Dommage

Concl., 12 juin 2025, sur Q. préj. (AT), 1er févr. 2024, NM, OU c. TE [Wunner], Aff. C-77/24

1) L’article 1er, paragraphe 2, sous d), du (…) « règlement Rome II » doit-il être interprété en ce sens qu’il vise également les actions en réparation qu’un créancier d’une société forme à l’encontre d’un organe de cette société au titre de la responsabilité délictuelle, du fait de la violation, par ledit organe, de lois de protection (Schutzgesetze) (telles que des dispositions de la législation sur les jeux de hasard) ?

2) En cas de réponse négative à la première question :

Concl. de l'AG M. Szpunar:

77. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) : 

Français

CJUE, 5 sept. 2024, HUK-COBURG, Aff. C-86/23

Motif 31 : "[En premier lieu, l'article 16 est une dérogation à la loi applicable]. En outre, l’objectif poursuivi par le règlement Rome II consiste notamment, ainsi qu’il ressort de ses considérants 6, 14 et 16, à garantir la sécurité quant au droit applicable quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite et à améliorer la prévisibilité des décisions de justice ainsi qu’à assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée [arrêt du 17 mai 2023, Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions (FGTI), C‑264/22, EU:C:2023:417, point 30]. Partant, une interprétation extensive de l’article 16 du règlement Rome II irait à l’encontre de cet objectif".

Motif 32 : "D’autre part, il ressort du libellé de cet article 16 que la dérogation qu’il prévoit s’applique lorsque les dispositions de la loi du for « régissent impérativement la situation »".

Motif 33 : "Néanmoins, pour que de telles dispositions puissent trouver application et justifier le recours audit article 16, il est nécessaire que la situation juridique soumise à l’examen de la juridiction nationale présente des liens suffisamment étroits avec l’État membre du for".

Motif 35 : "Ainsi, si ladite situation juridique présente des liens de rattachement avec plusieurs États membres, il est possible que ladite juridiction doive constater, notamment compte tenu des liens de rattachement de la même situation juridique avec l’État membre dont la loi est désignée en vertu des règles de conflit de lois, l’absence de liens suffisamment étroits avec l’État membre du for".

Motif 41 : "[En deuxième lieu, la notion de "disposition impérative dérogatoire" de l'article 16 est identique à celle de "loi de police" de l'article 9 Rome I]. L’application d’une telle disposition exige donc que la juridiction nationale vérifie, d’une part, outre les termes et l’économie générale de la disposition nationale supposément impérative, les motifs et les objectifs qui ont mené à son adoption, en vue de déterminer si le législateur national avait l’intention de conférer à celle-ci un caractère impératif. Ainsi, cette juridiction doit examiner si cette disposition a été adoptée en vue de protéger un ou plusieurs intérêts que l’État membre du for considère comme essentiels et si le respect de ladite disposition est jugé crucial par ledit État membre pour la sauvegarde de ces intérêts".

Motif 42 : "D’autre part, il doit résulter de l’appréciation, par la juridiction nationale, de la situation juridique dont elle est saisie que l’application de la même disposition s’avère absolument nécessaire pour protéger l’intérêt essentiel concerné dans le contexte du cas d’espèce".

Motif 44 : "En troisième lieu, il convient d’observer que le recours, par les juridictions des États membres, aux lois de police n’est possible que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, ainsi que l’énonce le considérant 32 du règlement Rome II, « des considérations d’intérêt public » le justifient. À cet égard, il ressort de la définition de la notion de « loi de police », rappelée au point 38 du présent arrêt, laquelle, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 37 de celui-ci, revêt une portée identique à celle de « disposition impérative dérogatoire », visée à l’article 16 de ce règlement, qu’une telle loi ou disposition doit nécessairement tendre à la protection d’intérêts publics d’une importance particulière, tels que ceux relatifs à l’organisation politique, sociale ou économique de l’État membre du for. Sont concernés des intérêts jugés essentiels par cet État membre, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 39 du présent arrêt".

