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Préambule

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LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 61, point c), et son article 67,

vu la proposition de la Commission,

vu l'avis du Comité économique et social européen1,

statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité au vu du projet commun approuvé le 25 juin 2007 par le comité de conciliation2,

considérant ce qui suit:

(1) La Communauté s'est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice. Pour la mise en place progressive de cet espace, la Communauté doit adopter des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontalière, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur.

(2) Conformément à l'article 65, point b), du traité, ces mesures doivent viser, entre autres, à favoriser la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflit de lois et de compétence.

(3) Le Conseil européen, réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999, a approuvé le principe de reconnaissance mutuelle des jugements et des autres décisions émanant des autorités judiciaires en tant que pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière civile et a invité le Conseil et la Commission à adopter un programme de mesures destinées à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle.

(4) Le 30 novembre 2000, le Conseil a adopté un programme commun de mesures de la Commission et du Conseil destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale3. Le programme décrit les mesures relatives à l'harmonisation des règles de conflit de lois comme des mesures facilitant la reconnaissance mutuelle des décisions.

(5) Le programme de La Haye4, adopté par le Conseil européen le 5 novembre 2004, préconise que les travaux sur les règles de conflit de lois en ce qui concerne les obligations non contractuelles ("Rome II") soient poursuivis avec détermination.

(6) Le bon fonctionnement du marché intérieur exige, afin de favoriser la prévisibilité de l'issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable et la libre circulation des jugements, que les règles de conflit de lois en vigueur dans les États membres désignent la même loi nationale, quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite.

(7) Le champ d'application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale5 (Bruxelles I) et les instruments relatifs à la loi applicable aux obligations contractuelles.

(8) Le présent règlement devrait s'appliquer quelle que soit la nature de la cour ou du tribunal saisi.

(9) Les actions fondées sur des actes accomplis dans l'exercice de la puissance publique ("acta iure imperii") devraient englober les cas où sont mis en cause des fonctionnaires agissant au nom de l'État ainsi que la responsabilité de l'État, y compris lorsqu'il s'agit d'actes commis par des agents publics officiellement mandatés. Par conséquent, ces cas devraient être exclus du champ d'application du présent règlement.

(10) Les relations de famille devraient englober les liens de filiation, de mariage, d'alliance et les liens collatéraux. La mention, à l'article 1er, paragraphe 2, des relations qui ont des effets comparables au mariage et aux autres relations de famille devrait être interprétée conformément au droit de l'État membre dans lequel le tribunal est saisi.

(11) Le concept d'obligation non contractuelle varie d'un État membre à l'autre. Celui-ci devrait donc être entendu, aux fins du présent règlement, comme un concept autonome. Les règles relatives aux conflits de lois contenues dans le présent règlement devraient s'appliquer également aux obligations non contractuelles fondées sur la responsabilité objective.

(12) La loi applicable devrait également s'appliquer à la responsabilité délictuelle.

(13) L'application de règles uniformes, quelle que soit la loi désignée, permet d'éviter des risques de distorsions de concurrence entre les justiciables de la Communauté.

(14) L'exigence de sécurité juridique et la nécessité de rendre la justice en fonction de cas individuels sont des éléments essentiels d'un espace de justice. Le présent règlement prévoit que les facteurs de rattachement les plus appropriés permettent d'atteindre ces objectifs. Par conséquent, le présent règlement prévoit une règle générale et des règles spécifiques ainsi que, pour certaines dispositions, une "clause dérogatoire" qui permet de s'écarter de ces règles s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays. Cet ensemble de règles crée donc un cadre flexible de règles de conflit de lois. Dans le même temps, la juridiction saisie est à même de traiter les cas individuels de manière appropriée.

(15) Si le principe "lex loci delicti commissi" est la solution de base en matière d'obligations non contractuelles dans la quasi-totalité des États membres, l'application concrète de ce principe en cas de dispersion des critères de rattachement dans plusieurs pays varie. Cette situation est source d'insécurité quant au droit applicable.

(16) Le recours à des règles uniformes devrait améliorer la prévisibilité des décisions de justice et assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée. Le rattachement au pays du lieu où le dommage direct est survenu ("lex loci damni") crée un juste équilibre entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée et correspond également à la conception moderne du droit de la responsabilité civile et au développement des systèmes de responsabilité objective.

(17) Il convient de déterminer la loi applicable en fonction du lieu où le dommage survient, indépendamment du ou des pays où pourraient survenir des conséquences indirectes. Ainsi, en cas de blessures physiques causées à une personne ou de dommages aux biens, le pays où les blessures ont été subies ou les biens endommagés devrait être entendu comme celui où le dommage survient.

(18) La règle générale consacrée par le présent règlement devrait être la "lex loci damni", prévue à l'article 4, paragraphe 1. L'article 4, paragraphe 2, devrait être considéré comme créant une exception à ce principe général, en ce qu'il établit un rattachement spécial lorsque les parties ont leur résidence habituelle dans le même pays. L'article 4, paragraphe 3, devrait être entendu comme une "clause dérogatoire" à l'article 4, paragraphes 1 et 2, applicable s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays.

