Préjudice financier

CJUE, 9 juil. 2020, VKI [c. VW], Aff. C-343/19

Aff. C-343/19, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Motif 29 : "(…) dans la procédure au principal, il ressort du dossier dont dispose la Cour, sous réserve de l’appréciation des faits qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer, que le dommage allégué par le VKI consiste en une moins-value des véhicules en cause résultant de la différence entre le prix que l’acquéreur a payé pour un tel véhicule et la valeur réelle de celui-ci en raison de l’installation d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement."

Motif 30 : "Par conséquent, alors même que ces véhicules se trouvaient affectés d’un vice dès l’installation de ce logiciel, il y a lieu de considérer que le dommage invoqué ne s’est matérialisé qu’au moment de l’achat desdits véhicules, par leur acquisition pour un prix supérieur à leur valeur réelle".

Motif 31 : "Un tel préjudice, qui n’existait pas avant l’achat du véhicule par l’acquéreur final s’estimant lésé, constitue un dommage initial au sens de la jurisprudence rappelée au point 26 du présent arrêt et non une conséquence indirecte du préjudice éprouvé initialement par d’autres personnes au sens de la jurisprudence citée au point 27 du présent arrêt".

Motif 32 : "Par ailleurs, contrairement à ce que la juridiction de renvoi considère, ce dommage ne constitue pas non plus un préjudice purement patrimonial".

Motif 33 : "Certes, l’action en dommages et intérêts en cause au principal vise à obtenir une compensation de la réduction de la valeur des véhicules en cause estimée à 30 % de leur prix d’achat, c’est-à-dire une compensation financière quantifiable. Toutefois, ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans ses observations écrites, le fait que la demande de dommages et intérêts soit exprimée en euros ne signifie pas pour autant qu’il s’agisse d’un préjudice purement patrimonial. En effet, contrairement aux affaires ayant donné lieu aux arrêts du 10 juin 2004, Kronhofer (C‑168/02, EU:C:2004:364), du 28 janvier 2015, Kolassa (C‑375/13, EU:C:2015:37), ainsi que du 12 septembre 2018, Löber (C‑304/17, EU:C:2018:701), dans lesquelles des investissements financiers avaient entraîné une diminution des avoirs financiers des personnes concernées sans aucun lien avec un bien matériel, dans l’affaire au principal, est en cause un vice affectant des véhicules, lesquels sont des biens matériels".

Motif 34 : "Ainsi, plutôt que d’un préjudice purement patrimonial, il s’agit en l’occurrence d’un dommage matériel résultant en une perte de valeur de chaque véhicule concerné et découlant du fait que, avec la révélation de l’installation du logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement, le paiement effectué pour l’acquisition d’un tel véhicule a pour contrepartie un véhicule affecté d’un vice et, partant, ayant une valeur moindre."

Dispositif (et motif 40) : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, lorsque des véhicules ont été illégalement équipés dans un État membre par leur constructeur d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement avant d’être acquis auprès d’un tiers dans un autre État membre, le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État membre."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Concl., 2 avr. 2020, sur Q. préj. (AT), 30 avr. 2019, VKI c. Volkswagen, Aff. C-343/19

L’article 7, point 2), du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doit-il être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, on peut considérer comme « lieu où le fait dommageable s’est produit » le lieu, situé à l’intérieur d’un État membre, où s’est produit le préjudice si ce préjudice consiste exclusivement en une perte financière qui est la conséquence directe d’agissements susceptibles d’engager la responsabilité délictuelle survenus dans un autre État membre ?

Conclusions de l'AG M. Campos Sánchez-Bordona : 

"1) L’article 7, point 2), du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un acte illicite commis dans un État membre consiste en la manipulation d’un produit, dont la réalité est dissimulée et qui ne se manifeste que postérieurement à l’acquisition de ce produit, dans un autre État membre, à un prix supérieur à sa valeur réelle :

Français

CJUE, 12 sept. 2018, Helga Löber, aff. C-304/17

Motif 31 : "En l’occurrence, il apparaît que, dans leur ensemble, les circonstances particulières de l’affaire au principal concourent à attribuer une compétence aux juridictions autrichiennes".

Motif 32 : "En effet, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, Mme Löber est domiciliée en Autriche et tous les paiements relatifs à l’opération d’investissement en cause au principal ont été effectués à partir de comptes bancaires autrichiens, à savoir le compte bancaire personnel de Mme Löber et les comptes de règlement spécialement destinés à l’exécution de cette opération".