Motif 46 : "Toutefois, eu égard à la définition de la notion de « loi de police », des dispositions nationales qui viseraient à protéger des intérêts individuels ne sauraient être appliquées, par une juridiction nationale, au titre de « dispositions impératives dérogatoires » que pour autant que l’analyse circonstanciée à laquelle elle est tenue de procéder fasse clairement apparaître que la protection des intérêts individuels d’une catégorie de personnes, à laquelle tendent ces dispositions nationales, correspond à un intérêt public essentiel dont elles assurent la sauvegarde. Comme M. l’avocat général l’a souligné au point 62 de ses conclusions, l’existence d’un lien suffisant avec un tel intérêt public qui est jugé essentiel au sein de l’ordre juridique de l’État membre du for doit être établie".

Motif 50 : "[Il] ressort également de la demande de décision préjudicielle, d’une part, que le montant maximal de l’indemnisation qui peut être accordé en application de la loi allemande serait d’environ 5 000 euros, alors que le montant habituellement accordé en application de l’article 52 du ZZD s’élèverait à environ 120 000 BGN (environ 61 000 euros). Cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 32 de ses conclusions, le seul fait que l’application de la loi du for conduise, en ce qui concerne le montant de la réparation, à une solution différente de celle qui aurait résulté de l’application de la loi désignée par la règle de conflit de lois ne permet pas de conclure que l’application de cette dernière loi ne peut pas atteindre l’objectif de protection de l’intérêt public essentiel que la disposition concernée de l’État membre du for vise, le cas échéant, à sauvegarder.

Motif 54 : "Enfin, en quatrième lieu, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la loi d’un État membre qui satisfait à la protection minimale prescrite par une directive de l’Union peut être écartée en faveur de la loi du for pour un motif tiré de son caractère impératif lorsque la juridiction saisie constate de façon circonstanciée que, dans le cadre de la transposition de cette directive, le législateur de l’État membre du for a jugé crucial, au sein de son ordre juridique, d’accorder à la personne concernée une protection allant au-delà de celle prévue par ladite directive, en tenant compte à cet égard de la nature et de l’objet de telles dispositions impératives (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C‑184/12, EU:C:2013:663, points 50 à 52)".

Motif 57 (et dispositif) : "[...] l’article 16 du règlement Rome II doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale qui prévoit que l’indemnisation du préjudice immatériel subi par les membres de la famille proche d’une personne décédée lors d’un accident de la circulation est déterminée par le juge en équité ne peut pas être considérée comme une « disposition impérative dérogatoire », au sens de cet article, à moins que, lorsque la situation juridique en cause présente des liens suffisamment étroits avec l’État membre du for, la juridiction saisie constate, sur la base d’une analyse circonstanciée des termes, de l’économie générale, des objectifs ainsi que du contexte de l’adoption de cette disposition nationale, que son respect est jugé crucial au sein de l’ordre juridique de cet État membre, au motif qu’elle poursuit un objectif de protection d’un intérêt public essentiel qui ne peut pas être atteint par l’application de la loi désignée en vertu de l’article 4 de ce règlement".

Rome II (règl. 864/2007)

CJUE, 4 juil. 2024, MOL, Aff. C-425/22

Aff. C-425/22, Concl. N. Emiliou

Motif 44 : "(…) les objectifs de proximité et de prévisibilité des règles de compétence et de cohérence entre le for et la loi applicable ainsi que l’absence d’entrave à la possibilité de demander réparation du préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence affectant un membre de l’unité économique s’opposent à une application inversée de la notion d’« unité économique » pour la détermination du lieu de la matérialisation du dommage aux fins de l’application de l’article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012."

Dispositif (et motif 46) : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : la notion de « lieu où le fait dommageable s’est produit » ne couvre pas le siège social de la société mère qui intente une action en réparation des préjudices subis exclusivement par ses filiales en raison du comportement anticoncurrentiel d’un tiers, constitutif d’une infraction à l’article 101 TFUE, même s’il est allégué que cette société mère et ces filiales font partie de la même unité économique."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Concl., 8 févr. 2024, sur Q. préj. (HU), MOL Magyar Olaj- és Gázipari Nyrt., Aff. C-425/22

1) Lorsque la société mère engage une action en dommages et intérêts aux fins de la réparation d’un préjudice qui est lié à un comportement anticoncurrentiel et qui est survenu exclusivement auprès de ses filiales, la compétence de la juridiction peut-elle être fondée sur le siège de la société mère, en tant que lieu où le fait dommageable s’est produit au sens de l’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) ?