(19) Il convient de prévoir des règles spécifiques pour les faits dommageables pour lesquels la règle générale ne permet pas de trouver un équilibre raisonnable entre les intérêts en présence.

(20) En matière de responsabilité du fait des produits, la règle de conflit de lois devrait prendre en compte les objectifs que sont la juste répartition des risques dans une société moderne caractérisée par un degré élevé de technicité, la protection de la santé des consommateurs, la stimulation de l'innovation, la garantie d'une concurrence non faussée et la facilitation des échanges commerciaux. La mise en place d'un système en cascade de facteurs de rattachement, assorti d'une clause de prévisibilité, constitue une solution équilibrée eu égard à ces objectifs. Le premier critère dont il convient de tenir compte est la loi du pays dans lequel la personne lésée avait sa résidence habituelle quand le dommage est survenu, si le produit a été commercialisé dans ce pays. Les autres critères de la cascade sont pris en considération si le produit n'a pas été commercialisé dans ce pays, sans préjudice de l'article 4, paragraphe 2, et indépendamment de la possibilité d'un lien manifestement plus étroit avec un autre pays.

(21) La règle spéciale prévue à l'article 6 ne déroge pas à la règle générale énoncée à l'article 4, paragraphe 1, mais elle la précise. En matière de concurrence déloyale et d’actes restreignant la libre concurrence, la règle de conflit de lois devrait protéger les concurrents, les consommateurs et le public en général, et garantir le bon fonctionnement de l'économie de marché. Le rattachement à la loi du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être permet, d'une manière générale, de réaliser ces objectifs.

(22) Les obligations non contractuelles résultant d'actes restreignant la concurrence, prévues à l'article 6, paragraphe 3, devraient s'appliquer aux infractions au droit de la concurrence tant national que communautaire. La loi applicable aux obligations non contractuelles de ce type devrait être celle du pays du marché affecté ou susceptible de l'être. Au cas où le marché est affecté ou susceptible de l'être dans plus d'un pays, le demandeur devrait pouvoir, dans certains cas, choisir de fonder sa demande sur la loi de la juridiction saisie.

(23) Aux fins du présent règlement, la notion de restriction du jeu de la concurrence devrait couvrir les interdictions visant les accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans un État membre ou dans le marché intérieur, ainsi que l'interdiction d'exploiter de façon abusive une position dominante dans un État membre ou dans le marché intérieur lorsque de tels accords, décisions, pratiques concertées ou abus sont interdits par les articles 81 et 82 du traité ou par la loi d'un État membre.

(24) Le "dommage environnemental" devrait être entendu comme une modification négative d'une ressource naturelle telle que l'eau, les sols ou l'air, une détérioration d'une fonction assurée par cette ressource au bénéfice d'une autre ressource naturelle ou du public, ou une détérioration de la diversité biologique.

(25) En matière d'atteintes à l'environnement, l'article 174 du traité, qui postule un niveau de protection élevé et qui est fondé sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de correction à la source et sur le principe du pollueur-payeur, justifie pleinement le recours au principe du traitement favorable à la personne lésée. Le moment où le demandeur en réparation peut choisir la loi applicable devrait être déterminé conformément à la loi de l'État membre où se trouve le tribunal saisi.

(26) En ce qui concerne les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, il convient de préserver le principe "lex loci protectionis", qui est universellement reconnu. Aux fins du présent règlement, l'expression "droits de propriété intellectuelle" devrait être interprétée comme visant notamment le droit d'auteur, les droits voisins, le droit sui generis pour la protection des bases de données ainsi que les droits de propriété industrielle.

(27) Le concept exact d'action en responsabilité du fait de grève ou de lock-out varie d'un État membre à l'autre et est régi par les règles internes de chaque État membre. C'est pourquoi le présent règlement considère comme un principe général que, pour protéger les droits et obligations des travailleurs et des employeurs, c'est la loi du pays dans lequel ladite action a été engagée qui doit s'appliquer.

(28) La règle spéciale sur les actions en responsabilité du fait de grève ou de lock-out qui est énoncée à l'article 9 l’est sans préjudice des conditions auxquelles l'exercice de telles actions est soumis, selon la législation nationale, et sans préjudice du statut juridique des organisations représentatives des travailleurs ou des syndicats prévu dans le droit des États membres.

(29) Il convient de prévoir des règles spéciales en cas de dommage causé par un fait autre qu'un fait dommageable, tel qu’un enrichissement sans cause, une gestion d'affaires ou une "culpa in contrahendo".

