Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 4 juill. 2019, RG n° 19/08038

"Sur la validité de la clause attributive de juridiction au regard du droit anglais ;"

Motif 34 : "Il ressort de l'article 25.1 du règlement n°1215/2012 précité que la compétence de la juridiction d'un État membre désignée par la clause attributive de compétence s'impose sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre."

Motif 35 : "Il appartient en conséquence à la cour d'apprécier la validité, quand au fond, de la clause attributive de juridiction au regard en l'espèce du droit anglais dont la société Anju soutient qu'il doit conduire à prononcer la nullité de la clause sur le fondement de la doctrine tant de la contrainte économique (« economic duress ») que de l'influence indue (« undue influence »)."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 4 juill. 2019, RG n° 19/08038

Motif 29 : "En l'état de ce contrat de distribution non exclusive conclu entre les parties quatre ans avant la rupture des relations et régissant les rapports entre celles-ci depuis 2013, il convient de considérer que l'action en réparation des préjudices subis du fait de la prétendue rupture brutale des relations commerciales établies est un différend né de la relation des parties et à ce titre, se rattache à la matière contractuelle et que ce faisant les demandes fondées sur les articles L. 442-6, I , 5° du code de commerce relèvent donc de la clause attributive de juridiction susvisée."

Motif 30 : "De même, à l'instar de ce qui a été jugé par la Cour de justice de l'Union européenne le 24 octobre 2018 (CJUE C-595/17 – affaire Apple Sale International c. MJA), l'application d'une clause attributive de juridiction contenue dans un contrat liant les parties n'est pas exclue à l'égard d'une action en dommages et intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement des articles L. 420-1 du code de commerce et de l'article 102 TFUE, au seul motif que cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence."

Motif 31 : "En l'espèce, il convient d'observer d'une part, que l'action tendant à voir caractérisé l'abus de position dominante allégué par la société Anju se matérialise dans la relation contractuelle que la société Unilever a nouée avec celle-là dans un premier temps sans contrat de distribution puis à partir du 3 juin 2013 au moyen du contrat de distribution non exclusive conclu entre les parties".

Motif 32 : "D'autre part, en visant expressément les litiges qui « soient de nature contractuelle ou non, telle que des réclamations en responsabilité civile délictuelle pour violation d'une loi, d'un règlement ou autre », la clause litigieuse est suffisamment précise pour englober les actions en réparation de comportements anticoncurrentiels, tels que l'abus de position dominante."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 18 nov. 2020, Ryanair DAC [c. DelayFix], Aff. C-519/19

Motif 49 : "Selon l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, les juridictions désignées dans la clause attributive de juridiction sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond, « selon le droit de cet État membre ». Le législateur de l’Union a ainsi introduit la règle selon laquelle la validité d’une clause attributive de juridiction s’apprécie en vertu de la législation de l’État dont les juridictions sont désignées dans cette clause."

Motif 50 : "En l’occurrence, si la juridiction de renvoi examine la validité de la clause attributive de juridiction, il lui appartient, par conséquent, de le faire au regard de la législation de l’État dont les juridictions sont désignées dans cette clause, c’est-à-dire au regard du droit irlandais."

Motif 51 : "Par ailleurs, il incombe à la juridiction saisie d’un litige, tel que celui au principal, d’appliquer la législation de l’État dont les juridictions sont désignées dans ladite clause, en interprétant cette législation conformément au droit de l’Union, et notamment à la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14EU:C:2016:283, point 79, ainsi que du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C‑147/16EU:C:2018:320, point 41)." 

