Contrat de travail

Soc., 6 mars 2024, n° 19-20538

Motifs :

"Sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. 

Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

(…)

23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.

24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables. 

25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 6 mars 2024, n° 19-20538

Motifs :

"Sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. 

Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

(…)

23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.

24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables. 

25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 8 juin 2023, BNP Paribas, Aff. C-567/21

Aff. C-567/21, Concl. P. Pikamäe

Motif 50 : "(…), il convient de relever qu’une telle règle de droit interne de concentration des demandes est de nature procédurale et a pour objet d’éviter que les demandes liées à une seule et même relation juridique liant des parties ne donnent lieu à une multitude d’instances, tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que dans celui des parties concernées. Or, une telle règle n’a pas vocation à régir l’autorité et l’efficacité dont une décision jouit dans l’État membre où elle a été rendue, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt. Partant, ladite règle n’a pas vocation à s’appliquer aux fins de la détermination des effets attachés à une décision dont la reconnaissance est invoquée pour s’opposer à la recevabilité d’une action opposant les mêmes parties et concernant la même relation juridique qui a été introduite dans un autre État membre postérieurement à cette décision."

Motif 52 : "En tout état de cause, la Cour a rappelé que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d’attribuer aux décisions étrangères l’autorité et l’efficacité dont elles jouissent dans l’État membre où elles ont été rendues, il en va différemment au stade de l’exécution d’une décision, aux motifs que, lors de cette dernière, il n’y a aucune raison d’accorder à cette décision des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ou des effets que ne produirait pas une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07EU:C:2009:271, point 66, ainsi que du 4 octobre 2018, Società Immobiliare Al Bosco, C‑379/17EU:C:2018:806, point 40 et jurisprudence citée)."

Motif 53 : "De même, lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle‑ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent."

Motif 54 : "Il revient à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement."

Dispositif : "L’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 36 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la reconnaissance, dans l’État membre requis, d’une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l’État membre d’origine, ait pour conséquence d’entraîner l’irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l’État membre requis au motif que la législation de l’État membre d’origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l’État membre requis susceptibles de s’appliquer une fois cette reconnaissance effectuée."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 8 juin 2023, BNP Paribas, Aff. C-567/21

Aff. C-567/21, Concl. P. Pikamäe

Motif 50 : "(…), il convient de relever qu’une telle règle de droit interne de concentration des demandes est de nature procédurale et a pour objet d’éviter que les demandes liées à une seule et même relation juridique liant des parties ne donnent lieu à une multitude d’instances, tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que dans celui des parties concernées. Or, une telle règle n’a pas vocation à régir l’autorité et l’efficacité dont une décision jouit dans l’État membre où elle a été rendue, au sens de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt. Partant, ladite règle n’a pas vocation à s’appliquer aux fins de la détermination des effets attachés à une décision dont la reconnaissance est invoquée pour s’opposer à la recevabilité d’une action opposant les mêmes parties et concernant la même relation juridique qui a été introduite dans un autre État membre postérieurement à cette décision."

Motif 52 : "En tout état de cause, la Cour a rappelé que, si la reconnaissance doit avoir pour effet, en principe, d’attribuer aux décisions étrangères l’autorité et l’efficacité dont elles jouissent dans l’État membre où elles ont été rendues, il en va différemment au stade de l’exécution d’une décision, aux motifs que, lors de cette dernière, il n’y a aucune raison d’accorder à cette décision des droits qui ne lui appartiennent pas dans l’État membre d’origine ou des effets que ne produirait pas une décision du même type rendue directement dans l’État membre requis (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07EU:C:2009:271, point 66, ainsi que du 4 octobre 2018, Società Immobiliare Al Bosco, C‑379/17EU:C:2018:806, point 40 et jurisprudence citée)."

Motif 53 : "De même, lorsqu’une décision étrangère est reconnue dans l’État membre requis, celle‑ci est intégrée dans l’ordre juridique de cet État membre et les règles procédurales de celui-ci s’appliquent."

Motif 54 : "Il revient à la juridiction de renvoi de déterminer quelles sont les règles procédurales applicables à la suite de la reconnaissance de la décision rendue dans l’État membre d’origine et les éventuelles conséquences procédurales quant aux demandes formulées ultérieurement."

