Compétence exclusive

CJUE, 25 févr. 2025, BSH Hausgeräte, Aff. C-339/22

Aff. C-339/22, Concl. 2 N. Emiliou et, préalablement, Concl. 1 N. Emiliou

Motif 50 : "(…) l’interprétation de l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis exposée au point 41 du présent arrêt [selon laquelle la juridiction saisie d’une action en contrefaçon ne perd pas sa compétence du seul fait que le défendeur conteste, par voie d’exception, la validité du brevet] n’est pas remise en cause par le fait que son application peut conduire à une scission de la procédure en contrefaçon, qui reste pendante devant une juridiction de l’État membre du domicile du défendeur, et du litige relatif à la validité du brevet délivré dans un autre État membre, pour lequel les juridictions de ce dernier sont seules compétentes, en application de cette disposition."

Motif 51 : "En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 79 à 94 de ses conclusions du 22 février 2024, une telle scission n’implique pas que la juridiction de l’État membre du domicile du défendeur saisie de l’action en contrefaçon devrait ignorer le fait qu’une action en nullité du brevet délivré dans un autre État membre a été dûment introduite par ce défendeur dans cet autre État membre. Si elle le juge justifié, notamment lorsqu’elle estime qu’il existe une chance raisonnable et non négligeable que ce brevet soit annulé par le juge compétent dudit autre État membre (voir, par analogie, arrêt du 12 juillet 2012, Solvay, C‑616/10, EU:C:2012:445, point 49), la juridiction saisie de l’action en contrefaçon peut, le cas échéant, suspendre la procédure, ce qui lui permet de tenir compte, afin de statuer sur l’action en contrefaçon, d’une décision rendue par la juridiction saisie de l’action en nullité."

Dispositif 1 (et motif 52) :  "L’article 24, point 4, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doit être interprété en ce sens que : 

une juridiction de l’État membre du domicile du défendeur, saisie en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, d’une action en contrefaçon d’un brevet délivré dans un autre État membre, reste compétente pour connaître de cette action lorsque, dans le cadre de celle-ci, ce défendeur conteste, par voie d’exception, la validité de ce brevet, alors que la compétence pour statuer sur cette validité appartient exclusivement aux juridictions de cet autre État membre."

Motif 73 :  "(…), dès lors qu’une décision juridictionnelle annulant un brevet affecte l’existence ou, en cas d’annulation partielle, le contenu de ces droits exclusifs, seules les juridictions compétentes de [l’État tiers pour lequel le brevet a été délivré] peuvent rendre une telle décision. En effet, il découle du principe de non-ingérence mentionné au point 71 du présent arrêt que seules les juridictions de l’État tiers de délivrance ou de validation d’un brevet sont compétentes pour déclarer la nullité de ce brevet, par une décision susceptible d’entraîner la modification du registre national de cet État en ce qui concerne l’existence ou le contenu dudit brevet." 

Motif 74 : "En revanche, la juridiction de l’État membre du domicile du défendeur, saisie, comme dans l’affaire au principal, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis, d’une action en contrefaçon dans le cadre de laquelle est soulevée par voie d’exception la question de la validité d’un brevet délivré ou validé dans un État tiers, est compétente pour statuer sur cette question si aucune des limitations visées aux points 63 à 65 du présent arrêt [limitations tenant à une convention internationale ou une situation de litispendance  ou connexité internationale] n’est applicable, étant donné que la décision de cette juridiction sollicitée à cet égard n’est pas de nature à affecter l’existence ou le contenu de ce brevet dans cet État tiers, ou à entraîner la modification du registre national de celui-ci." 

Motif 75 : "En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 62 de ses conclusions du 22 février 2024 et que les parties au principal ainsi que la Commission européenne l’ont indiqué au cours de l’audience du 14 mai 2024 devant la Cour, cette décision a uniquement des effets inter partes, c’est-à-dire une portée limitée aux parties à l’instance. Ainsi, lorsque la question de la validité d’un brevet délivré dans un État tiers est soulevée par voie d’exception dans le cadre d’une action en contrefaçon de ce brevet devant une juridiction d’un État membre, cette exception ne vise qu’à obtenir le rejet de cette action, et ne tend pas à obtenir une décision entraînant l’annulation totale ou partielle dudit brevet. En particulier, ladite décision ne peut en aucun cas comporter une injonction adressée à l’autorité administrative responsable de la tenue du registre national de l’État tiers concerné."