(30) Le concept de "culpa in contrahendo" est autonome aux fins du présent règlement, et il ne devrait pas nécessairement être interprété au sens du droit national. Il devrait inclure la violation du devoir d'informer et la rupture de négociations contractuelles. L'article 12 ne s'applique qu'aux obligations non contractuelles présentant un lien direct avec les tractations menées avant la conclusion d'un contrat. Par conséquent, si une personne subit des dommages corporels au cours de la négociation d'un contrat, l'article 4 ou d'autres dispositions pertinentes du présent règlement devraient s'appliquer.

(31) Afin de respecter le principe de l'autonomie des parties et de renforcer la sécurité juridique, les parties devraient pouvoir choisir la loi applicable à une obligation non contractuelle. Ce choix devrait être exprès ou résulter de façon certaine des circonstances de la cause. Lorsque la juridiction établit l'existence d'un accord convenu entre les parties, elle est tenue de respecter leurs intentions. Il convient de protéger les parties faibles en entourant ce choix de certaines conditions.

(32) Des considérations d'intérêt public justifient, dans des circonstances exceptionnelles, le recours par les tribunaux des États membres aux mécanismes que sont l'exception d'ordre public et les lois de police. En particulier, l'application d'une disposition de la loi désignée par le présent règlement qui conduirait à l'octroi de dommages et intérêts exemplaires ou punitifs non compensatoires excessifs peut être considérée comme contraire à l'ordre public du for, compte tenu des circonstances de l'espèce et de l'ordre juridique de l'État membre de la juridiction saisie.

(33) En vertu des règles nationales existantes en matière d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation routière, lors de la quantification des dommages-intérêts accordés au titre du préjudice corporel dans les cas où l'accident survient dans un État autre que celui où la victime a sa résidence habituelle, la juridiction saisie devrait prendre en compte toutes les circonstances de fait pertinentes concernant ladite victime, y compris, notamment, les pertes totales et les coûts du traitement et des soins médicaux.

(34) En vue d'assurer un équilibre raisonnable entre les parties, il convient de tenir compte, le cas échéant, des règles de sécurité et de comportement en vigueur dans le pays où l'acte dommageable a été commis, même lorsque l'obligation non contractuelle est régie par la loi d'un autre pays. Il convient d'interpréter l'expression "règles de sécurité et de comportement" comme renvoyant à toute la réglementation ayant un lien avec la sécurité et le comportement, y compris, par exemple, les règles en matière de sécurité routière en cas d'accident.

(35) Il convient d'éviter une situation où les règles de conflits de lois sont dispersées entre de multiples instruments et où il existe des différences entre ces règles. Toutefois, le présent règlement n'exclut pas la possibilité d'insérer des règles de conflits de lois en matière d'obligations non contractuelles dans les dispositions de droit communautaire concernant des matières particulières.

Le présent règlement ne devrait pas affecter l'application d'autres instruments fixant des dispositions destinées à favoriser le bon fonctionnement du marché intérieur, dans la mesure où ces dispositions ne peuvent s'appliquer conjointement avec la loi désignée par les règles du présent règlement. L'application des dispositions de la loi applicable désignée par les règles du présent règlement ne devraient pas restreindre la libre circulation des biens et des services telle qu'elle est réglementée par les instruments communautaires, par exemple la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique")6.

(36) Le respect des engagements internationaux souscrits par les États membres justifie que le présent règlement n'affecte pas les conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties au moment de l'adoption du présent règlement. Afin de rendre les règles en vigueur en la matière plus accessibles, la Commission devrait publier la liste des conventions concernées au Journal officiel de l'Union européenne, en se fondant sur les informations transmises par les États membres.

(37) La Commission soumettra au Parlement européen et au Conseil une proposition concernant les procédures et conditions selon lesquelles les États membres seraient autorisés à négocier et à conclure en leur propre nom avec des pays tiers, à titre individuel et dans des cas exceptionnels, des accords portant sur des questions sectorielles et contenant des dispositions relatives à la loi applicable aux obligations non contractuelles.

(38) Étant donné que l'objectif du présent règlement ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions ou des effets du présent règlement, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, le présent règlement n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(39) Conformément à l'article 3 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Royaume-Uni et l'Irlande participent à l'adoption et à l'application du présent règlement.

(40) Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Danemark annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Danemark ne participe pas à l'adoption du présent règlement et n'est pas lié par celui-ci ni soumis à son application,

ONT ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

  • 1. JO C 241 du 28.9.2004, p. 1.
  • 2. Avis du Parlement européen du 6 juillet 2005 (JO C 157 E du 6.7.2006, p. 371), position commune du Conseil du 25 septembre 2006 (JO C 289 E du 28.11.2006, p. 68) et position du Parlement européen du 18 janvier 2007 (non encore parue au Journal officiel). Résolution législative du Parlement européen du 10 juillet 2007 et décision du Conseil du 28 juin 2007.
  • 3. JO C 12 du 15.1.2001, p. 1.
  • 4. JO C 53 du 3.3.2005, p. 1.
  • 5. JO L 12 du 16.1.2001, p. 1. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 1791/2006 (JO L 363 du 20.12.2006, p. 1).
  • 6. JO L 178 du 17.7.2000, p. 1.

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