Dispositif : "L’article 33 du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 36 de ce règlement, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à ce que la reconnaissance, dans l’État membre requis, d’une décision concernant un contrat de travail, rendue dans l’État membre d’origine, ait pour conséquence d’entraîner l’irrecevabilité des demandes formées devant une juridiction de l’État membre requis au motif que la législation de l’État membre d’origine prévoit une règle procédurale de concentration de toutes les demandes relatives à ce contrat de travail, sans préjudice des règles procédurales de l’État membre requis susceptibles de s’appliquer une fois cette reconnaissance effectuée."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 8 déc. 2020, Hongrie c. Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, Aff. C-620/18

Aff. C-620/18, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Motif 179 : "(…) par leur nature et leur contenu, tant l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 modifiée, s’agissant des travailleurs détachés, que l’article 3, paragraphe 1 bis, de cette directive, s’agissant des travailleurs détachés pour une période, en général, supérieure à douze mois, constituent des règles spéciales de conflit de lois, au sens de l’article 23 du règlement « Rome I »."

Motif 180 : "En outre, comme le relève M. l’avocat général, au point 196 de ses conclusions, le processus d’élaboration du règlement « Rome I » démontre que l’article 23 de celui-ci recouvre la règle spéciale de conflit de lois qui était déjà prévue à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, dès lors que, dans la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) [COM(2005) 650 final], du 15 décembre 2005, la Commission avait annexé une liste des règles spéciales de conflit de lois établies par d’autres dispositions du droit de l’Union, parmi lesquelles figurait cette directive."

Motif 181 : "Enfin, l’existence, à l’article 3, paragraphe 1 bis, de la directive 96/71 modifiée, d’une règle visant à prévenir la fraude en cas de remplacement d’un travailleur détaché par un autre travailleur détaché, effectuant la même tâche au même endroit, ne saurait remettre en cause la conclusion figurant au point 179 du présent arrêt, dès lors que, dans le cadre de la règle de conflit de lois constituée par cette disposition, il était loisible au législateur de l’Union de prévoir une règle destinée à éviter le contournement de l’obligation qu’il instituait."

Motif 182 : "Par conséquent, la première branche du cinquième moyen doit être écartée.

Motif 185 : "(…), ainsi qu’il ressort, en substance, du considérant 17 de la directive attaquée, la fixation des règles relatives à la rémunération relève en principe de la compétence des États membres, ceux-ci étant néanmoins tenus dans ce cadre d’agir dans le respect du droit de l’Union."

Motif 186 : "(…), et compte tenu également du large pouvoir d’appréciation rappelé aux points 112 et 113 du présent arrêt, il ne saurait être reproché au législateur de l’Union d’avoir méconnu les principes de sécurité juridique et de clarté normative en ayant, dans une directive de coordination des réglementations et des pratiques des États membres en matière de conditions de travail et d’emploi, renvoyé à la notion de « rémunération » telle qu’elle est déterminée par la législation ou les pratiques nationales des États membres."

Motif 187 : "Par conséquent, la seconde branche du cinquième moyen doit être écartée et, avec elle, ce moyen dans son ensemble."

Rome I (règl. 593/2008)

Soc., 20 mars 2024, n° 22-22956

Motifs :

"6. Selon l'article 23 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), applicable en vertu de son article 66 aux actions intentées à compter du 10 janvier 2015, il ne peut être dérogé aux dispositions de la section de ce règlement afférente à la compétence en matière de contrats individuels de travail que par des conventions postérieures à la naissance du différend ou qui permettent au travailleur de saisir d'autres juridictions que celles indiquées à cette section. 

7. Aux termes de l'article 21, §1, sous a), dudit règlement, un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile. 

8. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le GIE est établi en France et que la clause attribuant compétence aux seules juridictions de Singapour pour connaître des différends nés à l'occasion de l'exécution de la relation de travail était stipulée au contrat de travail, en sorte que cette clause est antérieure à la naissance du différend en cause se rapportant à la rupture du contrat de travail. 

9. Il en résulte que ladite clause attributive de juridiction n'est pas opposable au salarié".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Soc., 4 juil. 2023, n° 22-83681

Motifs : "3. Selon le considérant 37 [du règlement Rome I], des considérations d'intérêt public justifient, dans des circonstances exceptionnelles, le recours par les tribunaux des États membres aux mécanismes que sont les lois de police. La notion de « lois de police » devrait être distinguée de celle de « dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord » et devrait être interprétée de façon restrictive.

4. En tant que mesure dérogatoire, l'article 9 dudit règlement est d'interprétation stricte (CJUE, arrêt du 18 octobre 2016, Nikiforidis, C-135/15, point 44). 

(…)

15. Ainsi, l'élaboration du document unique d'évaluation des risques et la formation à la sécurité relative aux conditions de travail, prévues de manière impérative aux articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4141-13 du code du travail, participent de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, laquelle, se rapportant à l'organisation sociale et économique tant de l'Union européenne que de la France, est d'intérêt public. 