Dispositif 2 (et motif 76) : "L’article 24, point 4, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que : 

il ne s’applique pas à une juridiction d’un État tiers et, par conséquent, ne confère aucune compétence, exclusive ou non, à une telle juridiction en ce qui concerne l’appréciation de la validité d’un brevet délivré ou validé par cet État. Si une juridiction d’un État membre est saisie, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, d’une action en contrefaçon d’un brevet délivré ou validé dans un État tiers dans le cadre de laquelle est soulevée, par voie d’exception, la question de la validité de ce brevet, cette juridiction est compétente, en application de cet article 4, paragraphe 1, pour statuer sur cette exception, sa décision à cet égard n’étant pas de nature à affecter l’existence ou le contenu dudit brevet dans cet État tiers ou à entraîner la modification du registre national de celui-ci."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 10 juill. 2025, [Chmieka], Aff. C-99/24

Motif 56 : "(…) l’article 22, point 1, premier alinéa, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’une action judiciaire tendant au paiement d’une indemnité en raison de l’occupation non contractuelle d’un immeuble après la résiliation d’un contrat de bail afférent à cet immeuble, situé dans un État membre autre que celui du domicile du défendeur concerné, ne constitue pas une action « en matière de droits réels immobiliers » et ne relève pas de la notion de « baux d’immeubles », au sens de cette disposition."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 10 juill. 2025, [Chmieka], Aff. C-99/24

Motif 56 : "(…) l’article 22, point 1, premier alinéa, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’une action judiciaire tendant au paiement d’une indemnité en raison de l’occupation non contractuelle d’un immeuble après la résiliation d’un contrat de bail afférent à cet immeuble, situé dans un État membre autre que celui du domicile du défendeur concerné, ne constitue pas une action « en matière de droits réels immobiliers » et ne relève pas de la notion de « baux d’immeubles », au sens de cette disposition."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 16 avr. 2024, BSH, Aff. C-339/22 [Ord.]

Annexe – Questions pour réponse orale aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne Les intéressés sont invités à répondre aux questions suivantes :

1) Eu égard aux points 30 et 31 de l’arrêt du 1er mars 2005, Owusu (C‑281/02, EU:C:2005:120), et, en particulier, au principe de l’effet relatif des traités, convient-il de distinguer la situation dans laquelle la juridiction d’un État membre, compétente en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012, doit apprécier un ensemble de faits qui se sont déroulés dans un État tiers [tels qu’un accident en vue de déterminer la responsabilité (extra)contractuelle] de la situation dans laquelle cette juridiction doit apprécier la validité d’un acte émanant d’une autorité publique (administrative) d’un État tiers, tel qu’un brevet ?

2) À supposer que l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles Ibis n’ait pas d’incidence sur la compétence des juridictions des États membres lorsque celles-ci sont saisies, dans le cadre d’une procédure en contrefaçon d’un brevet d’un État tiers, de la question de la validité de ce brevet, est-il pertinent, pour l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, que

- ce brevet ait été délivré par un organe d’une organisation internationale, tel que l’Office européen des brevets (OEB), en vertu d’un mécanisme fondé sur une procédure commune de délivrance établie par une convention internationale, telle que la convention de Munich ?

- la décision de la juridiction de cet État membre n’ait d’effet qu’inter partes ?

- le droit national de l’État tiers concerné prévoie la compétence exclusive (absolue) des juridictions de cet État tiers pour connaître des litiges portant sur la validité d’un brevet dudit État tiers et que ces juridictions soient donc non seulement « appropriées » pour juger de la validité d’un tel brevet, mais également seules compétentes en vertu du droit national applicable ?