Conclusions de l'AG N. Emiliou : 

Point 102 : "À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Kúria (Cour suprême) de la manière suivante : 

Français

CJUE, 22 févr. 2024, MA c. FCA Italy, Aff. C-566/22

Dispositif (et motif 43) : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doit être interprété en ce sens que : lorsqu’un véhicule, prétendument équipé par son constructeur, dans un premier État membre, d’un dispositif illégal d’invalidation réduisant l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions, a fait l’objet d’un contrat de vente conclu dans un deuxième État membre et a été remis à l’acquéreur dans un troisième État membre, le lieu de la matérialisation du dommage, au sens de cette disposition, se situe dans ce dernier État membre".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 23 nov. 2022, n° 21-10220

Motifs : "8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société Subrogalia y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site, la cour d'appel en a exactement déduit que le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu'il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d'ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu'il avait vocation à permettre à des ressortissants français d'avoir accès à une pratique illicite en France.

9. Elle a ainsi caractérisé l'existence d'un dommage subi par l'association sur le territoire français au regard de la loi s'y appliquant et justement retenu que la société OVH, qui n'avait pas promptement réagi pour rendre inaccessible en France le site litigieux, avait manqué aux obligations prévues à l'article 6. I. 2, de la loi du 21 juin 2004."

Rome II (règl. 864/2007)

Civ. 1e, 15 juin 2022, n° 18-24850

Motifs :

"7. Répondant à la question préjudicielle précitée (Civ. 1e, 13 mai 2020, n° 18-24850), la CJUE (CJUE, 21 déc. 2021, aff. C-231/20) a dit pour droit :

« L'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu'une personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur Internet, agit simultanément aux fins, d'une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d'autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l'État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression. »

8. Pour accueillir l'exception d'incompétence internationale, l'arrêt retient qu'il ne suffit pas, pour que les juridictions françaises soient compétentes, que les propos dénigrants postés sur internet soient accessibles en France, mais qu'il faut encore qu'ils soient destinés à un public français.

9. En statuant ainsi, alors que, l'action tendant à la fois à la cessation de la mise en ligne des propos dénigrants, à la publication d'un rectificatif et à l'allocation de dommages-intérêts pour les préjudices subis en France, la dernière demande pouvait être portée devant la juridiction française dès lors qu'elle tendait à la réparation du seul préjudice causé sur le territoire de cet État membre et que le contenu attentatoire était accessible ou l'avait été sur ce territoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 

12. La cour d'appel ayant constaté que les messages litigieux étaient accessibles en France, il en résulte que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des demandes d'indemnisation des préjudices causés en France. 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les juridictions françaises incompétentes à l'égard de la demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis en France (…)

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 21 déc. 2021, Gtflix Tv, Aff. C-231/20

Dispositif : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu’une personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur Internet, agit simultanément aux fins, d’une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d’autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l’État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Concl., 16 sept. 2021, sous Q. préj. (FR), 10 juin 2020, Gtflix TV, Aff. C-251/20

Les dispositions de l’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doivent-elles être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu'en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l'i

Français

CJUE, 12 mai 2021, Vereniging van Effectenbezitters, Aff. C-709/19

Aff. C-709/19, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Dispositif : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que la survenance directe, sur un compte d’investissement, d’un préjudice purement financier résultant de décisions d’investissement prises à la suite d’informations aisément accessibles sur le plan mondial, mais inexactes, incomplètes ou trompeuses provenant d’une société internationale cotée en bourse ne permet pas de retenir, au titre de la matérialisation du dommage, la compétence internationale d’une juridiction de l’État membre dans lequel est établie la banque ou l’entreprise d’investissement sur le registre de laquelle le compte est inscrit, lorsque ladite société n’était pas soumise à des obligations légales de publicité dans cet État membre."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

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