Motif 71 : "Dès lors que cette règle de compétence spéciale [de l’article 6, point 1] déroge à la compétence de principe du for du domicile du défendeur énoncée à l’article 2 du règlement n° 44/2001, elle doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Pour que des décisions puissent être considérées comme étant « inconciliables », au sens de l’article 6, point 1, de ce règlement, il doit exister une divergence dans la solution des litiges qui s’inscrive dans le cadre d’une même situation de fait et de droit. La seule circonstance que le résultat de l’une des procédures concernées puisse avoir une influence sur celui de l’autre ne suffit pas pour qualifier d’« inconciliables » les décisions à rendre dans le cadre de ces deux procédures (voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2016, Profit Investment SIM, C‑366/13, EU:C:2016:282, points 63, 65 et 66, ainsi que du 13 février 2025, Athenian Brewery et Heineken, C‑393/23, EU:C:2025:85, points 21 et 22 ainsi que jurisprudence citée)."
Motif 72 : "En outre, cet article 6, point 1, ne saurait permettre à un requérant de former une demande contre plusieurs défendeurs à la seule fin de soustraire l’un de ces défendeurs aux tribunaux de l’État où il est domicilié et, ainsi, de détourner la règle de compétence figurant à cette disposition. La juridiction saisie ne peut constater un tel détournement qu’en présence d’indices probants lui permettant d’établir que le demandeur a créé ou maintenu de manière artificielle les conditions d’application de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2025, Athenian Brewery et Heineken, C‑393/23, EU:C:2025:85, points 23 et 24 ainsi que jurisprudence citée)."
Motif 75 : "Sous réserve des vérifications qu’il incombe à cette juridiction d’opérer, force est de constater qu’il paraît peu probable qu’il ait existé, à la date de l’introduction de ce recours, une même situation de fait et de droit dont il découlerait un risque que des décisions « inconciliables », au sens de l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, soient rendues dans différents États membres si les demandes en cause étaient jugées séparément, ce qui justifierait de faire application de la règle de compétence spéciale prévue à cette disposition."
Motif 76 : "En effet, les demandes d’indemnisation formées par la requérante au principal contre les quatre personnes visées par ledit recours sont, certes, liées entre elles par leur objet, le but de ces demandes étant identique. Toutefois, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu des dispositions de droit polonais applicables, d’une part, ces demandes sont dissociables dans la mesure où des jugements différents pourraient être rendus à l’égard de ces personnes, en fonction de l’occupation ou non par chacune de celles‑ci du logement concerné pendant la période pertinente, et, d’autre part, il n’existe pas de responsabilité solidaire entre elles, ce qui paraît impliquer un examen individuel des faits reprochés. Dans ses observations écrites, le gouvernement polonais semble confirmer, en substance, que le droit national permet d’adopter des décisions individualisées à l’égard desdites personnes, selon qu’il résulte des constatations factuelles de la juridiction saisie que chacune d’entre elles occupait ou non le logement concerné."
Motif 77 : "Ainsi, il convient d’interpréter l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001 en ce sens que cette disposition n’est applicable que si, à la date de l’introduction d’une action par laquelle un demandeur a attrait plusieurs défendeurs devant une juridiction d’un État membre, il existait une même situation de fait et de droit induisant qu’il y aurait intérêt à instruire et à juger toutes les demandes formées contre ces défendeurs en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si ces demandes étaient jugées séparément dans différents États membres, ce qu’il appartient à la juridiction saisie de vérifier."