3) À supposer que le règlement Bruxelles Ibis doive être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle au principal, une juridiction d’un État membre est compétente pour connaître d’une action en contrefaçon d’un brevet d’un État tiers, au titre de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, cette disposition, lue à la lumière, notamment, du considérant 15 dudit règlement et des points 47 à 52 de l’arrêt du 1er mars 2005, Owusu (C‑281/02, EU:C:2005:120), est-elle susceptible d’être interprétée en ce sens qu’il serait loisible à cette juridiction, saisie de la question préalable de la validité de ce brevet, de se dessaisir de l’action relative à cette question, sur le fondement de son droit national, en faveur d’une juridiction d’un État tiers, en dehors des cas prévus par le même règlement ? 

4) À supposer qu’une juridiction d’un État membre saisie, dans le cadre d’une action en contrefaçon d’un brevet d’un État tiers, de la question de la validité de ce brevet doive se déclarer compétente sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, du règlement Bruxelles Ibis, pour connaître de cette question, la circonstance que, dans le cas où ledit brevet serait jugé invalide dans le cadre de cette action, le titulaire, établi dans l’Union européenne, ne pourrait plus jouir des prérogatives liées à ce titre de propriété serait-elle compatible avec l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prévoit la protection de la propriété intellectuelle ?

5) Quels enseignements convient-il de tirer des arrêts du 9 novembre 2000, Coreck (C‑387/98, EU:C:2000:606), et du 19 juillet 2012, Mahamdia (C‑154/11, EU:C:2012:491), en ce qui concerne la compétence d’une juridiction d’un État membre pour connaître des litiges ayant des liens étroits avec des États tiers ?

6) Le droit international public, y compris le droit international coutumier, s’oppose-t-il à ce que les juridictions d’un État se prononcent sur la validité d’un titre émis par l’administration publique d’un autre État, en particulier sur la validité d’un brevet émis par l’administration d’un autre État ?

7)  Lors de l’adoption du règlement Bruxelles Ibis, le législateur de l’Union entendait-il régler de manière exhaustive les conflits entre les juridictions des États membres et celles des États tiers, lorsque le défendeur est domicilié dans l’Union ? En particulier, ce législateur entendait-il, par les articles 33 et 34 de ce règlement, réglementer de manière exhaustive la possibilité pour une juridiction d’un État membre, compétente sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, de se dessaisir en faveur d’une juridiction d’un État tiers, quelle que soit la situation concernée ? Le cas échéant, le législateur de l’Union entendait-il interdire à une juridiction d’un État membre, saisie d’un litige en matière de validité d’un brevet d’un État tiers, de se dessaisir en faveur des juridictions de cet État tiers en dehors des hypothèses spécifiques envisagées dans ces mêmes articles 33 et 34 ? Les participants à l’audience sont invités à se référer aux travaux préparatoires pertinents.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 17 mai 2023, n° 22-16489

Motifs : 

"7. Il résulte de l'article 24 § 2 du règlement (UE) n°1215/2012 (…) (règlement Bruxelles I bis) que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur une action qui n'a pas pour objet principal de se prononcer sur la dissolution d'une société allemande mais tend à mettre en cause la responsabilité personnelle du défendeur, domicilié en France, afin de répondre des fautes qu'il aurait commises lorsqu'il était gérant de cette société.

8. Ayant retenu que si la société de droit allemand Mh International, titulaire du contrat de crédit-bail, avait son siège social en Allemagne, l'action n'était pas dirigée contre cette société, laquelle avait été définitivement radiée du registre du commerce par le tribunal de Hambourg en 2017, mais contre son gérant, M. [H], qui résidait en France, assigné en son nom personnel sur le fondement de l'article 1240 du code civil afin de répondre des fautes qu'il aurait commises lorsqu'il en était gérant, que la dissolution constituait un fait juridique non discuté qui n'était pas l'objet principal du litige mais seulement un des éléments permettant de caractériser à l'encontre de M. [H] l'existence d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SA Finamur, et enfin que le litige ne portait pas sur la validité d'une décision prise par un organe de la société Mh International, la cour d'appel en a exactement déduit que la règle de compétence exclusive prévue à l'article 24 du règlement Bruxelles I Bis n'était pas applicable".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Concl., 18 avr. 2024, sur Q. préj. (BE), 15 juin 2022, Oilchart International, Aff. C-394/22

