Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 4 oct. 2024, Real Madrid, Aff. C‑633/22

Motif 61 : "En particulier, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il convient de faire preuve de la plus grande prudence lorsque les mesures ou les sanctions prises sont de nature à dissuader la presse de participer à la discussion de questions présentant un intérêt général légitime, et donc à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse à l’égard de telles questions (voir, en ce sens, Cour EDH, 20 mai 1999, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège, CE:ECHR:1999:0520JUD002198093, § 64, ainsi que Cour EDH, 17 décembre 2004, Cumpănă et Mazăre c. Roumanie, CE :ECHR :2004 :1217JUD 003334896, § 111)".

Motif 62 : "À cet égard, il y a lieu de considérer qu’un montant de dommages-intérêts d’une ampleur imprévisible ou élevée par rapport aux sommes allouées dans des affaires de diffamation comparables est de nature à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse [voir, en ce sens, Cour EDH, 7 décembre 2010, Público – Comunicação Social, S.A. et autres c. Portugal, CE:ECHR:2010:1207JUD003932407, § 55, ainsi que Cour EDH, 15 juin 2017, Independent Newspapers (Ireland) Limited c. Irlande, CE:ECHR:2017:0615JUD002819915, §§ 84 et 85]".

Motif 63 : "En outre, eu égard au rôle fondamental de la presse dans une société démocratique et aux garanties dont elle doit disposer conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, tel est, en règle générale, le cas lorsque la condamnation consiste à accorder à la partie lésée une réparation excédant le dommage matériel ou moral réellement subi."

Motif 64: "Un tel effet dissuasif peut même résulter d’une condamnation à des sommes relativement modestes, au regard des standards appliqués dans des affaires de diffamation comparables. Tel est, en principe, le cas lorsque les sommes allouées s’avèrent substantielles par rapport aux moyens dont dispose la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, CE :ECHR :2005 :0215JUD 006841601, § 96), qu’il s’agisse d’un journaliste ou d’un éditeur de presse"

Motif 65 : "Par ailleurs, aux fins d’apprécier le caractère proportionné des dommages-intérêts accordés, il doit être tenu compte également des autres sanctions infligées, telles que la publication d’un démenti, une rectification ou encore une excuse formelle ainsi que les frais de justice imposés à la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 11 décembre 2012, Ileana Constantinescu c. Roumanie, CE:ECHR:2012:1211JUD003256304, § 49 ; Cour EDH, 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, CE:ECHR:2015:1110JUD004045407, § 152, ainsi que Cour EDH, 27 juin 2017, Ghiulfer Predescu c. Roumanie, CE:ECHR:2017:0627JUD002975109, § 61)"

Motif 67 : " En effet, une telle violation manifeste de l’article 11 de la Charte relève de l’ordre public de l’État membre requis et constitue, dès lors, le motif de refus d’exécution visé à l’article 34, point 1, du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 45 de celui-ci".

Motif 68 : "Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l’étendue du préjudice telles qu’elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l’exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l’article 11 de la Charte".

Motif 69 : "À cet effet, il incombe à cette juridiction de vérifier si les dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions s’avèrent manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause et risquent ainsi d’avoir un effet dissuasif dans l’État membre requis sur la couverture médiatique de questions analogues à l’avenir ou, plus généralement, sur l’exercice de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte".

Motif 70 : "Dans ce contexte, il convient de préciser que, si la juridiction de renvoi peut prendre en compte les sommes allouées dans l’État membre requis pour une atteinte comparable, une éventuelle divergence entre ces sommes et le montant des dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions n’est pas, à elle seule, suffisante pour considérer, de manière automatique et sans vérifications ultérieures, que ces dommages-intérêts sont manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause".

Motif 73 : "Dans l’hypothèse où elle constaterait l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse, cette juridiction devrait limiter le refus d’exécution desdites décisions à la partie manifestement disproportionnée, dans l’État membre requis, des dommages-intérêts alloués".

