Contrat de travail

CJUE, 10 sept. 2015, Holterman Ferho, Aff. C-47/14

Aff. C-47/14, Concl. P. Cruz-Villallon

Motif 70 : "Par conséquent, dans la mesure où le droit national permet de fonder une demande de la société contre son ancien gérant sur un prétendu comportement illicite, une telle demande est susceptible de relever de la «matière délictuelle ou quasi-délictuelle» au sens de la règle de compétence visée à l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 seulement si elle ne se rattache pas à la relation juridique de nature contractuelle entre la société et le gérant".

Motif 71 : "Si, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles du gérant, il conviendra de conclure que la juridiction compétente pour se prononcer sur ce comportement est celle désignée à l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001. Dans le cas inverse, la règle de compétence énoncée à l’article 5, point 3, de ce règlement s’applique (voir, par analogie, arrêt Brogsitter, C‑548/12, [...] points 24 à 27)".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 10 sept. 2015, Holterman Ferho, Aff. C-47/14

Aff. C-47/14, Concl. P. Cruz-Villallon

Motif 53 : "Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 46 de ses conclusions, M. Spies von Büllesheim et Holterman Ferho Exploitatie ont librement assumé des engagements mutuels en ce sens que M. Spies von Büllesheim a choisi de diriger et de gérer cette société et celle-ci a pris l’obligation de rémunérer cette activité, de sorte qu’il peut être considéré que leur relation est de nature contractuelle et, par conséquent, que l’action de la société contre son ancien gérant en raison du prétendu manquement à son obligation d’exercer correctement les fonctions lui incombant en droit des sociétés relève de la notion de «matière contractuelle» au sens de l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001".

Motif 54 : "En effet, il apparaît, à cet égard, que l’activité d’un gérant crée des liens étroits de même type que ceux qui s’établissent entre les parties à un contrat et qu’il est, par la suite, légitime de considérer que l’action de la société contre son ancien gérant en raison du prétendu manquement à son obligation d’exercer correctement les fonctions lui incombant en droit des sociétés relève de la notion de «matière contractuelle» au sens de l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001 (voir, par analogie, arrêt Peters Bauunternehmung, 34/82, [...] point 13)".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 10 sept. 2015, Holterman Ferho, Aff. C-47/14

Aff. C-47/14, Concl. P. Cruz-Villallon

Motif 39 : En ce qui concerne l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, disposition qui a servi de fondement à l’adoption des articles 18 à 21 du règlement n° 44/2001, la Cour a déjà jugé que les contrats de travail présentent certaines particularités en ce qu’ils créent un lien durable qui insère le travailleur dans le cadre d’une certaine organisation des affaires de l’entreprise ou de l’employeur et en ce qu’ils se localisent au lieu de l’exercice des activités, lequel détermine l’application de dispositions de droit impératif et des conventions collectives (arrêt Shenavai, 266/85[...] point 16).

Motif 40 : Cette interprétation est corroborée par le point 41 du rapport de MM. Jenard et Möller, sur la convention (de Lugano), selon lequel, s’agissant de la notion autonome de «contrat de travail», on peut considérer qu’elle suppose un lien de dépendance du travailleur à l’égard de l’employeur.

Motif 41 : Par ailleurs, s’agissant de la notion de «travailleur», la Cour a jugé, à titre d’interprétation de l’article 45 TFUE ainsi que de plusieurs actes législatifs de l’Union, tels que la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992 [...], que la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération (voir, dans le contexte de la libre circulation des travailleurs, arrêt Lawrie-Blum, 66/85, [...] points 16 et 17, ainsi que, dans celui de la directive 92/85, arrêt Danosa, C‑232/09, [...], point 39).

Motif 42 : Il convient de tenir compte de ces éléments également à l’égard de la notion de «travailleur» au sens de l’article 18 du règlement n° 44/2001.

Motif 43 : Pour ce qui est de la finalité du chapitre II, section 5, du règlement n° 44/2001, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 13 de celui-ci, ce règlement vise à assurer aux parties les plus faibles des contrats, dont les contrats de travail, une protection renforcée, dérogeant aux règles générales de compétence.

Motif 44 : Il importe, à cet égard, de rappeler que les dispositions figurant à ladite section 5 présentent un caractère non seulement spécifique, mais encore exhaustif (arrêt Glaxosmithkline et Laboratoires Glaxosmithkline, C‑462/06[...] point 18).

Motif 45 : C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, en s’appuyant sur les critères rappelés aux points 39 et 41 du présent arrêt, si, en l’occurrence, M. Spies von Büllesheim, en sa qualité de directeur et de gérant de Holterman Ferho Exploitatie, a accompli pendant un certain temps, en faveur de cette société et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles il percevait une rémunération et était lié par un lien durable qui l’insérait dans le cadre d’une certaine organisation des affaires de cette société.

