Loi de police

Civ. 1e, 2 avr. 2025, n° 23-12384

Motifs:

"6. L'article 1.2 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), dispose : « 2. Sont exclus du champ d'application du présent règlement : (...) e) les conventions d'arbitrage et d'élection de for ; (...) ».

7. Aux termes de l'article 25.1 du règlement Bruxelles I bis, si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre.

8. Cet article ne prévoit pas la réserve des lois de police.

9. La cour d'appel ayant relevé que le contrat stipulait une clause attributive de juridiction aux tribunaux irlandais, de sorte que l'appréciation éventuelle de la validité de cette clause ne pouvait être faite qu'au regard du droit irlandais, sans que soit applicable la réserve des lois de police, le moyen tiré de ce que cette clause serait contraire à l'article 1171 du code civil est inopérant."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Soc., 4 juil. 2023, n° 22-83681

Motifs : "3. Selon le considérant 37 [du règlement Rome I], des considérations d'intérêt public justifient, dans des circonstances exceptionnelles, le recours par les tribunaux des États membres aux mécanismes que sont les lois de police. La notion de « lois de police » devrait être distinguée de celle de « dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord » et devrait être interprétée de façon restrictive.

4. En tant que mesure dérogatoire, l'article 9 dudit règlement est d'interprétation stricte (CJUE, arrêt du 18 octobre 2016, Nikiforidis, C-135/15, point 44). 

(…)

15. Ainsi, l'élaboration du document unique d'évaluation des risques et la formation à la sécurité relative aux conditions de travail, prévues de manière impérative aux articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4141-13 du code du travail, participent de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, laquelle, se rapportant à l'organisation sociale et économique tant de l'Union européenne que de la France, est d'intérêt public. 

16. Toutefois, en application de l'article 8 du règlement n° 593/2008 le travailleur dont la France est le pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel, en exécution du contrat, il accomplit habituellement son travail ou dont le contrat de travail présente les liens les plus étroits avec la France, bénéficie de la protection que lui assurent les articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4141-13 du code du travail.  

17. Le bénéfice de la protection garantie par ces dispositions étant ainsi assuré aux travailleurs dont le contrat présente un lien de rattachement suffisant à la France, la sauvegarde des intérêts publics en matière de santé et de protection des travailleurs n'impose pas une application immédiate des mêmes dispositions, exclusive des règles de conflit de lois prévues par le règlement n° 593/2008. 

18. En conséquence, la chambre sociale est d'avis que les dispositions des articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R.4141-13 du code du travail français ne peuvent être qualifiées de lois de police au sens de l'article 9 du règlement n° 593/2008."

Rome I (règl. 593/2008)

Civ. 1e, 15 juin 2022, n° 20-23115

Motifs :

"4. L'article 33.1 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) dispose :« Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. »

5. Selon l'article 34, point 1, du même règlement, une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le recours à la clause de l'ordre public, figurant à l'article 34, point 1, n'est concevable que dans l'hypothèse où la reconnaissance ou l'exécution de la décision rendue dans un autre État membre heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'État requis, en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental. Afin de respecter la prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, l'atteinte devrait constituer une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'État requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique (CJUE, 28 avril 2009, C-420/07, point 55). Le juge de l'État requis ne saurait, sous peine de remettre en cause la finalité du règlement n° 44/2001, refuser la reconnaissance d'une décision émanant d'un autre État membre au seul motif qu'il estime que, dans cette décision, le droit national ou le droit communautaire a été mal appliqué. Il importe, au contraire, de considérer que, dans de tels cas, le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l'article 234 CE, fournit aux justiciables une garantie suffisante (CJUE, 16 juillet 2015, C-681/13, point 49). La clause de l'ordre public ne jouerait dans de tels cas que dans la mesure où ladite erreur de droit implique que la reconnaissance ou l'exécution de la décision dans l'État requis soit considérée comme une violation manifeste d'une règle de droit essentielle dans l'ordre juridique dudit État membre (CJUE, 16 juillet 2015, C-681/13, point 49).

