Motif 37 : "Afin de déterminer si la juridiction qui a rendu une décision d’injonction de payer sur le fondement du droit national est également compétente pour délivrer une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires [conformément à l'article 6 § 4 du règlement], il y a lieu de vérifier si la « décision », la « transaction judiciaire » ou l’« acte authentique », que le créancier a obtenus dans l’État membre d’origine, doivent, au sens du règlement no 655/2014, être pourvus de force exécutoire".
Motif 40 : "Concernant l’analyse du contexte dans lequel s’inscrit ladite disposition, l’article 7 du règlement no 655/2014, lu en combinaison avec le considérant 14 de celui-ci, vise à établir un juste équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur, en ce qu’il prévoit des conditions différentes pour la délivrance de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires selon que le créancier a déjà obtenu ou non un titre exigeant du débiteur le paiement de sa créance dans l’État membre d’origine. En particulier, dans le premier cas, le créancier ne doit démontrer que le caractère urgent de la mesure du fait de l’existence d’un danger imminent, tandis que, dans le second cas, il doit également convaincre la juridiction du fumus boni iuris".
Motif 41 : "Comme M. l’avocat général l’a souligné aux points 68 et 69 de ses conclusions, une interprétation de l’article 4, points 8 à 10, du règlement no 655/2014, selon laquelle le titre obtenu par le créancier qui n’est pas exécutoire dans l’État membre d’origine constituerait une « décision », un « acte authentique » ou une « transaction judiciaire », au sens de ladite disposition, serait susceptible de porter atteinte à l’équilibre visé au point précédent du présent arrêt".
Motif 42 : "Par ailleurs, cette interprétation est corroborée par le libellé de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 655/2014, lu en combinaison avec son considérant 20, qui prévoit que la demande d’obtention d’informations sur les comptes bancaires du débiteur peut être introduite en présence notamment d’un titre exécutoire. Une telle demande peut être fondée sur un titre non exécutoire à titre d’exception et seulement si certaines conditions plus strictes sont remplies".
Motif 43 : "Les travaux préparatoires du règlement no 655/2014 confirment également une telle interprétation. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale [COM(2011) 445 final], distinguait, d’une part, le cas dans lequel le créancier dispose déjà d’une décision, d’une transaction judiciaire ou d’un acte authentique exécutoire dans l’État membre d’exécution et, d’autre part, celui où le créancier n’a pas encore engagé de procédure judiciaire sur le fond ou lorsqu’il a obtenu un titre contre le défendeur qui est exécutoire dans l’État membre d’origine, mais qui n’a pas encore été déclaré exécutoire dans l’État membre d’exécution."
Motif 44 : "Or, cette distinction entre le caractère exécutoire des titres dans l’État membre d’origine et dans l’État membre d’exécution a été abandonnée par le législateur de l’Union et les conditions de délivrance de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires qui avaient été envisagées dans l’hypothèse où le créancier détiendrait déjà un titre exécutoire dans l’État membre d’origine ont été transférées de cette hypothèse à celle où le créancier détient un titre exigeant du débiteur le paiement de la créance. Ainsi, il ressort de l’analyse des travaux préparatoires du règlement no 655/2014 que, afin de pouvoir être considéré comme une « décision », une « transaction judiciaire » ou un « acte authentique », au sens dudit règlement, ce titre doit être exécutoire dans l’État membre d’origine".
Dispositif 1 (et motif 45) : "L’article 4, point 10, du règlement (UE) no 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une injonction de payer, telle que celle en cause au principal, qui n’est pas exécutoire, ne relève pas de la notion d’« acte authentique », au sens de cette disposition".