Pluralité de défendeurs

CJUE, 10 juill. 2025, [Chmieka], Aff. C-99/24

Motif 71 : "Dès lors que cette règle de compétence spéciale [de l’article 6, point 1] déroge à la compétence de principe du for du domicile du défendeur énoncée à l’article 2 du règlement n° 44/2001, elle doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Pour que des décisions puissent être considérées comme étant « inconciliables », au sens de l’article 6, point 1, de ce règlement, il doit exister une divergence dans la solution des litiges qui s’inscrive dans le cadre d’une même situation de fait et de droit. La seule circonstance que le résultat de l’une des procédures concernées puisse avoir une influence sur celui de l’autre ne suffit pas pour qualifier d’« inconciliables » les décisions à rendre dans le cadre de ces deux procédures (voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2016, Profit Investment SIM, C‑366/13, EU:C:2016:282, points 63, 65 et 66, ainsi que du 13 février 2025, Athenian Brewery et Heineken, C‑393/23, EU:C:2025:85, points 21 et 22 ainsi que jurisprudence citée)."

Motif 72 : "En outre, cet article 6, point 1, ne saurait permettre à un requérant de former une demande contre plusieurs défendeurs à la seule fin de soustraire l’un de ces défendeurs aux tribunaux de l’État où il est domicilié et, ainsi, de détourner la règle de compétence figurant à cette disposition. La juridiction saisie ne peut constater un tel détournement qu’en présence d’indices probants lui permettant d’établir que le demandeur a créé ou maintenu de manière artificielle les conditions d’application de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2025, Athenian Brewery et Heineken, C‑393/23, EU:C:2025:85, points 23 et 24 ainsi que jurisprudence citée)."

Motif 75 : "Sous réserve des vérifications qu’il incombe à cette juridiction d’opérer, force est de constater qu’il paraît peu probable qu’il ait existé, à la date de l’introduction de ce recours, une même situation de fait et de droit dont il découlerait un risque que des décisions « inconciliables », au sens de l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, soient rendues dans différents États membres si les demandes en cause étaient jugées séparément, ce qui justifierait de faire application de la règle de compétence spéciale prévue à cette disposition."

Motif 76 : "En effet, les demandes d’indemnisation formées par la requérante au principal contre les quatre personnes visées par ledit recours sont, certes, liées entre elles par leur objet, le but de ces demandes étant identique. Toutefois, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu des dispositions de droit polonais applicables, d’une part, ces demandes sont dissociables dans la mesure où des jugements différents pourraient être rendus à l’égard de ces personnes, en fonction de l’occupation ou non par chacune de celles‑ci du logement concerné pendant la période pertinente, et, d’autre part, il n’existe pas de responsabilité solidaire entre elles, ce qui paraît impliquer un examen individuel des faits reprochés. Dans ses observations écrites, le gouvernement polonais semble confirmer, en substance, que le droit national permet d’adopter des décisions individualisées à l’égard desdites personnes, selon qu’il résulte des constatations factuelles de la juridiction saisie que chacune d’entre elles occupait ou non le logement concerné." 

Motif 77 : "Ainsi, il convient d’interpréter l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001 en ce sens que cette disposition n’est applicable que si, à la date de l’introduction d’une action par laquelle un demandeur a attrait plusieurs défendeurs devant une juridiction d’un État membre, il existait une même situation de fait et de droit induisant qu’il y aurait intérêt à instruire et à juger toutes les demandes formées contre ces défendeurs en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si ces demandes étaient jugées séparément dans différents États membres, ce qu’il appartient à la juridiction saisie de vérifier."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 7 sept. 2023, Beverage City & Lifestyle GmbH e.a. c. Advance Magazine Publishers, Aff. C-832/21

Aff. C-832/21, Concl. J. Richard de la Tour

Dispositif : "L’article 8, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : plusieurs défendeurs domiciliés dans différents États membres peuvent être attraits devant la juridiction du domicile de l’un d’eux saisie, dans le cadre d’une action en contrefaçon, de demandes formées contre l’ensemble de ces défendeurs par le titulaire d’une marque de l’Union européenne lorsqu’il leur est reproché une atteinte matériellement identique à cette marque commise par chacun, dans le cas où ces défendeurs sont liés par un contrat de distribution exclusive."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11085

Motifs : "Vu l'article 8, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…)  

4. La Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 12 juillet 2012, aff. C-616/10) a dit pour droit, à propos de l'article 6, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, rédigé en des termes identiques à l'article 8 point 1 précité, que ce texte « doit être interprété en ce sens qu'une situation dans laquelle deux ou plusieurs sociétés établies dans différents États membres sont accusées, chacune séparément, dans une procédure pendante devant une juridiction d'un de ces États membres, de contrefaçon à la même partie nationale d'un brevet européen, tel qu'en vigueur dans un autre État membre, en raison d'actes réservés concernant le même produit, est susceptible de conduire à des solutions inconciliables si les causes étaient jugées séparément, au sens de cette disposition. Il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier l'existence d'un tel risque en tenant compte de tous les éléments pertinents du dossier. » 

5. Pour déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître des actes de contrefaçon commis par la société Tyron Runflat en dehors du territoire français, l'arrêt retient que les atteintes prétendument portées en Grande Bretagne et en Allemagne aux parties anglaise et allemande de son brevet européen ne relèvent pas de la même situation de droit que celles portées à la partie française du brevet et que les produits incriminés en France et ceux qui le sont hors du territoire français ne sont pas les mêmes, de sorte qu'il n'y a pas identité de situation de droit et de fait dans les demandes portant sur des actes de contrefaçon commis sur le territoire français et en dehors du territoire, les décisions relatives aux demandes risquant d'être divergentes mais pas inconciliables. 