7. Après avoir relevé que les parties avaient soumis le contrat de sous-traitance [conclu entre une entreprise italienne et un sous-traitant français] au droit italien et que les éléments de charpente avaient été réalisés en Italie, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'elle ne pouvait réviser le jugement rendu par le tribunal de Padoue [désigné par une élection de for] ayant exclu l'application de [l'article] 14 de la loi n° 75-1134 du 31 décembre 1975 et que la reconnaissance, en France, de cette décision, n'était pas manifestement contraire à l'ordre public.(…)

REJETTE le pourvoi (…)".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 8 déc. 2021, n° 20-14178

Motifs :

"Vu les articles 8 et 9, § 1 et § 2, du règlement (CE) n° 593/2008, du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) :

(…)

9. Selon l'article 3, § 1, de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises établies dans un État membre qui, dans le cadre d'une prestation de services transnationale, détachent des travailleurs, conformément à l'article 1er, § 3, de cette directive, sur le territoire d'un État membre garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d'emploi concernant les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés annuels payés, ainsi que les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires qui, dans l'État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par des conventions collectives.

10. Conformément au considérant 34 du règlement n° 593/2008, la règle relative au contrat individuel de travail que ce dernier prévoit ne devrait pas porter atteinte à l'application des lois de police du pays de détachement, prévue par la directive 96/71.

11. Pour condamner la société à payer au salarié [affecté au Qatar] certaines sommes à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte au repos, d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos, de rappel d'heures supplémentaires et de droits à congés payés afférents, l'arrêt retient que la législation sur la durée du travail est constitutive en France d'une loi de police.

12. En statuant ainsi, alors que, en dehors des situations de détachement de travailleurs sur le territoire français, relevant de la directive 96/71, la législation française sur la durée du travail ne constitue pas une loi de police mais relève des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord au sens de l'article 8, § 1, du règlement n° 593/2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés."

Rome I (règl. 593/2008)

CCIP-CA, 3 juin 2020, RG n° 19/03758

Motifs : "59 - En l'occurrence, si les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce, qui impliquent qu'une entreprise installée en France ne cause pas de dommage en rompant brutalement une relation commerciale établie, contribuent à la moralisation de la vie des affaires et sont susceptibles également de contribuer au meilleur fonctionnement de la concurrence, elles visent davantage à la sauvegarde les intérêts privés d'une partie, de sorte qu'elles ne peuvent être regardées comme cruciales pour la sauvegarde de l'organisation économique du pays au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application.

60 - Dés lors, ces dispositions ne constituent pas une loi de police au sens de l'article 9 du règlement Rome I.". 

Rome I (règl. 593/2008)

Com., 8 juil. 2020, n° 17-31536

Motifs : "11. Après avoir relevé que le régime spécifique commun aux délits civils prévus par l'article L. 442-6 du code de commerce se caractérise par l'intervention, prévue au III de cet article, du ministre chargé de l'économie pour la défense de l'ordre public, et souligné que les instruments juridiques dont celui-ci dispose, notamment pour demander le prononcé de sanctions civiles, illustrent l'importance que les pouvoirs publics accordent à ces dispositions, la cour d'appel a exactement retenu que l'article L. 442-6, I, 2° et II, d) du code de commerce prévoit des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial pour la préservation d'une certaine égalité des armes et loyauté entre partenaires économiques et qui s'avèrent donc indispensables pour l'organisation économique et sociale de la France, ce dont elle a déduit, à bon droit, qu'elles constituent des lois de police dont l'application, conformément tant à l'article 9 du règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles qu'à l'article 16 du règlement (CE) n° 864/2007 (…), s'impose au juge saisi, sans qu'il soit besoin de rechercher la règle de conflit de lois conduisant à la détermination de la loi applicable. 

12. Ayant ensuite relevé que les hôtels signataires des contrats en cause et victimes des pratiques alléguées étaient situés sur le territoire français, la cour d'appel a caractérisé un lien de rattachement de l'action du ministre au regard de l'objectif de préservation de l'organisation économique poursuivi par les lois de police en cause".

Rome I (règl. 593/2008)

Com., 8 juil. 2020, n° 17-31536

Motifs : "11. Après avoir relevé que le régime spécifique commun aux délits civils prévus par l'article L. 442-6 du code de commerce se caractérise par l'intervention, prévue au III de cet article, du ministre chargé de l'économie pour la défense de l'ordre public, et souligné que les instruments juridiques dont celui-ci dispose, notamment pour demander le prononcé de sanctions civiles, illustrent l'importance que les pouvoirs publics accordent à ces dispositions, la cour d'appel a exactement retenu que l'article L. 442-6, I, 2° et II, d) du code de commerce prévoit des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial pour la préservation d'une certaine égalité des armes et loyauté entre partenaires économiques et qui s'avèrent donc indispensables pour l'organisation économique et sociale de la France, ce dont elle a déduit, à bon droit, qu'elles constituent des lois de police dont l'application, conformément tant à l'article 9 du règlement (CE) n° 593/2008 (…) qu'à l'article 16 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, s'impose au juge saisi, sans qu'il soit besoin de rechercher la règle de conflit de lois conduisant à la détermination de la loi applicable. 