Motif 46 : S’agissant plus précisément du lien de subordination, l’existence d’un tel lien doit être appréciée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations existant entre les parties (arrêt Balkaya, C‑229/14, [...] point 37).

Motif 47 : Il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner dans quelle mesure M. Spies von Büllesheim était, en sa qualité d’actionnaire de Holterman Ferho Exploitatie, à même d’influer sur la volonté de l’organe d’administration de cette société dont il était gérant. Dans cette hypothèse, il y aura lieu d’établir qui était compétent pour lui donner des instructions et pour contrôler la mise en œuvre de celles-ci. S’il devait s’avérer que cette capacité d’influence de M. Spies von Büllesheim sur ledit organe n’était pas négligeable, il conviendrait de conclure à l’absence d’un lien de subordination au sens de la jurisprudence de la Cour sur la notion de travailleur.

Motif 48 : Dans le cas où la juridiction de renvoi devait, à l’issue de l’examen de l’ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, constater que M. Spies von Büllesheim a, en sa qualité de directeur et de gérant, été lié à Holterman Ferho Exploitatie par un «contrat individuel de travail» au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001, il lui appartiendrait d’appliquer les règles de compétence prévues au chapitre II, section 5, du règlement n° 44/2001.

Dispositif 1 (et motif 49) : Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que les dispositions du chapitre II, section 5 (articles 18 à 21), du règlement n° 44/2001 doivent être interprétées en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle une société assigne en justice une personne ayant exercé les fonctions de directeur et de gérant de cette société afin de faire constater des fautes commises par cette personne dans l’exercice de ses fonctions et d’en obtenir réparation, elles font obstacle à l’application de l’article 5, points 1 et 3, de ce règlement à condition que ladite personne ait, en sa qualité de directeur et de gérant, accompli pendant un certain temps en faveur de cette société et sous la direction de celle-ci des prestations en contrepartie desquelles elle percevait une rémunération, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Ch. mixte, 11 mars 2005, n° 02-41372 [Conv. Bruxelles]

Motifs : "(…) le défendeur, assigné devant une juridiction de l'Etat de son domicile conformément à l'article 2 de la convention [de Bruxelles], n'est pas en droit, pour écarter la compétence internationale de ce juge, de se prévaloir des compétences spéciales de la section 2 du titre II de cette convention, et, notamment, de son article 5, 1), qui permet au seul demandeur de l'attraire, dans un autre Etat contractant, devant le tribunal du lieu d'exécution de l'obligation ; qu'en l'espèce, la société Codéviandes, dont le siège est situé en France, ayant été attraite devant une juridiction de l'Etat de son domicile, n'était pas fondée à invoquer la compétence spéciale du lieu d'exécution du contrat de travail pour revendiquer la compétence du tribunal de Maastricht, situé dans un autre Etat contractant".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Ch. mixte, 11 mars 2005, n° 02-41371 [Conv. Bruxelles]

Motifs : "(…) le défendeur, assigné devant une juridiction de l'Etat de son domicile conformément à l'article 2 de la convention [de Bruxelles], n'est pas en droit, pour écarter la compétence internationale de ce juge, de se prévaloir des compétences spéciales de la section 2 du titre II de cette convention, et, notamment, de son article 5, 1), qui permet au seul demandeur de l'attraire, dans un autre Etat contractant, devant le tribunal du lieu d'exécution de l'obligation ; qu'en l'espèce, la société Codéviandes, dont le siège est situé en France, ayant été attraite devant une juridiction de l'Etat de son domicile, n'était pas fondée à invoquer la compétence spéciale du lieu d'exécution du contrat de travail pour revendiquer la compétence du tribunal de Maastricht, situé dans un autre Etat contractant".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Ch. Mixte, 11 mars 2005, n° 02-41372 [Conv. Bruxelles, art. 5.1]

Motif : "(...) les règles de droit interne ne sont pas applicables pour la détermination de la compétence internationale du juge saisi d'un litige d'ordre international intra-communautaire, soumis aux dispositions de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée par la convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989 ; (...) le défendeur, assigné devant une juridiction de l'Etat de son domicile conformément à l'article 2 de la convention précitée, n'est pas en droit, pour écarter la compétence internationale de ce juge, de se prévaloir des compétences spéciales de la section 2 du titre II de cette convention, et, notamment, de son article 5, 1), qui permet au seul demandeur de l'attraire, dans un autre Etat contractant, devant le tribunal du lieu d'exécution de l'obligation ; (...) la société Codéviandes, dont le siège est situé en France, ayant été attraite devant une juridiction de l'Etat de son domicile, n'était pas fondée à invoquer la compétence spéciale du lieu d'exécution du contrat de travail pour revendiquer la compétence du tribunal de Maastricht, situé dans un autre Etat contractant ; que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux justement critiqués, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 5 mars 2014, n° 12-13231