Motif 33 : "Par ailleurs, outre le fait que, dans le cadre de ladite opération, Mme Löber n’a traité qu’avec des banques autrichiennes, il ressort également de la décision de renvoi qu’elle a acquis les certificats sur le marché secondaire autrichien, que les informations qui lui ont été fournies au  sujet des certificats sont celles figurant dans le prospectus relatif à ceux-ci, tel que notifié à l’österreichische Kontrollbank (banque autrichienne de contrôle), et que c’est en Autriche que, sur le fondement de ces informations, elle a contracté l’obligation d’investir, qui a grevé de manière définitive son patrimoine".

Motif 34 : "En outre, l’attribution d’une compétence aux juridictions autrichiennes dans des circonstances telles que celles en cause au principal est conforme aux objectifs de prévisibilité des règles de compétence prévues par le règlement no 44/2001, de proximité entre les juridictions désignées par ces règles et le litige ainsi que de bonne administration de la justice, énoncés aux considérants 11 et 12 de ce règlement".

Motif 35 : "À cet égard, il convient notamment de rappeler que retenir comme étant le lieu de la matérialisation du dommage celui où se trouve établie la banque auprès de laquelle est ouvert le compte bancaire du demandeur sur lequel se réalise directement ce dommage répond à l’objectif du règlement n° 44/2001 visant à renforcer la protection juridique des personnes établies dans l’Union, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait, étant donné que l’émetteur d’un certificat qui ne remplit pas ses obligations légales relatives au prospectus doit, lorsqu’il décide de faire notifier le prospectus relatif à ce certificat dans d’autres États membres, s’attendre à ce que des opérateurs insuffisamment informés, domiciliés dans ces États membres, investissent dans ce certificat et subissent le dommage (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2015, Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 56)".

Dispositif (et motif 36) : "L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens que, dans une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle un investisseur introduit une action en responsabilité délictuelle dirigée contre une banque ayant émis un certificat dans lequel celui-ci a investi, du fait du prospectus relatif à ce certificat, les juridictions du domicile de cet investisseur sont, en tant que juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit, au sens de cette disposition, compétentes pour connaître de cette action, lorsque le dommage allégué consiste en un préjudice financier se réalisant directement sur un compte bancaire dudit investisseur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions et que les autres circonstances particulières de cette situation concourent également à attribuer une compétence auxdites juridictions".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 14 mars 2018, n° 16-27913 [Conv. Lugano II]

Motifs : "Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que l'action susceptible d'être engagée à l'encontre des consorts X... par la société Haras des Coudrettes était de nature quasi délictuelle et exactement énoncé que le dommage économique et financier allégué par cette dernière, qui n'était pas né d'un événement complexe, découlait immédiatement et directement de l'intrusion tumultueuse de l'étalon dans le box de la jument, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le lieu où était survenu le dommage, au sens de l'article 5, § 3, de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 [sic], était situé en Suisse, de sorte que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes pour connaître du fond ; que le moyen ne peut être accueilli ; (…)".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Com., 1er mars 2017, n° 14-25426

Motifs : "Vu l'article 5.3 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

Attendu que pour rejeter le contredit formé par les sociétés KA et KF, l'arrêt retient que, s'agissant de la demande subsidiaire de l'UMR à leur encontre pour avoir été complices de la diffusion sur le marché français par la société Barclay's des informations inexactes, le fait délictueux allégué, consistant en la diffusion d'informations incomplètes ou erronées par messages électroniques à destination de la France, étant réputé avoir été commis en France, les juridictions françaises sont également compétentes sur le fondement de l'article 5.3 du règlement ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser le fait délictueux retenu à l'encontre des sociétés KA et KF qui serait localisé en France ni les éléments de la localisation en France du dommage en résultant pour la société UMR, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 18 janv. 2017, n° 15-25661

Motifs : " [...] après avoir relevé, sans dénaturation, que le dommage initial était constitué par la remise de la lettre de change [après détournement et falsification] sur le compte ouvert dans les livres de la banque en Allemagne et par son paiement et que le débit de l'effet litigieux sur le compte de la société MDA, en France, n'en était que la conséquence, la cour d'appel en a exactement déduit que la survenance du dommage initial et la réalisation de l'événement causal à l'origine de celui-ci étaient localisés en Allemagne, ce qui excluait la compétence de la juridiction française".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 18 janv. 2017, n° 15-25661