Motif 74 (et dispositif) : "Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de répondre aux questions posées que l’article 34, paragraphe 1, et l’article 45 du règlement no 44/2001, lus conjointement avec l’article 11 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que l’exécution d’un jugement condamnant une société éditrice d’un journal et l’un de ses journalistes au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par un club sportif et l’un des membres de son équipe médicale en raison d’une atteinte à leur réputation du fait d’une information les concernant publiée par ce journal doit être refusée pour autant qu’elle aurait pour effet une violation manifeste de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte et, ainsi, une atteinte à l’ordre public de l’État membre requis".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 14 févr. 2024, n° 22-22742, 22-22743, 22-22744

Motifs :

"7. Selon les articles 34 et 45 du règlement n° 44/2001 (…), dit Bruxelles I, la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. 

8. La contrariété à l'ordre public international s'entend d'une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Union et donc dans celui de l'État membre requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

9. Lorsqu'il vérifie l'existence éventuelle d'une violation manifeste de l'ordre public de l'État requis, le juge de cet État doit tenir compte du fait que, sauf circonstances particulières rendant trop difficile ou impossible l'exercice des voies de recours dans l'État membre d'origine, les justiciables doivent faire usage dans cet État membre de toutes les voies de recours disponibles afin de prévenir en amont une telle violation (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

10. Le respect du principe d'effectivité ne saurait néanmoins aller jusqu'à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (CJUE 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco). 

11. En retenant, d'une part, que l'existence d'une éventuelle clause abusive dans le contrat de prêt ne pouvait être considérée en soi comme une violation qui heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'Etat français en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental et, d'autre part, qu'il n'appartenait pas au juge, eu égard à l'interdiction de toute révision au fond de la décision dont il était demandé l'exécution, d'apprécier le caractère abusif d'une telle clause, dont M. et Mme [U] ne s'étaient pas prévalus devant les juges Luxembourgeois, la cour d'appel a justifié sa décision".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 14 févr. 2024, n° 22-22742, 22-22743, 22-22744

Motifs :

"7. Selon les articles 34 et 45 du règlement n° 44/2001 (…), dit Bruxelles I, la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. 

8. La contrariété à l'ordre public international s'entend d'une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Union et donc dans celui de l'État membre requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

9. Lorsqu'il vérifie l'existence éventuelle d'une violation manifeste de l'ordre public de l'État requis, le juge de cet État doit tenir compte du fait que, sauf circonstances particulières rendant trop difficile ou impossible l'exercice des voies de recours dans l'État membre d'origine, les justiciables doivent faire usage dans cet État membre de toutes les voies de recours disponibles afin de prévenir en amont une telle violation (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

10. Le respect du principe d'effectivité ne saurait néanmoins aller jusqu'à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (CJUE 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco). 

11. En retenant, d'une part, que l'existence d'une éventuelle clause abusive dans le contrat de prêt ne pouvait être considérée en soi comme une violation qui heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'Etat français en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental et, d'autre part, qu'il n'appartenait pas au juge, eu égard à l'interdiction de toute révision au fond de la décision dont il était demandé l'exécution, d'apprécier le caractère abusif d'une telle clause, dont M. et Mme [U] ne s'étaient pas prévalus devant les juges Luxembourgeois, la cour d'appel a justifié sa décision".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 19 juin 2024, n° 19-23298

Motifs :

"9. Il [se] déduit [de l’arrêt CJUE, 8 juin 2023, aff. C-567/21) que les juges de l'Etat requis, après avoir reconnu le jugement rendu dans un autre Etat membre, peuvent faire application, en tant que règle de procédure, de la règle de concentration des moyens en vigueur dans leur ordre juridique.

10. S'il résulte de la règle prétorienne [française] de concentration des moyens que le demandeur à une action en paiement doit présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier sa demande, de sorte qu'il est irrecevable à former ultérieurement la même demande contre les mêmes parties en invoquant un fondement juridique qu'il s'était précédemment abstenu de soulever, il n'y a pas lieu d'étendre son champ lorsque l'instance initiale se déroule devant une juridiction étrangère, son application étant de nature à porter une atteinte excessive au droit d'accès au juge en ce qu'elle n'est pas, dans ce contexte, suffisamment prévisible et accessible."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 6 mars 2024, n° 19-20538

Motifs :

"Sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. 

Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

(…)

23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.

24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables. 