Dispositif (et motif 63) : "L’article 25 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, pour contester la compétence d’une juridiction pour connaître d’un recours indemnitaire formé sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, et dirigé contre une compagnie aérienne, une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat de transport conclu entre un passager et cette compagnie aérienne ne peut être opposée par cette dernière à une société de recouvrement à laquelle le passager a cédé sa créance, à moins que, selon la législation de l’État dont les juridictions sont désignées dans cette clause, cette société de recouvrement n’ait succédé au contractant initial dans tous ses droits et obligations, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Le cas échéant, une telle clause, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat conclu entre un consommateur, à savoir le passager aérien, et un professionnel, à savoir ladite compagnie aérienne, et qui confère une compétence exclusive à la juridiction dans le ressort de laquelle le siège de celle-ci est situé, doit être regardée comme abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 18 nov. 2020, Ryanair DAC [c. DelayFix], Aff. C-519/19

Motif 40 : "(…)  l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 ne précise pas si une clause attributive de juridiction peut être cédée, au‑delà du cercle des parties à un contrat, à un tiers, partie à un contrat ultérieur et successeur, en tout ou partie, aux droits et aux obligations de l’une des parties au contrat initial (arrêts du 7 février 2013, Refcomp, C‑543/10EU:C:2013:62, point 25, et du 20 avril 2016, Profit Investment SIM, C‑366/13EU:C:2016:282, point 23).

(…)

Motif 47 : "Ce n’est que dans le cas où, conformément au droit national applicable au fond, le tiers aurait succédé au contractant initial dans tous ses droits et obligations qu’une clause attributive de juridiction à laquelle ce tiers n’a pas consenti pourrait néanmoins le lier (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C‑352/13EU:C:2015:335, point 65 et jurisprudence citée)."

(…)

Dispositif (et motif 63) : "L’article 25 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, pour contester la compétence d’une juridiction pour connaître d’un recours indemnitaire formé sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, et dirigé contre une compagnie aérienne, une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat de transport conclu entre un passager et cette compagnie aérienne ne peut être opposée par cette dernière à une société de recouvrement à laquelle le passager a cédé sa créance, à moins que, selon la législation de l’État dont les juridictions sont désignées dans cette clause, cette société de recouvrement n’ait succédé au contractant initial dans tous ses droits et obligations, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Le cas échéant, une telle clause, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat conclu entre un consommateur, à savoir le passager aérien, et un professionnel, à savoir ladite compagnie aérienne, et qui confère une compétence exclusive à la juridiction dans le ressort de laquelle le siège de celle-ci est situé, doit être regardée comme abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 24 nov. 2020, Wikingerhof, Aff. C-59/19

Aff. C-59/19, Concl. H. Saugsmandsgaard Øe

(le lien est extern

Motif 32 : "(…) une action relève de la matière contractuelle, au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012, si l’interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché au premier par le second (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014, Brogsitter, C-548/12, EU:C:2014:148, point 25). Tel est notamment le cas d’une action dont le fondement repose sur les stipulations d’un contrat ou sur des règles de droit qui sont applicables en raison de ce contrat (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a., C‑47/14, EU:C:2015:574, point 53, ainsi que du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, points 30 à 33)." 

Motif 33 : "En revanche, lorsque le demandeur invoque, dans sa requête, les règles de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, à savoir la violation d’une obligation imposée par la loi, et qu’il n’apparaît pas indispensable d’examiner le contenu du contrat conclu avec le défendeur pour apprécier le caractère licite ou illicite du comportement reproché à ce dernier, cette obligation s’imposant au défendeur indépendamment de ce contrat, la cause de l’action relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012."

Motif 34 : "En l’occurrence, Wikingerhof se prévaut, dans sa requête, d’une violation du droit de la concurrence allemand, qui prévoit une interdiction générale de commettre un abus de position dominante, indépendante de tout contrat ou autre engagement volontaire. Concrètement, elle estime qu’elle n’a pas eu d’autre choix que de conclure le contrat en cause et de subir l’effet des modifications ultérieures des conditions générales de Booking.com en raison de la position de force détenue par cette dernière sur le marché pertinent, alors même que certaines pratiques de Booking.com sont inéquitables." 

