et facultatif pour le demandeur, qui demeure libre de recourir à une procédure prévue par le droit national. En conséquence, le présent règlement ne remplace ni n'harmonise les mécanismes de recouvrement de créances incontestées prévus par le droit national.
(11) La procédure devrait se fonder, dans toute la mesure du possible, sur l'utilisation de formulaires types pour toute communication entre la juridiction et les parties afin d'en faciliter le déroulement et de permettre l'utilisation de l'informatique.
(12) Lorsqu'ils décident des juridictions compétentes pour délivrer une injonction de payer européenne, les États membres devraient tenir dûment compte de la nécessité de garantir l'accès à la justice.
(13) Le demandeur devrait être tenu de fournir, dans la demande d'injonction de payer européenne, des informations suffisamment précises pour identifier et justifier clairement la créance afin de permettre au défendeur de décider en connaissance de cause soit de s'y opposer, soit de ne pas la contester.
(14) Dans ce cadre, le demandeur devrait être tenu de fournir une description des éléments de preuve à l'appui de la créance. À cet effet, le formulaire de demande devrait comporter une liste aussi exhaustive que possible des éléments de preuve habituellement produits à l'appui de créances pécuniaires.
(15) L'introduction d'une demande d'injonction de payer européenne devrait entraîner le paiement de tous les frais de justice applicables.
(16) La juridiction devrait examiner la demande, y compris la question de la compétence et la description des éléments de preuve, sur la base des informations fournies dans le formulaire de demande. Elle devrait ainsi être en mesure d'examiner prima facie le bien-fondé de la demande et notamment de rejeter les demandes manifestement non fondées ou irrecevables. Cet examen ne devrait pas nécessairement être effectué par un juge
(17) Le rejet de la demande n'est pas susceptible de recours. Cela n'exclut toutefois pas un éventuel réexamen de la décision rejetant la demande au même degré de juridiction conformément au droit national.
(18) L'injonction de payer européenne devrait informer le défendeur qu'il peut payer au demandeur le montant fixé, ou former opposition dans un délai de trente jours s'il entend contester la créance. Outre qu'il devrait recevoir des informations complètes relatives à la créance fournies par le demandeur, le défendeur devrait être averti de l'importance en droit de l'injonction de payer européenne et, notamment, des conséquences qu'aurait le fait de ne pas contester la créance.
(19) Eu égard aux différences entre les règles de procédure civile des États membres et notamment celles qui régissent la signification et la notification des actes, il y a lieu de donner une définition précise et détaillée des normes minimales qui devraient s'appliquer dans le cadre de la procédure européenne d'injonction de payer. En particulier, en ce qui concerne le respect de ces normes, un mode de signification ou de notification de l'injonction de payer européenne qui serait fondé sur une fiction juridique ne devrait pas pouvoir être jugé suffisant.
(20) Tous les modes de signification et notification visés aux articles 13 et 14 se caractérisent soit par une certitude absolue (article 13) soit par un très haut degré de probabilité (article 14) que l'acte signifié ou notifié est parvenu à son destinataire.
(21) La notification ou signification à personne adressée à des personnes autres que le défendeur, conformément à l'article 14, paragraphe 1, points a) et b), ne devrait être réputée conforme aux exigences de ces dispositions que si lesdites personnes ont effectivement accepté/reçu l'injonction de payer européenne.
(22) L'article 15 devrait s'appliquer aux situations dans lesquelles le défendeur ne peut pas se représenter lui-même en justice, par exemple dans le cas d'une personne morale, et dans lesquelles une personne habilitée à le représenter est désignée par la loi, ainsi qu'aux situations dans lesquelles le défendeur a autorisé une autre personne, notamment un avocat, à le représenter dans la procédure judiciaire en question.
(23) Pour former opposition, le défendeur peut utiliser le formulaire type établi par le présent règlement. Toutefois, les juridictions devraient tenir compte de toute autre forme écrite d'opposition si celle-ci est clairement exprimée.
(24) Une opposition formée dans le délai imparti devrait mettre un terme à la procédure européenne d'injonction de payer et entraîner le passage automatique du litige à la procédure civile ordinaire, sauf si le demandeur a expressément demandé l'arrêt de la procédure dans cette éventualité. Aux fins du présent règlement, le concept de "procédure civile ordinaire" ne devrait pas nécessairement être interprété au sens du droit national.
(25) Après l'expiration du délai prévu pour former opposition, le défendeur devrait avoir le droit, dans certains cas exceptionnels, de demander un réexamen de l'injonction de payer européenne. Le droit de demander un réexamen dans des circonstances exceptionnelles ne devrait pas signifier que le défendeur dispose d'une deuxième possibilité de s'opposer à la créance. Au cours de la procédure de réexamen, l'évaluation du bien-fondé de la créance devrait se limiter à l'examen des moyens découlant des circonstances exceptionnelles invoquées par le défendeur. Les autres circonstances exceptionnelles pourraient notamment désigner le cas où l'injonction de payer européenne était fondée sur de fausses informations fournies dans le formulaire de demande.
(26) Les frais de justice visés à l'article 25 ne devraient pas comprendre, par exemple, les honoraires d'avocat ou les frais de signification ou de notification des documents lorsque celle-ci est effectuée par une entité autre qu'une juridiction.
(27) Une injonction de payer européenne délivrée dans un État membre et devenue exécutoire devrait être traitée, aux fins de l'exécution, comme si elle avait été délivrée dans l'État membre dans lequel l'exécution est demandée. La confiance mutuelle dans l'administration de la justice dans les États membres fait qu'une juridiction d'un État membre peut considérer que toutes les conditions de délivrance d'une injonction de payer européenne sont remplies pour permettre l'exécution de l'injonction dans tous les autres États membres, sans contrôle 2juridictionnel de l'application correcte des normes minimales de procédure dans l'État membre où l'injonction doit être exécutée. Sans préjudice des dispositions du présent règlement, en particulier des normes minimales établies à l'article 22, paragraphes 1 et 2, et à l'article 23, les procédures d'exécution de l'injonction de payer européenne devraient continuer à être régies par le droit national.
(28) Aux fins du calcul des délais, le règlement (CEE, Euratom) n° 1182/71 du Conseil du 3 juin 1971 portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes4 devrait être applicable. Il conviendrait d'en informer le défendeur et de ce qu'il sera tenu compte des jours fériés dans l'État membre dans lequel la juridiction qui délivre l'injonction de payer européenne est située.
(29) Étant donné que l'objectif du présent règlement, à savoir l'instauration d'un mécanisme rapide et uniforme de recouvrement des créances pécuniaires incontestées dans l'ensemble de l'Union européenne, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions ou des effets du règlement, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, le présent règlement n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
(30) Les mesures nécessaires pour la mise en œuvre du présent règlement devraient être arrêtées en conformité avec la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission5.
(31) Conformément à l'article 3 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Royaume-Uni et l'Irlande ont notifié leur souhait de participer à l'adoption et à l'application du présent règlement.
(32) Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Danemark annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Danemark ne participe pas à l'adoption du présent règlement et n'est pas lié par celui-ci ni soumis à son application,
ONT ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:
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