6. En statuant ainsi, alors que la société Hutchinson invoquait les atteintes portées par les sociétés françaises et la société Tyron, en France, en Allemagne et en Grande Bretagne, aux mêmes parties nationales de son brevet européen, concernant le même produit, la cour d'appel, à qui il appartenait de rechercher si le fait de juger séparément les actions en contrefaçon n'était pas susceptible de conduire à des solutions inconciliables, a violé le texte susvisé".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 17 mars 2020, n° 19/20298, 19/22117

Motif  103 : "L’article 8-1° du Règlement Bruxelles I Bis ne peut non plus conduire à désigner le tribunal de commerce de Paris puisque ce texte prévoit uniquement la possibilité d'attraire un litige, en cas de pluralité de défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un des défendeurs et qu'en l'espèce les défendeurs sont domiciliés soit en Grèce, soit au Luxembourg, soit au Royaume-Uni, aucun n’étant domicilié dans le ressort du tribunal de commerce de Paris".

Motif 104 : "Il convient en outre de considérer que cet article n'a pas vocation à être combiné avec l'article 25 dudit Règlement et ainsi permettre par un cumul des règles de compétence, le regroupement d’un litige mettant en cause une pluralité de défendeurs devant le tribunal désigné par une clause attributive de juridiction qui ne lie que certains d'entre eux".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 17 mars 2020, n° 19/20298, 19/22117

Motif  103 : "L’article 8-1° du Règlement Bruxelles I Bis ne peut non plus conduire à désigner le tribunal de commerce de Paris puisque ce texte prévoit uniquement la possibilité d'attraire un litige, en cas de pluralité de défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un des défendeurs et qu'en l'espèce les défendeurs sont domiciliés soit en Grèce, soit au Luxembourg, soit au Royaume-Uni, aucun n’étant domicilié dans le ressort du tribunal de commerce de Paris".

Motif 104 : "Il convient en outre de considérer que cet article n'a pas vocation à être combiné avec l'article 25 dudit Règlement et ainsi permettre par un cumul des règles de compétence, le regroupement d’un litige mettant en cause une pluralité de défendeurs devant le tribunal désigné par une clause attributive de juridiction qui ne lie que certains d'entre eux".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 3 juin 2020, RG n° 19/20734

Motifs : "44. (…) la CJUE rappelle de manière constante qu’une clause attributive de juridiction prime sur la compétence générale de l’article 4, sur les compétences spéciales de l’article 7 et sur les compétences dérivées de l’article 8 à l’égard des parties à la clause (arrêts CJCE, 14 décembre 1976, Segoura, 25/76, pt. 6 et Salotti, 24/76, pt. 7 et récemment l’arrêt CJUE, 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C352/13, pts. 59 et suiv. et arrêt CJUE, 28 juin 2017, Leventis, affaire C-436/16, points 39 et suivants).

45. En particulier, l’article 25 prime sur l’article 8.1 du règlement concernant la pluralité de défendeurs et la pluralité des demandes.

46. L’article 8.1 est d’interprétation stricte et le risque de décisions contradictoires est réglé par différents mécanismes prévus par le règlement, notamment en cas de connexité ou de litispendance, nonobstant toute indivisibilité du litige, alléguée par la société Lamirault". 

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Article 8.1 [Pluralité de défendeurs]

Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite :

1) s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 17 oct. 2018, n° 16-23630

Motifs : "Mais attendu qu'après avoir énoncé que le contrat du 20 février 2006, qui désigne la société Natenco et M. X... sous le vocable unique « l'acheteur », attribue compétence, en cas de différend, à la juridiction du domicile de la partie défenderesse, l'arrêt retient que la société Theolia France, venant aux droits de la société Natenco, a son siège social en France et que les demandes formées contre celle-ci et contre M. X... sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la juridiction française ayant été saisie, conformément à la clause d'élection de for stipulée au contrat, était, abstraction faite du motif erroné tiré de l'article 6, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001, critiqué par le moyen, également compétente à l'égard de M. X... ; que le moyen n'est pas fondé".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 12 avr. 2018, n° 16-24866

Motifs : "Mais attendu que, conformément aux dispositions des articles 8 § 1 et 20 § 1 du Règlement n° 1215/2012 [...], dans le cas d'une action intentée contre l'employeur, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat membre est attrait, en présence de plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié soutenait avoir travaillé au service de l'entreprise utilisatrice pendant huit années dans le cadre de trente huit contrats de missions temporaires conclues avec son employeur, l'entreprise de travail temporaire, et que la relation de travail avait été rompue en janvier 2013, que les demandes indemnitaires étaient formées indifféremment et in solidum contre l'entreprise utilisatrice et contre l'entreprise de travail temporaire, de sorte qu'elles concernaient un seul et même litige; qu'en l'état de ces motifs, dont il résultait que les demandes, susceptibles d'entraîner des décisions contradictoires si elles étaient jugées séparément, s'inscrivaient dans le cadre d'une situation de fait et de droit unique, l'arrêt se trouve légalement justifié au regard des dispositions des articles 8 § 1 et 20 § 1 du Règlement".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 17 oct. 2018, n° 16-23630

Motifs : "Mais attendu qu'après avoir énoncé que le contrat du 20 février 2006, qui désigne la société Natenco et M. X... sous le vocable unique « l'acheteur », attribue compétence, en cas de différend, à la juridiction du domicile de la partie défenderesse, l'arrêt retient que la société Theolia France, venant aux droits de la société Natenco, a son siège social en France et que les demandes formées contre celle-ci et contre M. X... sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la juridiction française ayant été saisie, conformément à la clause d'élection de for stipulée au contrat, était, abstraction faite du motif erroné tiré de l'article 6, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001, critiqué par le moyen, également compétente à l'égard de M. X... ; que le moyen n'est pas fondé".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

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