16. Toutefois, en application de l'article 8 du règlement n° 593/2008 le travailleur dont la France est le pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel, en exécution du contrat, il accomplit habituellement son travail ou dont le contrat de travail présente les liens les plus étroits avec la France, bénéficie de la protection que lui assurent les articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4141-13 du code du travail.  

17. Le bénéfice de la protection garantie par ces dispositions étant ainsi assuré aux travailleurs dont le contrat présente un lien de rattachement suffisant à la France, la sauvegarde des intérêts publics en matière de santé et de protection des travailleurs n'impose pas une application immédiate des mêmes dispositions, exclusive des règles de conflit de lois prévues par le règlement n° 593/2008. 

18. En conséquence, la chambre sociale est d'avis que les dispositions des articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R.4141-13 du code du travail français ne peuvent être qualifiées de lois de police au sens de l'article 9 du règlement n° 593/2008."

Rome I (règl. 593/2008)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11722

Motifs : 

"Enoncé du moyen

4. Les sociétés BGFI font grief à l'arrêt de déclarer les tribunaux français compétents [saisis par un ressortissant congolais, réfugié politique en France], alors « que l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

6. L'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, § 1, de l'article 21, § 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, § 1, point a). »

7. L'article 21 dispose :

«1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

2. Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au § 1, point b). »

8. Selon l'article 14 du code civil, un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux.

10. La cour d'appel ayant constaté que le demandeur était domicilié en France et les défendeurs, hors de l'Union européenne, et que M. [E] [I] avait été embauché en République démocratique du Congo où s'était déroulée son activité professionnelle, il s'en déduit que le demandeur pouvait invoquer l'article 14 du code civil.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11722

Motifs : 

"Enoncé du moyen

4. Les sociétés BGFI font grief à l'arrêt de déclarer les tribunaux français compétents [saisis par un ressortissant congolais, réfugié politique en France], alors « que l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

6. L'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, § 1, de l'article 21, § 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, § 1, point a). »

7. L'article 21 dispose : «

1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

2. Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au § 1, point b). »

8. Selon l'article 14 du code civil, un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux.

10. La cour d'appel ayant constaté que le demandeur était domicilié en France et les défendeurs, hors de l'Union européenne, et que M. [E] [I] avait été embauché en République démocratique du Congo où s'était déroulée son activité professionnelle, il s'en déduit que le demandeur pouvait invoquer l'article 14 du code civil.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-10106

Motifs :

"Recevabilité du moyen

4. Les sociétés BGFI [poursuivies en France par un ancien employé, de nationalité congolaise et bénéficiant du statut de réfugié politique] contestent la recevabilité du moyen [pris pour violation des articles 6 du règlement Bruxelles I bis et 14 du code civil]. Elles soutiennent, d'une part, qu'il est nouveau dès lors que l'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) n'a pas été invoqué devant les juges du fond, d'autre part, qu'il est mélangé de fait dès lors que cette disposition, qui renvoie aux règles nationales de conflit de juridictions lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, n'est applicable que si l'article 21, paragraphe 2, relatif à la compétence en matière de contrat de travail ne l'est pas, ce que la cour d'appel n'a pas recherché.

5. Cependant, l'article 21, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis ne fixe les règles de compétence en matière de contrat de travail, lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, que si le travail a été accompli, ou si l'établissement qui a procédé à l'embauche était situé, sur le territoire d'un Etat membre.

6. La cour d'appel ayant relevé, d'une part, que le demandeur était domicilié en France et les sociétés défenderesses, respectivement au Gabon et en République démocratique du Congo, d'autre part, que les faits sur lesquels se fondait la demande s'étaient entièrement déroulés dans ce dernier pays, d'où il se déduisait que le litige n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 21, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

7. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 6 du règlement Bruxelles I bis et l'article 14 du code civil :

8. Le premier de ces textes dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, paragraphe 1, point a). »

9. Il résulte du second, qui est au nombre des dispositions notifiées à la Commission en application des dispositions précitées, qu'un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France.

10. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

11. Pour refuser à M. [Y] [O] le bénéfice de l'article 14 du code civil et déclarer les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient que l'égalité de traitement entre nationaux et réfugiés, prévue à l'article 16 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, vise les règles de jouissance des droits et non les règles de compétence judiciaire et ne saurait conduire à étendre la compétence du juge français au détriment de celle du juge étranger résultant du jeu normal des règles de conflit de juridictions.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 6, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis permet à l'étranger de se prévaloir de l'article 14 du code civil, sous la seule condition qu'il soit domicilié en France et que le défendeur le soit en dehors d'un Etat membre de l'Union européenne, la cour d'appel, à qui il incombait de vérifier l'application de ce dernier texte au regard des dispositions issues de ce règlement, a violé les textes susvisés."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

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