1) L’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1215/2012 (1) (Bruxelles I bis) lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité doit-il être interprété en ce sens que relève également des notions de «faillites, concordats et autres procédures analogues» figurant à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1215/2012 une procédure dans laquelle l’action est présentée dans la citation comme une simple créance client, sans faire état de la faillite anté

Français

Civ. 1e, 11 janv. 2023, n° 21-17092

Motifs :

"Enoncé du moyen

4. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes en contestation de la saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières pratiquée le 1er février 2019 entre les mains de la société civile immobilière (SCI) Montfort, alors « qu'en application de l'article 45 du règlement (UE) du Parlement et du conseil n° 1215/2012 (…), dit Bruxelles I bis, la reconnaissance d'une décision est refusée si elle méconnaît la compétence exclusive des juridictions d'un autre État membre ; que l'article 24, alinéa 1, du même règlement dispose que "sont seules compétentes les juridictions ci-après d'un État membre, sans considération de domicile des parties" , [...] et l'alinéa 1, § 3, "en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus" ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen pris de ce que la titularité des parts d'une société civile faisant l'objet d'enregistrement au registre du commerce et des sociétés, la juridiction anglaise était incompétente pour dire que M. [B] était le véritable propriétaire des parts de la SCI Le Monfort en dépit de la mention de Mme [E], épouse [B], comme propriétaire de ces parts, que la demande formulée devant le juge anglais n'a pas trait à la validité des inscriptions sur les registres publics tout en constatant que le jugement anglais du 22 juin 2018 avait pour effet de transférer la propriété des parts de la SCI Le Monfort de leur titulaire apparent, Mme [E], épouse [B], à M. [B], jugé être leur propriétaire réel, de sorte que le jugement mettait en cause la validité des mentions du registre du commerce et des sociétés français, la cour d'appel a violé les articles 45 et 24 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…). »

Réponse de la Cour

5. Si, en vertu de l'article 45 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), la reconnaissance est refusée aux décisions rendues en méconnaissance des compétences exclusives et si, selon l'article 24, § 3, sont exclusivement compétentes, en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus, cette règle ne concerne que le contentieux de la validité formelle des inscriptions, liée au droit de l'État détenteur du registre.

6. Ayant retenu que la décision du juge anglais, portant sur la propriété réelle des parts sociales détenues en apparence par Mme [B], ne concernait pas la validité des inscriptions au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 8 sept. 2022, IRnova, Aff. C-399/21

Dispositif : "L’article 24, point 4, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : il ne s’applique pas à un litige tendant à déterminer, dans le cadre d’un recours fondé sur la qualité alléguée d’inventeur ou de co-inventeur, si une personne est titulaire du droit sur des inventions visées par des demandes de brevet déposées et par des brevets délivrés dans des pays tiers".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Concl., 8 févr. 2024, sur Q. préj. (SE), BSH Hausgeräte, Aff. C-339/22

1) L’article 24, point 4, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit-il être interprété en ce sens que la formulation «en matière d’inscription ou de validité des brevets […] que la question soit soulevée par voie d’action ou d’exception» signifie qu’une juridiction nationale qui, en application de l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, s’est déclarée compétente pour connaître d’un litige en matière de contrefaçon de brevet, n’est plus compétente pour statuer sur la question de la contrefaçon si une exception d’invalidité du brevet

Français

CJUE, 9 déc. 2021, HRVATSKE ŠUME, Aff. C-242/20

Aff. C-242/20, Concl. H. Saugmandsgaard Øe

Dispositif 1 (et motif 37) : "L’article 22, point 5, du règlement (CE) n° 44/2001 (…) doit être interprété en ce sens qu’une action en restitution fondée sur un enrichissement sans cause ne relève pas de la compétence exclusive prévue à cette disposition, alors même qu’elle a été engagée en raison de l’expiration du délai dans lequel la restitution des sommes indûment versées lors d’une procédure d’exécution forcée peut être réclamée dans la cadre de cette même procédure d’exécution".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

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