12. Ayant ensuite relevé que les hôtels signataires des contrats en cause et victimes des pratiques alléguées étaient situés sur le territoire français, la cour d'appel a caractérisé un lien de rattachement de l'action du ministre au regard de l'objectif de préservation de l'organisation économique poursuivi par les lois de police en cause".

Rome I (règl. 593/2008)

Com., 8 juil. 2020, n° 17-31536

Motifs : "11. Après avoir relevé que le régime spécifique commun aux délits civils prévus par l'article L. 442-6 du code de commerce se caractérise par l'intervention, prévue au III de cet article, du ministre chargé de l'économie pour la défense de l'ordre public, et souligné que les instruments juridiques dont celui-ci dispose, notamment pour demander le prononcé de sanctions civiles, illustrent l'importance que les pouvoirs publics accordent à ces dispositions, la cour d'appel a exactement retenu que l'article L. 442-6, I, 2° et II, d) du code de commerce prévoit des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial pour la préservation d'une certaine égalité des armes et loyauté entre partenaires économiques et qui s'avèrent donc indispensables pour l'organisation économique et sociale de la France, ce dont elle a déduit, à bon droit, qu'elles constituent des lois de police dont l'application, conformément tant à l'article 9 du règlement (CE) n° 593/2008 (…) qu'à l'article 16 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, s'impose au juge saisi, sans qu'il soit besoin de rechercher la règle de conflit de lois conduisant à la détermination de la loi applicable. 

12. Ayant ensuite relevé que les hôtels signataires des contrats en cause et victimes des pratiques alléguées étaient situés sur le territoire français, la cour d'appel a caractérisé un lien de rattachement de l'action du ministre au regard de l'objectif de préservation de l'organisation économique poursuivi par les lois de police en cause".

Rome I (règl. 593/2008)

Com., 7 mai 2019, n° 17-27229

Motifs : " Attendu [...] 2°/ que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce constitue une loi de police qui s'applique à toute relation commerciale nouée et poursuivie en France par des opérateurs économiques français ; qu'en ne se fondant, pour écarter l'application au litige de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, que sur l'absence d'un lien de rattachement avec la France des relations contractuelles ayant existé entre les sociétés CenCar et Rotosiam, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'existence d'une relation commerciale, même informelle, nouée et poursuivie en France par le groupe S... et la société Carrefour, opérateurs économiques français, qui était expressément invoquée par les parties en demande, ne suffisait pas à justifier l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, loi de police française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l'article 16 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles; [...] 

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que les documents contractuels existants concernent exclusivement les sociétés CenCar et Rotosiam et que les sociétés Carrefour et CenCar sont deux personnes morales distinctes, la seconde fût-elle une filiale à 100 % de la première, ce dont elle a exactement déduit que la rupture brutale alléguée concernait la relation commerciale ayant existé entre les sociétés Rotosiam et CenCar de sorte que la société Carrefour devait être mise hors de cause, la cour d'appel a, par ces seuls motifs rendant inopérants l'ensemble des griefs du moyen, justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli".

Rome II (règl. 864/2007)

CE, 1e et 4e ch. réunies, 17 juin 2019, n° 417837

Motif 4 : "En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date du manquement relevé à l'encontre de M. B... : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France". Ces dispositions s'appliquent en tant que loi de police à tout travail salarié exécuté en France, sans qu'y fassent obstacle les circonstances que le contrat de travail est régi par une autre loi choisie par les parties, a été conclu dans un autre pays ou est principalement exécuté hors de France. En conséquence, ainsi d'ailleurs que le prévoit l'article 9 du règlement [Rome I], le respect de l'article L. 8251-1 du code du travail s'imposait en France à l'employeur de M.C..., alors même que ce dernier était titulaire d'un contrat de travail soumis à la loi belge. Il en résulte que la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que M. C...était titulaire d'un tel contrat était sans incidence sur le bien-fondé de la contribution en litige, infligée au motif qu'il était démuni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France".

Rome I (règl. 593/2008)

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