Motif 35 : "Ainsi, la question de droit au cœur de l’affaire au principal est celle de savoir si Booking.com a commis un abus de position dominante, au sens dudit droit de la concurrence. Or, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 122 et 123 de ses conclusions, pour déterminer le caractère licite ou illicite au regard de ce droit des pratiques reprochées à Booking.com, il n’est pas indispensable d’interpréter le contrat liant les parties au principal, une telle interprétation étant tout au plus nécessaire afin d’établir la matérialité desdites pratiques."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 24 nov. 2020, Wikingerhof, Aff. C-59/19

Aff. C-59/19, Concl. H. Saugsmandsgaard Øe

(le lien est extern

Motif 32 : "(…) une action relève de la matière contractuelle, au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012, si l’interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché au premier par le second (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014, Brogsitter, C-548/12, EU:C:2014:148, point 25). Tel est notamment le cas d’une action dont le fondement repose sur les stipulations d’un contrat ou sur des règles de droit qui sont applicables en raison de ce contrat (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a., C‑47/14, EU:C:2015:574, point 53, ainsi que du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, points 30 à 33)." 

Motif 33 : "En revanche, lorsque le demandeur invoque, dans sa requête, les règles de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, à savoir la violation d’une obligation imposée par la loi, et qu’il n’apparaît pas indispensable d’examiner le contenu du contrat conclu avec le défendeur pour apprécier le caractère licite ou illicite du comportement reproché à ce dernier, cette obligation s’imposant au défendeur indépendamment de ce contrat, la cause de l’action relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012."

Motif 34 : "En l’occurrence, Wikingerhof se prévaut, dans sa requête, d’une violation du droit de la concurrence allemand, qui prévoit une interdiction générale de commettre un abus de position dominante, indépendante de tout contrat ou autre engagement volontaire. Concrètement, elle estime qu’elle n’a pas eu d’autre choix que de conclure le contrat en cause et de subir l’effet des modifications ultérieures des conditions générales de Booking.com en raison de la position de force détenue par cette dernière sur le marché pertinent, alors même que certaines pratiques de Booking.com sont inéquitables." 

Motif 35 : "Ainsi, la question de droit au cœur de l’affaire au principal est celle de savoir si Booking.com a commis un abus de position dominante, au sens dudit droit de la concurrence. Or, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 122 et 123 de ses conclusions, pour déterminer le caractère licite ou illicite au regard de ce droit des pratiques reprochées à Booking.com, il n’est pas indispensable d’interpréter le contrat liant les parties au principal, une telle interprétation étant tout au plus nécessaire afin d’établir la matérialité desdites pratiques."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 11 nov. 2020, Ellmes Property Services Limited, Aff. C-433/19

Aff. C-433/19Concl. M. Szpunar

Dispositif 1 (et motif 33) : "L’article 24, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu’une action par laquelle un copropriétaire d’un immeuble tend à faire interdire à un autre copropriétaire de cet immeuble de modifier, arbitrairement et sans l’accord des autres copropriétaires, l’affectation de son bien en copropriété, telle que prévue par un contrat de copropriété, doit être regardée comme constituant une action « en matière de droits réels immobiliers », au sens de cette disposition, à la condition que cette affectation soit opposable non seulement aux copropriétaires dudit immeuble, mais également à tous, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 30 sept. 2020, n° 18-19241

Motifs : "(…) 

22. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que les dispositions des articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012 régissant la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs s’appliquent à tous les types de contrats, excepté celui précisé à l’article 17, § 3, de ce règlement (CJUE, 3 octobre 2019, I... K... , C-208/18, point 48 ; 2 mai 2019, Pillar Securitisation, C-694/17, point 42), de sorte que les contrats de prestation de services juridiques entrent dans leur champ d’application. 

