Etat tiers

CJUE, 12 oct. 2023, OP [c. Notariusz Justyna Gawlica], Aff. C-21/22

Aff. C-21/22, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Motif 31 : « (…), l’article 21 de ce règlement consacre, sous l’intitulé « Règle générale », un facteur de rattachement par défaut qui est déterminé par référence à la résidence habituelle du défunt au moment du décès. Au vu de la structure de ce règlement, la possibilité de choisir la loi de l’État dont le défunt possède la nationalité, régie à l’article 22 dudit règlement, doit être appréhendée comme constituant une dérogation à la règle générale édictée à l’article 21 du même règlement.

Motif 32 : En outre, tant la résidence habituelle que la nationalité constituent des facteurs de rattachement objectifs qui concourent, l’un comme l’autre, à l’objectif de sécurité juridique des parties à la procédure successorale qui est poursuivi par le règlement n° 650/2012, ainsi que cela ressort de son considérant 37.

Motif 33 : Il résulte des considérations qui précèdent que la possibilité de choisir le droit applicable à sa succession ne saurait être considérée comme étant un principe qui sous-tend le règlement n° 650/2012 et, partant, la coopération judiciaire en matière civile et commerciale au sein de l’Union dont il est un instrument.

Motif 34 : Certes, la Cour a jugé que l’objectif général de ce règlement, qui vise la reconnaissance mutuelle des décisions rendues dans les États membres en matière de successions, se rattache au principe de l’unité de la succession (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, points 53 et 54). Toutefois, il ne s’agit pas là d’un principe absolu [voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, E. E. (Compétence juridictionnelle et loi applicable aux successions), C‑80/19, EU:C:2020:569, point 69].

Motif 35 : À cet égard, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, l’article 12, paragraphe 1, dudit règlement introduit expressément une dérogation à ce principe en permettant à la juridiction compétente de ne pas statuer sur des biens situés dans des États tiers, par crainte que la décision ne soit pas reconnue ou qu’elle ne soit pas déclarée exécutoire dans ces États tiers. 

Motif 36 : Il en découle que le législateur de l’Union a expressément entendu respecter, dans certains cas particuliers, le modèle de scission de la succession pouvant être mis en œuvre dans les rapports avec certains États tiers. »

Dispositif 1 : "L’article 22 du règlement (UE) n° 650/2012 (…), doit être interprété en ce sens que :

- un ressortissant d’un État tiers résidant dans un État membre de l’Union européenne peut choisir la loi de cet État tiers comme loi régissant l’ensemble de sa succession.

Dispositif 2 : L’article 75 du règlement n° 650/2012, lu en combinaison avec l’article 22 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : 

- il ne s’oppose pas à ce que, lorsqu’un État membre de l’Union a conclu, avant l’adoption dudit règlement, un accord bilatéral avec un État tiers qui désigne la loi applicable en matière de successions et ne prévoit pas expressément la possibilité d’en choisir une autre, un ressortissant de cet État tiers résidant dans l’État membre en cause, ne puisse pas choisir la loi dudit État tiers pour régir l’ensemble de sa succession."

Successions (règl. 650/2012)

CJUE, 12 oct. 2023, OP [c. Notariusz Justyna Gawlica], Aff. C-21/22

Aff. C-21/22, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Motif 31 : « (…), l’article 21 de ce règlement consacre, sous l’intitulé « Règle générale », un facteur de rattachement par défaut qui est déterminé par référence à la résidence habituelle du défunt au moment du décès. Au vu de la structure de ce règlement, la possibilité de choisir la loi de l’État dont le défunt possède la nationalité, régie à l’article 22 dudit règlement, doit être appréhendée comme constituant une dérogation à la règle générale édictée à l’article 21 du même règlement.

Motif 32 : En outre, tant la résidence habituelle que la nationalité constituent des facteurs de rattachement objectifs qui concourent, l’un comme l’autre, à l’objectif de sécurité juridique des parties à la procédure successorale qui est poursuivi par le règlement n° 650/2012, ainsi que cela ressort de son considérant 37.

Motif 33 : Il résulte des considérations qui précèdent que la possibilité de choisir le droit applicable à sa succession ne saurait être considérée comme étant un principe qui sous-tend le règlement n° 650/2012 et, partant, la coopération judiciaire en matière civile et commerciale au sein de l’Union dont il est un instrument.