Motifs : " [...] après avoir relevé, sans dénaturation, que le dommage initial était constitué par la remise de la lettre de change [après détournement et falsification] sur le compte ouvert dans les livres de la banque en Allemagne et par son paiement et que le débit de l'effet litigieux sur le compte de la société MDA, en France, n'en était que la conséquence, la cour d'appel en a exactement déduit que la survenance du dommage initial et la réalisation de l'événement causal à l'origine de celui-ci étaient localisés en Allemagne, ce qui excluait la compétence de la juridiction française".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 16 juin 2016, Universal Music, Aff. C-12/15

Aff. C-12/15, Concl. M. Szpunar

Motif 29 : "Si pour les parties au principal il est constant que la République tchèque est le lieu où s’est produit l’événement causal, il y a désaccord entre celles-ci en ce qui concerne la détermination du lieu où le dommage est survenu".

Motif 30 : "En effet, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le contrat conclu le 5 novembre 1998 entre B&M et ses actionnaires, d’une part, et Universal Music, d’autre part, a été négocié et signé en République tchèque. Les droits et les obligations des parties ont été définis dans cet État membre, y compris l’obligation pour Universal Music de payer un montant plus élevé qu’initialement prévu pour les 30% d’actions restants. Cette obligation contractuelle, que les parties au contrat n’avaient pas l’intention de créer, est née en République tchèque".

Motif 31 : "Le préjudice pour Universal Music résultant de la différence entre le prix de vente envisagé et celui mentionné dans ce contrat est devenu certain lors de la transaction sur laquelle se sont accordées les parties devant la commission d’arbitrage, en République tchèque, le 31 janvier 2005, date où le prix de vente effectif a été déterminé. Dès lors, l’obligation de paiement a grevé de manière irréversible le patrimoine d’Universal Music".

Motif 32 : "Partant, la perte d’éléments du patrimoine est intervenue en République tchèque, le dommage y étant survenu. La seule circonstance que, en exécution de la transaction qu’elle avait conclue devant la commission d’arbitrage, en République tchèque, Universal Music a acquitté le montant transactionnel par virement au départ d’un compte bancaire qu’elle détenait aux Pays-Bas n’est pas de nature à infirmer cette conclusion".

Motif 36 : "Certes, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 2015, Kolassa (C‑375/13, EU:C:2015:37), la Cour a constaté, au point 55 de son raisonnement, une compétence en faveur des juridictions du domicile du demandeur au titre de la matérialisation du dommage, lorsque celui-ci se réalise directement sur le compte bancaire de ce demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions".

Motif 37 : "Cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 44 et 45 de ses conclusions dans la présente affaire, cette constatation s’insère dans le contexte particulier de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, qui était caractérisé par l’existence de circonstances concourant à attribuer une compétence auxdites juridictions".

Dispositif 1 (et motif 40) : "L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle au principal, ne saurait être considéré comme « lieu où le fait dommageable s’est produit », en l’absence d’autres points de rattachement, le lieu situé dans un État membre où un préjudice est survenu, lorsque ce préjudice consiste exclusivement en une perte financière qui se matérialise directement sur le compte bancaire du demandeur et qui résulte directement d’un acte illicite commis dans un autre État membre".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 19 nov. 2014, n° 13-16689 [Conv. Bruxelles]

Motif : "(…) après avoir rappelé la nature de la faute [négligences ayant permis une escroquerie] reprochée à la banque [établie à Londres] et la structure du préjudice allégué par les investisseurs, l'arrêt relève, d'une part, que le lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage est celui du prétendu manquement de la banque à ses obligations professionnelles et, d'autre part, que le lieu où le dommage est survenu, au sens de l'article 5-3 de la Convention de Bruxelles, est celui où l'appropriation indue par le dépositaire des fonds s'est produite, que ce soit par retraits, par prélèvements ou par virements, c'est-à-dire à Londres, lieu où étaient matériellement tenus les comptes de [le dépositaire] ; (…) ayant ainsi fait ressortir que le dommage allégué, susceptible de découler immédiatement et directement de l'éventuelle faute de la banque, était situé au lieu où les fonds avaient été perdus et non placés, la cour d'appel en a exactement déduit, par une décision motivée, que la juridiction de Papeete [dans le ressort de laquelle les demandeurs étaient domiciliés] n'était pas compétente".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

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