23. Après avoir constaté que la société PWC est une société de droit espagnol, l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu’elle appartient à un réseau international d’entités d’avocats qui exercent leurs services professionnels sous la marque « PWC » et qu’elle est membre de la société de droit anglais Pricewaterhouse Coopers International limited. Il retient, ensuite, que celle-ci indique sur son site Internet le préfixe international de son numéro d’appel de l’étranger et présente son service juridique PWC Tax & Legal services comme étant le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, présent dans des centaines de marchés, tant nationaux qu’internationaux. Il ajoute, enfin, que celle-ci offre à sa clientèle les services d’avocats français, dont celui qui, se présentant comme spécialiste des relations hispano-françaises, a été le co-signataire de l’offre de services adressée à Mme Y... .

24. En l’état de ces énonciations et constatations faisant ressortir que la société d’avocats PWC dirigeait son activité professionnelle au-delà de la sphère territoriale de son barreau de rattachement, en proposant ses services à une clientèle internationale, domiciliée notamment en France, de sorte qu’en sa qualité de consommateur, Mme Y... , domiciliée en France, pouvait porter son action devant les juridictions françaises, la cour d’appel a légalement justifié sa décision. (…)".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 3 sept. 2020, Supreme Site Services, Aff. C-186/19

Aff.  C-186/19, Concl. H. Saugmandsgaard Øe

Motif 72 : "Selon la jurisprudence de la Cour, relèvent du champ d’application de l’article 24, point 5, du règlement n° 1215/2012 les actions qui visent à faire trancher une contestation relative au recours à la force, à la contrainte ou à la dépossession de biens meubles et immeubles en vue d’assurer la mise en œuvre matérielle des décisions et des actes (arrêt du 10 juillet 2019, Reitbauer e.a., C‑722/17, point 52)".

Motif 73 : "En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le SHAPE ne conteste pas les mesures prises par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, en application de la convention bilatérale de 1925, afin de procéder à l’exécution des décisions respectivement du 12 juin 2017 du rechtbank Limburg (tribunal de Limbourg) et du 27 juin 2017 du Gerechtshof ‘s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc), mais demande à la juridiction de renvoi de procéder à la mainlevée de la saisie-arrêt conservatoire décidée antérieurement dans le cadre d’une procédure ex parte par le rechtbank Limburg (tribunal de Limbourg) ainsi qu’à l’interdiction de la pratiquer de nouveau sur le fondement de mêmes faits. Or, force est de constater qu’une procédure telle que celle au principal, qui n’est pas en soi relative à l’exécution de décisions au sens de l’article 24, point 5, du règlement n° 1215/2012 n’est pas couverte par le champ d’application de cette disposition et ne relève donc pas de la compétence exclusive des juridictions de l’État membre dans lequel la saisie-arrêt conservatoire a été exécutée".

Dispositif 2 (et motif 75) : "L’article 24, point 5, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une action en référé, introduite devant une juridiction d’un État membre, dans le cadre de laquelle une organisation internationale invoque son immunité d’exécution afin d’obtenir tant la mainlevée d’une saisie-arrêt conservatoire, exécutée dans un État membre autre que celui du for, que l’interdiction de pratiquer de nouveau une telle saisie sur le fondement de mêmes faits ne relève pas de la compétence exclusive des juridictions de l’État membre dans lequel la saisie-arrêt conservatoire a été exécutée".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 3 sept. 2020, Supreme Site Services, Aff. C-186/19

Aff.  C-186/19, Concl. H. Saugmandsgaard Øe

Motif 58 : "En troisième lieu, se pose la question de savoir si l’invocation, dans le cadre d’un litige, par une organisation internationale du privilège tiré de l’immunité d’exécution exclut d’office ce litige du champ d’application du règlement n° 1215/2012".