Motif 34 : Certes, la Cour a jugé que l’objectif général de ce règlement, qui vise la reconnaissance mutuelle des décisions rendues dans les États membres en matière de successions, se rattache au principe de l’unité de la succession (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2018, Oberle, C‑20/17, EU:C:2018:485, points 53 et 54). Toutefois, il ne s’agit pas là d’un principe absolu [voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, E. E. (Compétence juridictionnelle et loi applicable aux successions), C‑80/19, EU:C:2020:569, point 69].

Motif 35 : À cet égard, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, l’article 12, paragraphe 1, dudit règlement introduit expressément une dérogation à ce principe en permettant à la juridiction compétente de ne pas statuer sur des biens situés dans des États tiers, par crainte que la décision ne soit pas reconnue ou qu’elle ne soit pas déclarée exécutoire dans ces États tiers. 

Motif 36 : Il en découle que le législateur de l’Union a expressément entendu respecter, dans certains cas particuliers, le modèle de scission de la succession pouvant être mis en œuvre dans les rapports avec certains États tiers. »

Dispositif 1 : "L’article 22 du règlement (UE) n° 650/2012 (…), doit être interprété en ce sens que :

- un ressortissant d’un État tiers résidant dans un État membre de l’Union européenne peut choisir la loi de cet État tiers comme loi régissant l’ensemble de sa succession.

Dispositif 2 : L’article 75 du règlement n° 650/2012, lu en combinaison avec l’article 22 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : 

- il ne s’oppose pas à ce que, lorsqu’un État membre de l’Union a conclu, avant l’adoption dudit règlement, un accord bilatéral avec un État tiers qui désigne la loi applicable en matière de successions et ne prévoit pas expressément la possibilité d’en choisir une autre, un ressortissant de cet État tiers résidant dans l’État membre en cause, ne puisse pas choisir la loi dudit État tiers pour régir l’ensemble de sa succession."

Successions (règl. 650/2012)

Civ. 1e, 1er févr. 2023, n° 20-15703

Motifs : "4. Il résulte de son article 4 que le règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dit Bruxelles I bis, n'est pas applicable à la société Malawarebytes Inc. [société de droit américain], défenderesse en première instance qui n'est pas domiciliée sur le territoire d'un Etat membre".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 1er févr. 2023, n° 20-15703

Motifs : "4. Il résulte de son article 4 que le règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dit Bruxelles I bis, n'est pas applicable à la société Malawarebytes Inc. [société de droit américain], défenderesse en première instance qui n'est pas domiciliée sur le territoire d'un Etat membre".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 7 avril 2022, H Limited, Aff. C-368/20

Aff. C-568/20, concl. P. Pikimäe

Motif 25 : "Il s’ensuit [de l’arrêt Gothaer, pt 23] que [la notion de « décision »] comprend également une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers".

Motif 31 : "En définitive, une interprétation restrictive de la notion de « décision », au sens de l’article 2, sous a), du règlement n° 1215/2012, aurait pour conséquence de créer une catégorie d’actes adoptés par des juridictions qui, tout en ne figurant pas au nombre des exceptions limitativement énumérées à l’article 45 de ce règlement, ne pourraient relever de cette notion de « décision » et que les juridictions des autres États membres ne seraient donc pas tenues d’exécuter. L’existence d’une telle catégorie d’actes serait incompatible avec le système établi aux articles 39, 45 et 46 dudit règlement, qui prévoit l’exécution de plein droit des décisions de justice et exclut le contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine par celles de l’État membre requis (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C‑456/11, EU:C:2012:719, point 31)".

Motif 39 : "Il y a donc lieu de constater qu’aucune disposition du règlement n° 1215/2012 ni aucun des objectifs poursuivis par ce règlement ne fait obstacle à ce qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers entre dans le champ d’application dudit règlement".

Motif 40 : "Il découle néanmoins du système établi aux articles 39, 45 et 46 du règlement n° 1215/2012 que le fait de reconnaître à une telle ordonnance le caractère de décision, au sens de l’article 2, sous a), de ce règlement, ne prive pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de s’opposer à l’exécution de cette décision en faisant valoir l’un des motifs de refus conformément audit article 45".