25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 6 mars 2024, n° 19-20538

Motifs :

"Sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. 

Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

(…)

23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.

24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables. 

25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 8 juin 2023, BNP Paribas, Aff. C-567/21

Aff. C-567/21, Concl. P. Pikamäe

Motif 50 : "(…), il convient de relever qu’une telle règle de droit interne de concentration des demandes est de nature procédurale et a pour objet d’éviter que les demandes liées à une seule et même relation juridique liant des parties ne donnent lieu à une multitude d’instances, tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que dans celui des parties concernées. Or, une telle règle n’a pas vocation à régir l’autorité et l’efficacité dont une décision jouit dans l’État membre où elle a été rendue, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt. Partant, ladite règle n’a pas vocation à s’appliquer aux fins de la détermination des effets attachés à une décision dont la reconnaissance est invoquée pour s’opposer à la recevabilité d’une action opposant les mêmes parties et concernant la même relation juridique qui a été introduite dans un autre État membre postérieurement à cette décision."

Motif 52 : "En tout état de cause, la Cour a rappelé que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d’attribuer aux décisions étrangères l’autorité et l’efficacité dont elles jouissent dans l’État membre où elles ont été rendues, il en va différemment au stade de l’exécution d’une décision, aux motifs que, lors de cette dernière, il n’y a aucune raison d’accorder à cette décision des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ou des effets que ne produirait pas une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07EU:C:2009:271, point 66, ainsi que du 4 octobre 2018, Società Immobiliare Al Bosco, C‑379/17EU:C:2018:806, point 40 et jurisprudence citée)."

Motif 53 : "De même, lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle‑ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent."

Motif 54 : "Il revient à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement."

Dispositif : "L’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 36 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la reconnaissance, dans l’État membre requis, d’une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l’État membre d’origine, ait pour conséquence d’entraîner l’irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l’État membre requis au motif que la législation de l’État membre d’origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l’État membre requis susceptibles de s’appliquer une fois cette reconnaissance effectuée."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 8 juin 2023, BNP Paribas, Aff. C-567/21

Aff. C-567/21, Concl. P. Pikamäe

Motif 50 : "(…), il convient de relever qu’une telle règle de droit interne de concentration des demandes est de nature procédurale et a pour objet d’éviter que les demandes liées à une seule et même relation juridique liant des parties ne donnent lieu à une multitude d’instances, tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que dans celui des parties concernées. Or, une telle règle n’a pas vocation à régir l’autorité et l’efficacité dont une décision jouit dans l’État membre où elle a été rendue, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt. Partant, ladite règle n’a pas vocation à s’appliquer aux fins de la détermination des effets attachés à une décision dont la reconnaissance est invoquée pour s’opposer à la recevabilité d’une action opposant les mêmes parties et concernant la même relation juridique qui a été introduite dans un autre État membre postérieurement à cette décision."

Motif 52 : "En tout état de cause, la Cour a rappelé que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d’attribuer aux décisions étrangères l’autorité et l’efficacité dont elles jouissent dans l’État membre où elles ont été rendues, il en va différemment au stade de l’exécution d’une décision, aux motifs que, lors de cette dernière, il n’y a aucune raison d’accorder à cette décision des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ou des effets que ne produirait pas une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07EU:C:2009:271, point 66, ainsi que du 4 octobre 2018, Società Immobiliare Al Bosco, C‑379/17EU:C:2018:806, point 40 et jurisprudence citée)."

Motif 53 : "De même, lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle‑ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent."

Motif 54 : "Il revient à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement."

