Motif 22 : "Il y a également lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un élément d’extranéité existe, en outre, lorsque la situation du litige concerné est de nature à soulever des questions relatives à la détermination de la compétence des juridictions dans l’ordre international (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2022, IRnova, C‑399/21, EU:C:2022:648, point 28 et jurisprudence citée)"
Motif 23 : "En l’occurrence, il convient de constater que, d’une part, le litige au principal répond à la définition de la notion de « litige transfrontalier », telle qu’indiquée au point 20 du présent arrêt, dès lors que les parties à ce litige sont établies dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction qui a été saisie sur la base de la convention attributive de juridiction en cause".
Motif 24 : "D’autre part, ainsi que l’ont fait valoir le gouvernement tchèque et la Commission européenne, le litige au principal soulève une question relative à la détermination de la compétence internationale, plus précisément celle de savoir si les juridictions compétentes pour connaître de ce litige sont celles de la République tchèque, ou celles de la République slovaque en tant qu’État membre dans lequel les deux parties contractantes sont établies".
Motif 25 : "Dans ces conditions, une situation juridique telle que celle en cause au principal présente un élément d’extranéité au sens de la jurisprudence rappelée au point 18 du présent arrêt, l’existence d’une convention attributive de juridiction en faveur des juridictions d’un État membre autre que celui dans lequel les parties contractantes sont établies démontrant, en elle-même, l’incidence transfrontière du litige au principal".
Motif 26 : "L’interprétation de l’article 25 du règlement n° 1215/2012 doit par ailleurs être effectuée à la lumière des objectifs de respect de l’autonomie des parties et de renforcement de l’efficacité des accords exclusifs d’élection de for, visés aux considérants 15, 19 et 22 de ce règlement".
Motif 28 : "(…) il y a lieu de relever que l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, selon laquelle une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal [une clause désignant les juridictions tchèques contenue dans un contrat liant deux parties domiciliées en Slovaquie] est couverte par cette disposition, répond à l’objectif de sécurité juridique poursuivi par ce règlement.
Motif 29 : En effet, d’une part, dans la mesure où des parties à un contrat, établies dans le même État membre, peuvent valablement convenir de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat, et ce sans qu’il soit nécessaire que ledit contrat présente des liens supplémentaires avec cet autre État membre, une telle possibilité contribue à assurer que le demandeur connaisse la juridiction qu’il peut saisir, que le défendeur prévoie celle devant laquelle il peut être attrait et que le juge saisi soit en mesure de se prononcer aisément sur sa propre compétence.
Motif 30 : D’autre part, l’applicabilité de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 à une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal réduit la possibilité de procédures concurrentes et évite que des décisions inconciliables ne soient rendues dans différents États membres, ainsi que le commande l’objectif d’un fonctionnement harmonieux de la justice, visé au considérant 21 de ce règlement.
Motif 31 : En effet, si, en l’occurrence, la juridiction compétente était déterminée non pas selon les dispositions du règlement n° 1215/2012, mais selon les règles nationales de droit international privé des États membres concernés, il existerait un risque accru de conflits de compétence préjudiciables à la sécurité juridique, l’application de ces règles nationales étant susceptible de conduire à des solutions divergentes.
Motif 32 : Il convient d’ajouter que l’objectif de sécurité juridique se trouverait également compromis si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 n’était applicable qu’à la condition qu’il existe, au-delà de la convention attributive de juridiction en faveur des juridictions d’un autre État membre, des éléments supplémentaires de nature à démontrer l’incidence transfrontière du litige concerné.
Motif 33 : En effet, dès lors qu’une telle condition implique que le juge saisi devrait vérifier l’existence de tels éléments supplémentaires et en apprécier la pertinence, non seulement se verrait réduite la prévisibilité pour les parties contractantes de la juridiction compétente pour connaître de leur litige, mais l’examen, par le juge saisi, de sa propre compétence serait rendu plus complexe.
Motif 34 : Or, la Cour a déjà jugé, dans ce contexte, que le choix de la juridiction désignée dans une convention attributive de juridiction ne peut être apprécié qu’au regard de considérations qui se rattachent aux exigences établies à l’article 25 du règlement n° 1215/2012, des considérations relatives aux liens entre la juridiction désignée et le rapport litigieux ou au bien-fondé de la convention attributive de juridiction étant étrangères à ces exigences (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 1999, Castelletti, C‑159/97, EU:C:1999:142, point 5 du dispositif).
Motif 35 : Il y a lieu de souligner, par ailleurs, que l’applicabilité de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 à une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal reflète la confiance réciproque dans l’administration de la justice au sein de l’Union, visée au considérant 26 de ce règlement, et contribue ainsi à maintenir et à développer un espace de liberté, de sécurité et de justice, entre autres en facilitant l’accès à la justice, au sens du considérant 3 dudit règlement.
Motif 36 : Enfin, la règle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de la convention de La Haye, du 30 juin 2005, sur les accords d’élection de for, convention figurant à l’annexe I de la décision 2009/397/CE du Conseil, du 26 février 2009, relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur les accords d’élection de for (JO 2009, L 133, p. 1), et approuvée par la décision 2014/887/UE du Conseil, du 4 décembre 2014 (JO 2014, L 353, p. 5), ne vient pas infirmer cette interprétation. En vertu de cette disposition, « une situation est internationale sauf si les parties résident dans le même État contractant et si les relations entre les parties et tous les autres éléments pertinents du litige, quel que soit le lieu du tribunal élu, sont liés uniquement à cet État ».
Motif 37 : À cet égard, il convient de relever que, comme l’a fait valoir la Commission, la règle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de cette convention reflète un choix propre aux auteurs de celle-ci, opéré au regard de la nécessité d’apporter une solution susceptible d’emporter une large adhésion au niveau international.
Dispositif (et point 39) : L’article 25, paragraphe 1, du règlement [Bruxelles I bis], doit être interprété en ce sens que : une convention attributive de juridiction par laquelle les parties à un contrat établies dans un même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat relève de cette disposition, même si ledit contrat ne comporte aucun autre lien avec cet autre État membre".