Dispositif : "L’article 2, sous a), et l’article 39 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doivent être interprétés en ce sens qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers constitue une décision et jouit de la force exécutoire dans les autres États membres si elle a été rendue au terme d’une procédure contradictoire dans l’État membre d’origine et a été déclarée exécutoire dans celui-ci, le caractère de décision ne privant toutefois pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de demander, conformément à l’article 46 de ce règlement, le refus d’exécution pour l’un des motifs visés à l’article 45 de celui-ci".

CJUE, 7 avril 2022, H Limited, Aff. C-368/20

Aff. C-568/20, concl. P. Pikimäe

Motif 25 : "Il s’ensuit [de l’arrêt Gothaer, pt 23] que [la notion de « décision »] comprend également une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers".

Motif 31 : "En définitive, une interprétation restrictive de la notion de « décision », au sens de l’article 2, sous a), du règlement n° 1215/2012, aurait pour conséquence de créer une catégorie d’actes adoptés par des juridictions qui, tout en ne figurant pas au nombre des exceptions limitativement énumérées à l’article 45 de ce règlement, ne pourraient relever de cette notion de « décision » et que les juridictions des autres États membres ne seraient donc pas tenues d’exécuter. L’existence d’une telle catégorie d’actes serait incompatible avec le système établi aux articles 39, 45 et 46 dudit règlement, qui prévoit l’exécution de plein droit des décisions de justice et exclut le contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine par celles de l’État membre requis (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C‑456/11, EU:C:2012:719, point 31)".

Motif 39 : "Il y a donc lieu de constater qu’aucune disposition du règlement n° 1215/2012 ni aucun des objectifs poursuivis par ce règlement ne fait obstacle à ce qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers entre dans le champ d’application dudit règlement".

Motif 40 : "Il découle néanmoins du système établi aux articles 39, 45 et 46 du règlement n° 1215/2012 que le fait de reconnaître à une telle ordonnance le caractère de décision, au sens de l’article 2, sous a), de ce règlement, ne prive pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de s’opposer à l’exécution de cette décision en faisant valoir l’un des motifs de refus conformément audit article 45".

Dispositif : "L’article 2, sous a), et l’article 39 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doivent être interprétés en ce sens qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers constitue une décision et jouit de la force exécutoire dans les autres États membres si elle a été rendue au terme d’une procédure contradictoire dans l’État membre d’origine et a été déclarée exécutoire dans celui-ci, le caractère de décision ne privant toutefois pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de demander, conformément à l’article 46 de ce règlement, le refus d’exécution pour l’un des motifs visés à l’article 45 de celui-ci".

CJUE, 7 avril 2022, H Limited, Aff. C-368/20

Aff. C-568/20, concl. P. Pikimäe

Motif 25 : "Il s’ensuit [de l’arrêt Gothaer, pt 23] que [la notion de « décision »] comprend également une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers".

Motif 31 : "En définitive, une interprétation restrictive de la notion de « décision », au sens de l’article 2, sous a), du règlement n° 1215/2012, aurait pour conséquence de créer une catégorie d’actes adoptés par des juridictions qui, tout en ne figurant pas au nombre des exceptions limitativement énumérées à l’article 45 de ce règlement, ne pourraient relever de cette notion de « décision » et que les juridictions des autres États membres ne seraient donc pas tenues d’exécuter. L’existence d’une telle catégorie d’actes serait incompatible avec le système établi aux articles 39, 45 et 46 dudit règlement, qui prévoit l’exécution de plein droit des décisions de justice et exclut le contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine par celles de l’État membre requis (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C‑456/11, EU:C:2012:719, point 31)".

Motif 39 : "Il y a donc lieu de constater qu’aucune disposition du règlement n° 1215/2012 ni aucun des objectifs poursuivis par ce règlement ne fait obstacle à ce qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers entre dans le champ d’application dudit règlement".

Motif 40 : "Il découle néanmoins du système établi aux articles 39, 45 et 46 du règlement n° 1215/2012 que le fait de reconnaître à une telle ordonnance le caractère de décision, au sens de l’article 2, sous a), de ce règlement, ne prive pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de s’opposer à l’exécution de cette décision en faisant valoir l’un des motifs de refus conformément audit article 45".