Dispositif : "L’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 36 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la reconnaissance, dans l’État membre requis, d’une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l’État membre d’origine, ait pour conséquence d’entraîner l’irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l’État membre requis au motif que la législation de l’État membre d’origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l’État membre requis susceptibles de s’appliquer une fois cette reconnaissance effectuée."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Com., 17 mars 2021, n° 19-13632

Motifs :

"1°/ que l'émission d'obligations représentées par des titres – dont la dénomination importe peu – comprenant une valeur nominale, un coupon, une base d'intérêts, une date de paiement des coupons et un remboursement à la valeur nominale en contrepartie de la mise à disposition des fonds doit être qualifiée de contrat de crédit ; qu'un contrat de crédit relève de la qualification de contrat de fourniture de services, la prestation de services résidant dans la remise à l'emprunteur d'une somme d'argent par le prêteur en échange d'une rémunération payée par l'emprunteur, en principe, sous la forme d'intérêts ; que l'obligation caractéristique est l'octroi de la somme prêtée ; qu'il en résulte que, dans le cas d'un contrat de crédit, le lieu où les services ont été fournis est le lieu où le siège de l'établissement prêteur est situé ; que la cour d'appel constate que les obligations émises par Kommunalkredit "comprenaient une valeur nominale, un coupon, une base d'intérêt et une date de paiement des coupons, le remboursement de capital étant plafonné à la valeur des titres", ce dont il résulte que l'opération à laquelle l'UMR a souscrit est un crédit ; qu'en écartant néanmoins la compétence de la juridiction du lieu d'exécution de la prestation de services fournie par le souscripteur, l'UMR, soit la compétence du tribunal de commerce de Paris, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 5.1 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (dont le libellé est identique à celui de l'article 7.1 du règlement n° 1215/2012) ;

2°/ qu'en affirmant que l'UMR avait souscrit l'engagement de payer une rémunération constituée par des virements de fonds intervenus lors des souscriptions et pour Kommunalkredit à élaborer des titres de créances permettant le versement réguliers d'intérêts sous forme de coupons, quand elle constatait que les titres émis par Kommunalkredit "comprenaient une valeur nominale, un coupon, une base d'intérêts et une date de paiement des coupons, le remboursement du principal étant plafonné à la valeur nominale des titres", ce dont il résultait une prestation de services résidant dans la remise par l'UMR d'une somme d'argent à Kommunalkredit en échange d'une rémunération versée par cette dernière sous forme d'intérêts, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 5.1 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) ;

(…)

4°/ qu'en se bornant à énoncer que "l'opération consistait dans la structuration par Kommunalkredit de créances diverses sous la forme de titres négociables avec coupons moyennant versement par l'UMR du montant de la souscription", sans aucunement préciser la nature et le type de "créances diverses" détenues par Kommunalkredit qui auraient été "structurées" au titre d'actifs sous-jacents de l'opération de titrisation qu'elle retenait pour écarter la qualification de crédit dont elle relevait pourtant la réunion des critères de qualification, quelle que soit la forme de ce dernier, et déterminer sur cette base la compétence territoriale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 12 du code de procédure civile et 5.1 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) ;
( ...)

Réponse de la Cour

5. Après avoir relevé que les contrats en cause ont consisté pour l'UMR en la souscription de titres obligataires en échange desquels la société Kommunalkredit s'engageait à lui fournir des titres définis par les prospectus comme "des titres de créances" et comprenant une valeur nominale, un coupon, une base d'intérêts et une date de paiement des coupons, le remboursement du principal étant plafonné à la valeur nominale des titres, l'arrêt précise que les engagements des parties consistaient, pour l'UMR, à payer une rémunération constituée par des virements de fonds intervenus lors des souscriptions et, pour la société Kommunalkredit, à élaborer des titres de créances permettant le versement régulier d'intérêts sous forme de coupons. En l'état de ces seules constatations et énonciations, faisant ressortir que l'obligation essentielle du contrat consistait en l'émission d'instruments financiers, d'un côté, et la souscription de ces instruments ayant valeur d'investissement, de l'autre, et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 5.1 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, a pu statuer comme elle a fait. »

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Concl., 8 févr. 2024, sur Q. préj. (FR), 28 sept. 2022, Real Madrid Club de Fútbol e.a., Aff. C-633/22

1) Les articles 34 et 36 du règlement Bruxelles I et l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une condamnation pour l’atteinte à la réputation d’un club sportif par une information publiée par un journal est de nature à porter manifestement atteinte à la liberté d’expression et à constituer ainsi un motif de refus de reconnaissance et d’exécution ?

Conclusions de l'AG M. Szpunar:

L’article 45, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 34, point 1, et l’article 45, paragraphe 2, de celui-ci, ainsi que l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que :

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