Motif : "Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de travail écrit conclu entre le salarié et la société mère danoise ne faisait pas obstacle à ce que la société Kim Johansen transports puisse être qualifiée d'employeur, dès lors que le salarié était en mesure d'apporter la preuve qu'il était sous la subordination de cette société française, et constaté que les ordres de mission confiés au salarié ont été exécutés dans le cadre d'une relation de subordination et donc d'un contrat de travail liant ces deux parties, la cour d'appel, devant laquelle seule était discutée l'existence de ce lien de subordination entre la société française et le salarié, a, en retenant la compétence du conseil de prud'hommes, fait une juste application des dispositions de l'article 19 du Règlement CE n° 44/2001 ; que le moyen n'est pas fondé".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 27 nov. 2013, n° 12-24880

Motif : "Mais attendu qu'il résulte de l'article 19, paragraphe 2, a), du Règlement (CE) n° 44/2001 (...) qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; que le lieu de travail habituel est l'endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l'intégralité de la période d'activité du travailleur ; qu'en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité devrait être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ;

Et attendu qu'ayant constaté qu'il ressort des pièces versées aux débats et notamment des termes de son dernier contrat de travail entré en vigueur le 1er novembre 2009 que l'autorisation d'exécuter pour partie sa prestation de travail à son domicile situé à Slough, obtenue par le salarié de ses supérieurs hiérarchiques en 2008, n'a pas remis en cause la localisation de son emploi dans le service Global Banking & Markets à Londres, que l'employeur n'a jamais donné son accord à un transfert en France du lieu de travail de son salarié, la tolérance dont il a bénéficié pour travailler chez lui une partie de la semaine alors qu'il n'était plus domicilié au Royaume-Uni ne pouvant s'analyser qu'en une dérogation précaire aux termes du contrat fixant la localisation de son poste de travail au sein du service Global Banking & Markets à Londres, et que, par ailleurs, sur l'ensemble de la période d'activité du salarié employé du 5 février 2007 au 29 décembre 2010, celui-ci a accompli la majeure partie de son temps de travail dans les locaux du service Global Banking & Markets à Londres qui est constamment demeuré le centre effectif de ses activités professionnelles, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'en l'absence de volonté claire des parties, il n'a pas été convenu que le travailleur exercerait de façon stable et durable ses activités à son domicile en France et que le service Global Banking & Markets à Londres était resté le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de l'article 19, paragraphe 2, a), du Règlement (CE) n° 44/2001".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 31 oct. 2013, n° 12-16562

Motif : "Attendu que pour déclarer compétente la juridiction française, la cour d'appel retient que le règlement (CE) n° 44/2001 (...) n'a pas pour effet d'écarter l'application des dispositions légales impératives du code du travail, qu'en outre l'article 19 du Règlement dispose qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre, peut être attrait devant le tribunal du lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur et que la gestion des ressources humaines, qui intègre la décision de procéder à l'embauche des salariés du groupe Geos, dépend de la société Geos située à Montrouge ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le salarié n'avait pas accompli habituellement son travail dans le même pays, en exécution du contrat de travail conclu le 1er août 2008 et rompu le 6 octobre 2009, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 26 juin 2013, n° 12-15287

Motif : "Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'il est stipulé au contrat de travail que le salarié accepte de travailler pour la société Transalliance Iberica, au centre de travail de la Junquera pour le transport aussi bien national qu'international, que s'il verse aux débats des disques chronotachygraphes faisant apparaître qu'il effectuait des transports ayant un point de départ et un point d'arrivée en France ainsi que des fiches de frais concernant des semaines où il n'avait circulé qu'en France, le relevé de l'activité complète du salarié au cours de l'année 2008 produit par la société Transalliance Iberica établit que sur cent soixante et onze transports effectués par le salarié, quatre vingt-seize ont été réalisés au départ ou en direction de l'Espagne et soixante-quinze uniquement sur le territoire français, que le fait que le salarié stationne son ensemble routier dans l'agglomération de Moulins, tel que cela résulte des attestations versées aux débats, démontre simplement que le salarié rentrait à son domicile avec son camion pour y passer le week-end mais ne permet en rien d'en déduire que Moulins était le lieu à partir duquel était organisée son activité pour le compte de l'employeur, lequel ne possède aucun établissement en France ; qu'elle a, sans encourir les griefs du moyen, fait une exacte application des dispositions de l'article 19 du Règlement CE n° 44/2001 telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, selon laquelle, dans l'impossibilité de déterminer un lieu principal d'activité dans un Etat membre, le salarié doit saisir le tribunal du lieu de l'établissement qui l'a embauché ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

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