Dispositif : "L’article 2, sous a), et l’article 39 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doivent être interprétés en ce sens qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers constitue une décision et jouit de la force exécutoire dans les autres États membres si elle a été rendue au terme d’une procédure contradictoire dans l’État membre d’origine et a été déclarée exécutoire dans celui-ci, le caractère de décision ne privant toutefois pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de demander, conformément à l’article 46 de ce règlement, le refus d’exécution pour l’un des motifs visés à l’article 45 de celui-ci".

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11722

Motifs : 

"Enoncé du moyen

4. Les sociétés BGFI font grief à l'arrêt de déclarer les tribunaux français compétents [saisis par un ressortissant congolais, réfugié politique en France], alors « que l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

6. L'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, § 1, de l'article 21, § 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, § 1, point a). »

7. L'article 21 dispose :

«1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

2. Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au § 1, point b). »

8. Selon l'article 14 du code civil, un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux.

10. La cour d'appel ayant constaté que le demandeur était domicilié en France et les défendeurs, hors de l'Union européenne, et que M. [E] [I] avait été embauché en République démocratique du Congo où s'était déroulée son activité professionnelle, il s'en déduit que le demandeur pouvait invoquer l'article 14 du code civil.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11722

Motifs : 

"Enoncé du moyen

4. Les sociétés BGFI font grief à l'arrêt de déclarer les tribunaux français compétents [saisis par un ressortissant congolais, réfugié politique en France], alors « que l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

6. L'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, § 1, de l'article 21, § 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, § 1, point a). »

7. L'article 21 dispose : «

1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

2. Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au § 1, point b). »

8. Selon l'article 14 du code civil, un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux.

10. La cour d'appel ayant constaté que le demandeur était domicilié en France et les défendeurs, hors de l'Union européenne, et que M. [E] [I] avait été embauché en République démocratique du Congo où s'était déroulée son activité professionnelle, il s'en déduit que le demandeur pouvait invoquer l'article 14 du code civil.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-10106

Motifs :

"Recevabilité du moyen

4. Les sociétés BGFI [poursuivies en France par un ancien employé, de nationalité congolaise et bénéficiant du statut de réfugié politique] contestent la recevabilité du moyen [pris pour violation des articles 6 du règlement Bruxelles I bis et 14 du code civil]. Elles soutiennent, d'une part, qu'il est nouveau dès lors que l'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) n'a pas été invoqué devant les juges du fond, d'autre part, qu'il est mélangé de fait dès lors que cette disposition, qui renvoie aux règles nationales de conflit de juridictions lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, n'est applicable que si l'article 21, paragraphe 2, relatif à la compétence en matière de contrat de travail ne l'est pas, ce que la cour d'appel n'a pas recherché.

5. Cependant, l'article 21, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis ne fixe les règles de compétence en matière de contrat de travail, lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, que si le travail a été accompli, ou si l'établissement qui a procédé à l'embauche était situé, sur le territoire d'un Etat membre.

6. La cour d'appel ayant relevé, d'une part, que le demandeur était domicilié en France et les sociétés défenderesses, respectivement au Gabon et en République démocratique du Congo, d'autre part, que les faits sur lesquels se fondait la demande s'étaient entièrement déroulés dans ce dernier pays, d'où il se déduisait que le litige n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 21, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

7. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 6 du règlement Bruxelles I bis et l'article 14 du code civil :

8. Le premier de ces textes dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, paragraphe 1, point a). »

9. Il résulte du second, qui est au nombre des dispositions notifiées à la Commission en application des dispositions précitées, qu'un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France.

10. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

11. Pour refuser à M. [Y] [O] le bénéfice de l'article 14 du code civil et déclarer les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient que l'égalité de traitement entre nationaux et réfugiés, prévue à l'article 16 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, vise les règles de jouissance des droits et non les règles de compétence judiciaire et ne saurait conduire à étendre la compétence du juge français au détriment de celle du juge étranger résultant du jeu normal des règles de conflit de juridictions.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 6, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis permet à l'étranger de se prévaloir de l'article 14 du code civil, sous la seule condition qu'il soit domicilié en France et que le défendeur le soit en dehors d'un Etat membre de l'Union européenne, la cour d'appel, à qui il incombait de vérifier l'application de ce dernier texte au regard des dispositions issues de ce règlement, a violé les textes susvisés."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Pages

Sites de l’Union Européenne

 

Theme by Danetsoft and Danang Probo Sayekti inspired by Maksimer