Motif 61 : "Cette jurisprudence [citant essentiellement l'arrêt Rina, points 56 et 58, évoquant le critère essentiel des actes et des prérogatives de puissance publique] portant sur l’immunité juridictionnelle des États et des organismes de droit privé est transposable dans le cas où le privilège tiré de l’immunité est invoqué par une organisation internationale, indépendamment de la question de savoir s’il s’agit de l’immunité juridictionnelle ou de l’immunité d’exécution. La circonstance que, à la différence de l’immunité juridictionnelle des États, fondée sur le principe par in parem non habet imperium (arrêt du 7 mai 2020, Rina, C641/18, point 56 et jurisprudence citée), les immunités des organisations internationales sont, en principe, conférées par les traités constitutifs de ces organisations n’est pas de nature à remettre en cause cette interprétation".

Motif 62 : "Dès lors, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 72 de ses conclusions, le privilège de l’immunité invoqué par une organisation internationale en vertu du droit international ne constitue pas d’office un obstacle à l’application du règlement n° 1215/2015". 

Motif 63 : "Par conséquent, afin de déterminer si un litige impliquant une organisation internationale ayant invoqué le privilège tiré de l’immunité d’exécution relève ou non du champ d’application matériel de ce règlement, il y a lieu d’examiner si, au regard des critères mentionnés au point 55 du présent arrêt, cette organisation exerce des prérogatives de puissance publique".

Motif 64 : "À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 67 de ses conclusions, le seul fait que le juge national déclare avoir une compétence internationale, au regard des dispositions du règlement n° 1215/2012, ne porte pas atteinte à la protection de l’immunité invoquée, sur le fondement du droit international, par l’organisation internationale partie à ce litige". 

Motif 65 : "En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que l’objet de la saisie-arrêt conservatoire, dont la mainlevée a été demandée par l’action en référé au principal, consistait à assurer la sauvegarde des droits de créance nés d’un rapport juridique de nature contractuelle, à savoir des accords BOA conclus entre le SHAPE et les sociétés Supreme. Ces accords, bien qu’ils portent sur la fourniture de carburants au SHAPE pour les besoins d’une opération militaire dirigée par l’OTAN pour le maintien de la paix et de la sécurité en Afghanistan, fondent, entre les parties au principal, un rapport juridique de droit privé dans le cadre duquel celles-ci ont assumé des droits et des obligations librement consentis". 

Motif 66 : "L’utilisation ultérieure faite par le SHAPE des carburants fournis dans le cadre de l’exécution des accords BOA n’est pas, ainsi qu’il a été soutenu par la Commission dans ses observations écrites et qu’il a été également relevé par M. l’avocat général au point 103 de ses conclusions, de nature à influer sur la nature d’un tel rapport juridique. En effet, la finalité publique de certaines activités ne constitue pas, en soi, un élément suffisant pour qualifier ces activités comme étant accomplies iure imperii, dans la mesure où elles ne correspondent pas à l’exercice de pouvoirs exorbitants au regard des règles applicables dans les relations entre les particuliers (arrêt du 7 mai 2020, Rina, C641/18, point 41 et jurisprudence citée)".

Motif 67 : "En ce qui concerne le fondement et les modalités d’exercice de l’action intentée, il convient, également, d’observer que la mainlevée de la saisie-arrêt conservatoire est poursuivie devant la juridiction de renvoi au moyen d’une action en référé qui trouve son fondement dans les règles de droit commun, à savoir l’article 705, paragraphe 1, du code de procédure civile.". 

Dispositif 1 (et motif 69) : "L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu’une action en référé, introduite devant une juridiction d’un État membre, dans le cadre de laquelle une organisation internationale invoque son immunité d’exécution afin d’obtenir tant la mainlevée d’une saisie-arrêt conservatoire, exécutée dans un État membre autre que celui du for, que l’interdiction de pratiquer de nouveau une telle saisie sur le fondement de mêmes faits, et engagée parallèlement à une procédure au fond portant sur une créance résultant du non-paiement allégué de carburants fournis pour les besoins d’une opération de maintien de la paix assurée par cette organisation, relève de la notion de « matière civile ou commerciale », pour autant que cette action n’est pas exercée en vertu de prérogatives de puissance publique, au sens du droit de l’Union, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

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